Crise entre l’Olympique de Marseille et ses supporters : « Les dirigeants veulent le beurre et l’argent du beurre », dénonce Jérémy Bacchi
Au Sénat, le conflit entre la direction de l’Olympique de Marseille et ses supporters est observé avec acuité par les élus des Bouches-du-Rhône. Si tous dénoncent les violences, nombreux sont ceux à défendre les clubs « ultras ».
Par Pierre Maurer
Temps de lecture :
7 min
Publié le
« Tout Marseille vous le réclame : PARTEZ !!! ». Entre la direction de l’Olympique de Marseille et ses supporters, le torchon brûle depuis de longs mois. Mais ces dernières semaines, la tension a atteint son paroxysme entre marasme sportif, mise à pied de l’entraîneur et intrusion avec violences au sein du centre d’entraînement du club. La défiance se cristallise en particulier autour de la figure du président du club : Jacques-Henri Eyraud. Dernier épisode en date, le club a annoncé dans un communiqué lundi une initiative baptisée « Agora OM », présentée comme une « grande concertation » avec « tous les supporters du club » et une « main tendue à tous les supporters », y compris la frange qui a attaqué le centre d’entraînement le 30 janvier. En parallèle, le directeur général du club, Hugues Ouvrard, a envoyé un courrier à tous les groupes de supporters pour les avertir qu’il envisageait de « mettre fin à la convention sur les abonnements » qui lie le club et ces associations.
Une menace qui a entraîné une levée de boucliers au sein des élus marseillais et des clubs de supporters. Le maire socialiste Benoît Payan a estimé la démarche « incompréhensible » et suggéré à Jacques-Henri Eyraud de « calmer le jeu », alors que Samia Ghali, sa maire-adjointe, a invité la ministre des Sports Roxana Maracineanu à participer à « une médiation nécessaire ». La présidente de la métropole Aix-Marseille et du département Martine Vassal (LR), le sénateur communiste Jérémy Bacchi… Tous se sont engouffrés dans la brèche et une rafale de lettres ouvertes s’est abattue lundi soir sur les réseaux sociaux.
« C’est avec une grande surprise mais aussi beaucoup de colère que j’ai pris connaissance de votre projet agora », écrit ainsi Jérémy Bacchi à l’adresse de la direction de l’OM. « Ce projet s’inscrit dans une longue lignée de régressions des libertés individuelles et collectives amorcée il y a déjà plusieurs années par le pouvoir politique pour limiter la dimension populaire du football, au profit d’un football business, sans passion ni ferveur », dénonce-t-il.
Du côté des supporters, loin de calmer le jeu, cette nouvelle prise de position de la direction a été vécue comme une attaque. Lundi soir, dans un communiqué commun, les six groupes organisés (Dodgers, Winners, Fanatics, MTP, Commando Ultra et Club des amis de l’OM) ont ainsi répondu à Hugues Ouvrard, estimant que la rupture était « consommée » et le dialogue « devenu impossible ». « Nous ne vous considérons plus, ni vous-même, ni celui qui s’exprime à travers vous, Jacques-Henri Eyraud, comme dirigeants de l’Olympique de Marseille […] ».
« On a le sang chaud, c’est comme ça »
Au Sénat, les élus des Bouches-du-Rhône ne sont pas surpris. « C’est un club qui fait partie de l’amortisseur social de Marseille et du grand Marseille. Et donc c’est un club vivant, les gens sont passionnés. Dans la passion, il n’y a pas le mot raison, donc parfois ça va un peu plus loin que la raison. C’est normal, c’est chez nous, on a le sang chaud, c’est comme ça », relativise le sénateur Les Républicains Patrick Boré. Jérémy Bacchi, lui, ne décolère pas. « Les dirigeants veulent le beurre et l’argent du beurre ! C’est-à-dire des supporters qu’ils veulent transformer en spectateurs, qui seraient assis dans un stade sans passion mais qui continueraient à avoir des dépenses de marketing, des recettes, comme s’il y avait la même passion. Ce n’est pas possible, en tout cas pas dans une ville populaire comme la nôtre », tance-t-il affublé de son masque marqué du logo du club phocéen. Un dialogue est-il encore possible ? « La question qui se pose c’est la stratégie qu’a Monsieur Jacques-Henri Eyraud pour l’avenir du club avec le propriétaire Franck McCourt. Je me demande aussi s’il n’est pas trop tard pour calmer le jeu. Il y a une confiance qui s’est brisée entre cette ville et le président du club. Des lignes ont été franchies de part et d’autre et il est aujourd’hui compliqué de renouer un dialogue constructif entre les deux parties », regrette-t-il.
Valérie Boyer, sénatrice LR, préfère, elle, adresser ses foudres au maire socialiste de Marseille. « Ce qui est choquant c’est que Payan n’ait pas condamné les violences ! », tonne-t-elle. Au sujet de la mise en demeure, la méthode ne l’interpelle pas : « Ce que demande le directeur de l’OM, ce sont des explications aux supporters. Il n’a pas le choix. C’est normal de rappeler le droit. » Elle persiste : « On est en pleine confusion politique. On a le nouveau maire de Marseille qui ne condamne pas les violences et veut vendre l’âme de Marseille : à ce moment-là on va vendre l’Opéra de Marseille ? », ironise-t-elle en référence à la volonté exprimée par Benoît Payan et plusieurs élus marseillais de vendre le stade Vélodrome. « C’est une espèce de populisme malsain, ça ne grandit ni le club, ni les supporters », conclut Valérie Boyer, estimant qu’il est « hors de question de condamner tous les supporteurs » pour les violences commises.
Patrick Boré : "Dans la passion, il n’y a pas le mot raison"
00:31
« Les supporters aussi ont le droit d’avoir le respect »
De nombreux supporters s’inquiètent surtout d’un possible « Plan Leproux » à la marseillaise, en référence à la dissolution des groupes de supporters « ultras » du Paris SG en 2011. D’autres ont lancé sur Twitter un appel au boycott de tout ce qui touche l’OM de près ou de loin, ses produits dérivés ou ses réseaux sociaux. Mardi soir, le compte twitter officiel de l’OM perdait des dizaines d’abonnées par seconde. « Le football c’est une fête populaire. Ce sont des hommes et des femmes qui se retrouvent, qui partagent un maillot, qui soutiennent une équipe. Les supporters ont aussi le droit d’avoir le respect, de participer à la vie du club. Tous les grands clubs ont des supporters avec eux », prend position le socialiste Rachid Temal.
Pour le sénateur LR Michel Savin, président du groupe d’étude sport du Sénat, « il est important de faire la part des choses ». « Un club ne peut pas vivre sans ses supporters. Les supporters créent un lien social, une dynamique dans une ville. Le club en a besoin et les supporters aussi. C’est un équilibre à trouver. Il faut que les clubs de supporters condamnent les événements et fassent un peu le ménage en leur sein », appelle-t-il de ses vœux. Comment recréer un lien qui semble définitivement coupé ? « Je pense qu’il n’y a pas de responsabilité du club dans ce qu’il s’est passé à la Commanderie (centre d’entraînement de l’OM). Le club doit recréer un lien avec les supporters et les collectivités qui ont un rôle à jouer. Tout en restant ferme sur les sanctions qui doivent être prises. La Ligue peut jouer un rôle là-dedans. Il y a un travail de prévention, d’éducation. C’est un travail collectif. La Fédération, la Ligue… », plaide-t-il. Une chose semble certaine : « Il faut que la volonté soit partagée par tous. Ce n’est pas par la loi qu’on va régler le problème. La porte de sortie ne doit pas être temporaire mais plutôt s’inscrire dans la durée parce qu’on est dans un club particulier où les coups de sang sont fréquents. Mais ce n’est pas grave, il faut continuer. » Pour l’heure, l’OM affronte Nice ce mercredi soir - sans ses supporters - et espère engranger sa première victoire en sept matchs de Ligue 1 pour éviter de s’enfoncer dans la crise.
L’intégration dans le Code pénal de cette notion, développée dans les années 1970 pour décrire certains aspects des violences conjugales, a nourri de vifs débats au Sénat jeudi 3 avril. Les élus ont renoncé à la faire entrer strico-sensu dans la loi, mais ils s’en sont inspirés pour revoir la définition pénale du harcèlement sur conjoint.
Pour que les populations soient préparées en cas de crise, la Commission européenne conseille aux citoyens d’avoir un « sac de résilience » avec tout ce qu’il faut pour tenir, en cas de catastrophe naturelle… ou de guerre. « Le but n’est pas de faire peur aux gens », soutient le sénateur LR Cédric Perrin, mais « d’anticiper les situations ». La France prépare un livret de survie, sur le modèle suédois.
Les faits religieux sont de plus en plus acceptés au sein des entreprises et en particulier chez les plus jeunes. C’est ce que révèle une enquête menée par Toluna-Harris Interactive. La sénatrice Hélène Conway-Mouret observe « une plus grande acceptation du religieux dans la vie en communauté ».
Mannequin, animatrice de télévision et comédienne. Elle a médiatisé le combat de son second fils Samy, atteint d’autisme sévère, pour alerter sur le manque de prise en charge des enfants handicapés, mais aussi la solitude des mères et des parents. Malgré la disparition de son fils en 2023, elle a décidé de poursuivre le combat. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Eglantine Eméyé dans « Un monde, un regard » sur Public Sénat.
Le
Le direct
Aides publiques aux entreprises : audition du président du MEDEF
Aides publiques aux entreprises : audition du président du MEDEF