Daft Punk : au Sénat aussi on regrette leur séparation

Daft Punk : au Sénat aussi on regrette leur séparation

Les Daft Punk, duo français mondialement connu, rangent les casques au placard. Même au Sénat, on compte quelques amateurs. « Homework, c’est l’album fondateur de ma culture musicale », confie le sénateur Thomas Dossus. « Ils ont contrôlé leur image du début à la fin » souligne André Gattolin. Selon Jean-Raymond Hugonet, ils sont retournés en studio en 2018…
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« Too long », chantait pendant 10 minutes le regretté Romanthony, sur ce titre des Daft Punk sorti en 2001 sur l’album Discovery. Au terme de 28 ans de carrière, le plus célèbre duo français de la planète électro avait peut-être fait le tour, après être arrivé au sommet de leur pyramide. Daft Punk, soit Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, ont annoncé lundi la fin de leur aventure. Elle a marqué toute une génération et au-delà.

« C’était ma jeunesse » se souvient Thomas Dossus

L’impact du duo de frenchies est tel qui se retrouve jusqu’au… Sénat. Nous avons interrogé quelques sénateurs pour qui l’évocation du groupe signifie quelque chose. Le plus déçu par leur séparation est sans nul doute Thomas Dossus, sénateur Europe Ecologie-Les Verts du Rhône. « Je les suis depuis le premier single, avec Da Funk et Around The World. J’étais en Angleterre, dans une famille d’accueil pour séjour linguistique, quand Around The World est sorti. Et l’autre gamin avait acheté le single en cassette ou vinyle », se souvient Thomas Dossus. Il plonge dans ce son très vite. « Homework, le premier album, pour moi, c’est l’album fondateur de ma culture musicale. C’est un son radical, brut. Il s’écoute du premier au dernier morceau. C’était ma jeunesse », raconte le sénateur, né en 1982.

Cette découverte des « Daft » laissera des traces. Il sera à Dijon au moment de l’An-fer, « une boîte mythique » pour la scène des musiques électroniques en France, puis ce sera Lyon, avec les Nuits sonores, où il voit « en avant-première le film des Daft Punk, Interstella 5555 ». « Tout ça, c’est ma culture musicale. J’ai moi-même mixé dans quelques soirées, au sein d’un collectif, autour de 2010. J’ai mixé 2-3 fois à Paris, une fois à Lyon. C’était une fusion entre les musiques d’Afrique, des Caraïbes et l’électro », confie Thomas Dossus, qui a aussi eu « une émission sur Radio Canut, où (il) faisait des interviews d’artistes ». Cette culture est encore là aujourd’hui et guide même ses interventions. En novembre dernier, sa prise de parole lors du budget surprend, quand il cite au micro du Sénat la lettre de Laurent Garnier à Roselyne Bachelot sur les musiques électroniques délaissées. Regardez :

« Ils ont joué un rôle énorme pour faire connaître toute une scène française à l’étranger »

La suite de la carrière des Daft Punk, avec Discovery, album d’abord critiqué par une partie de la critique, ou encore Random Access Memories, leur dernier album sorti en 2013, « c’est très bien aussi. C’est plus classieux. Ça me plaisait aussi » dit Thomas Dossus. Il ajoute :

Quand ils sortent le morceau avec Nile Rodgers, ils mettent tout le monde d’accord. Encore une fois. Mais après, ils n’avaient plus rien à prouver. C’est pour ça qu’ils n’ont plus fait grand-chose.

« Ils ont à la fois popularisé les musiques électroniques, et ont joué un rôle énorme pour faire connaître toute une scène française à l’étranger », salue encore le sénateur écologiste, qui estime même qu’« ils ont joué un rôle majeur dans la contre-culture des 30 dernières années ».

« Ils ont travaillé, il n’y a pas si longtemps que ça, dans le studio Gang » confie le sénateur Jean-Raymond Hugonet

Pour Jean-Raymond Hugonet, sénateur LR de l’Essonne et musicien professionnel, « ce qui est exceptionnel chez eux, c’est une espèce de discrétion et une notoriété planétaire. Ils ne sont pas légion les artistes français à avoir eu une telle carrière à l’international ».

A propos des Daft Punk, Jean-Raymond Hugonet lâche au passage une petite info qui devrait exciter les fans. « Ils ont travaillé, il n’y a pas si longtemps que ça, dans un studio parisien que j’adore, le studio Gang, dans lequel Michel Berger a fait l’essentiel de son œuvre. C’est un studio que je connais très bien car j’y ai travaillé. Et le patron et propriétaire, Claude Puterflam, est un ami de longue date », raconte le sénateur de l’Essonne. « C’était il y a un peu plus de deux ans, lors d’un déjeuner avec lui, en 2018, qu’il me raconte qu’il avait reçu un coup de fil. C’était les Daft Punk qui venaient… », continue Jean-Raymond Hugonet. Le duo a donc enregistré quelque chose, qui n’est jusqu’alors pas sorti… Quel était le but de cette session d’enregistrement ? Juste un morceau ? Un projet de nouvel album abandonné ? Mystère.

« Ils étaient peut-être au bout d’une aventure commune »

On ne sait rien pour le moment des causes de la séparation des deux robots. « Ils étaient peut-être au bout d’une aventure commune », imagine le sénateur LR. « La création, c’est un univers très compliqué. Qui mêle aussi des sentiments humains, des affinités. Et le temps érode parfois aussi la créativité ». « Mais c’est comme ça. Il y a quelque chose de magique dans la création. Ça ne se fait pas sur commande », ajoute ce batteur, plutôt amateur de pop rock et qui s’était spécialisé dans la musique à l’image. « J’ai placé des musiques pour la série Sous le soleil », raconte Jean-Raymond Hugonet. Pour le plaisir, il joue aujourd’hui dans un groupe de reprises, les Rosewood.

Le sénateur de l’Essonne retient surtout des Daft Punk leur titre « Get lucky ». « A l’intérieur, ce qui fait la tournure, c’est-à-dire le rythme, la mélodie, une phrase, c’est un bassiste que j’adore, Nathan East, qui est un des plus grands bassistes au monde ». Il ajoute :

Avec Get Lucky, la basse concourt à donner un truc qui vous reste dans la tête et vous donne envie de bouger. J’entends ça et la journée commence bien.

« On a beaucoup poussé sur les Daft Punk au début » raconte André Gattolin

Un autre sénateur est sensible au travail des Daft Punk. C’est André Gattolin, sénateur LREM des Hauts-de-Seine. Son passé dans les médias l’a amené à se pencher sur le duo, bien avant qu’il ne range le casque au placard. « A Libération, je m’occupais du marketing, du développement, de la com’et de la promotion. Et très tôt, on a eu des journalistes qui s’intéressaient à la techno, Didier Lestrade et Alexis Bernier, qui a fondé Tsugi ensuite. Un de mes prédécesseurs, qui dirigeait la promo, était très copain avec les Daft Punk. On a très souvent eu des opérations de partenariat avec eux. On a beaucoup poussé sur les Daft Punk au début. Nous avions une vraie sympathie pour ce groupe et l’électro », raconte André Gattolin, qui a ainsi pu les voir en concert « à la fin des années 1990, dans le cadre des partenariats ». Le duo lui évoque, pour l’aspect visuel, Kraftwerk, dont il est « fan depuis les années 1970. Je les ai vus un nombre de fois impressionnant ! »

Chez les Daft Punk, il ressent une forme d’influence « de l’avant-garde underground new-yorkaise, de Detroit ou berlinoise, et même française avec Charles de Goal, qui avait des albums extrêmement novateurs. Et eux, au moment où la vague électro monte, ils arrivent avec quelque chose de très créatif et différent. Avec une volonté assumée d’être populaire, d’assumer des mélodies », tout en mêlant une « stratégie de l’anonymat généralisé ».

« La culture techno du début, où le DJ n’est pas la star »

Un anonymat qu’ils vont chercher dans la musique qu’ils écoutent, jeune, celle de Chicago ou de Detroit. On pense au mythique label de la Motor city, Underground Resistance, où son fondateur Mad Mike ne donnait ses rares interviews que cagoulé, ou encore à Aphex Twin, qui a joué derrière un rideau et a su détourner son image. « Il y a tout ça dans la culture techno du début, où le DJ n’est pas la star », rappelle Thomas Dossus.

Le tour de force des Daft Punk, est de faire de cet anonymat un élément central. Quitte à susciter les critiques sur ce qui peut apparaître comme un calcul. « On peut les accuser d’esprit marketing. Mais en fait, ils ont contrôlé leur image du début à la fin, et non les maisons de disques. Et ça, c’est un élément assez nouveau. De nombreux artistes se sont retrouvés coincés, repositionnés par leur label », souligne André Gattolin.

« On est dans quelque chose qui est vraiment pop »

Au final, « on est dans quelque chose qui est vraiment pop, au sens où ça atteint un degré de notoriété qui dépasse les clivages. La ménagère de plus de 50 ans peut entendre un morceau des Daft Punk et se mettre à le chantonner », analyse le sénateur LREM. Une musique qui vient de l’underground et parle, en définitive, au plus grand nombre. Derrière les robots et les machines, ce sont bien avant tout deux humains, après tout.

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