Dans le Grand Est, pas d’accalmie en vue

Dans le Grand Est, pas d’accalmie en vue

Si la tension reste maximale dans les hôpitaux alsaciens, le risque d’une saturation gagne désormais la Moselle.
Public Sénat

Par Fabien Recker

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« On pensait qu’on allait avoir une accalmie, mais pas du tout. C’est reparti à la hausse. » Jean-Philippe Mazzucotelli, chef du service de chirurgie cardio-vasculaire au CHU de Strasbourg, ne se fait pas d’illusions : l’Est du pays est toujours dans l’oeil du cyclone. « On avait 130 personnes en réanimation la semaine dernière, on en a 188 aujourd’hui » constate le chirurgien. « Rien que sur la journée d’hier, on a hospitalisé 100 patients ! Même pour une grosse structure comme le CHU de Strasbourg, c’est considérable. »

« On a l’impression que l’Etat compte un peu trop sur nos voisins allemands et luxembourgeois pour assurer les transferts »

Avec 3950 personnes hospitalisées et 919 décès au 30 mars, la région Grand Est est l’une des plus touchées par l’épidémie de Covid19. Et la menace d’une saturation des hôpitaux se répand désormais sur tout son territoire : après le Haut-Rhin (l’un des principaux foyers de contamination en France) c’est au tour de la Moselle de se trouver engorgée. Lundi, la directrice du CHR de Metz lançait un « cri d’alarme » à l’occasion d’une audio-conférence de presse, réclamant « 12 transferts de patients par jour » vers d’autres régions afin de soulager un hôpital arrivé « au bout de ses capacités. »

Or ces transferts interrégionaux tardent à atteindre un nombre suffisant, selon le sénateur (LR) de la Moselle François Grosdidier. « On a l’impression que l’Etat français compte un peu trop sur nos voisins allemands et luxembourgeois pour assurer les transferts » s’agace le sénateur. Il redoute que son département ne « soit dans la situation du Haut-Rhin d’ici mercredi. On a vu comment ca s’est dégradé en un week-end. » Le sénateur réclame la mise en place d’un train sanitaire au départ de Metz. « Pour l’instant on n’a pas les garanties. »

« Pour l’instant on tient la route, mais pour combien de temps ? »

Lundi, six patients ont été emmenés par hélicoptère depuis Strasbourg vers la Suisse et l'Allemagne. A Mulhouse, « les transferts de malades vers d’autres centres hospitaliers ont permis qu’il n’y ait à ce jour pas de saturation » tente de rassurer Jean-Marie Bockel.

Le sénateur du Haut-Rhin salue le rôle de l'hôpital militaire de campagne déployé à Mulhouse. « Ce sont 30 lits de réanimation en plus. Quand on voit qu’on fait des évacuations d’une ou deux personnes en hélicoptère, de six personnes en avion militaire, on imagine bien que ces 30 lits sont extrêmement importants. » 

A Strasbourg aussi, on tient bon en évacuant les malades ailleurs. « Le fait qu’on ait pu transférer contribue à libérer des lits et nous évite pour l’instant de faire des choix dramatiques » explique le professeur Mazzucotelli. « Les Allemands sont toujours disposés à nous prendre des malades, mais ils vont aussi avoir leurs problématiques à eux. Pour l’instant on tient la route, mais pour combien de temps ? » D’autant que le pic n’est pas atteint. « Est ce qu’on s’en approche ou pas ? C'est trop tôt pour le dire » prévient Jean-Marie Bockel. Le docteur Mazzucotelli, lui, « n’en voit pas le bout. Et quand bien même on aura passé le pic, le nombre de patients sera toujours très conséquent. On sera forcément saturé à un moment ou à un autre. »

Le CHU de Strasbourg « a presque doublé ses capacités » en réanimation

D’ici là, les efforts pour ouvrir de nouveaux lits en réanimation se poursuivent. Le CHU de Strasbourg « a presque doublé ses capacités » indique Jean-Philippe Mazzucotelli, qui espère la livraison prochaine « d’une dizaine de respirateurs. Ce sont de petits appareils, pas des respirateurs lourds, mais qui permettent quand même de ventiler correctement les patients ».

Comme dans les hôpitaux franciliens, à Strasbourg on manque de personnel « qualifié et expérimenté. On forme des infirmières pour aller travailler en réanimation. » 

Reste la question de l’approvisionnement en masques pour ces soignants. La région Grand Est vient de livrer 1,3 million de masques aux personnels des hôpitaux et aux EHPAD des quatre départements les plus touchés. Sur le terrain, la situation semble légèrement s’améliorer.

« On ressent moins la tension » reconnaît Christian Prudhomme, secrétaire général de FO aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. « Les services à risque comme les “réa” ont droit à 3 masques FFP2 pour une garde de 12 heures. On est toujours sur un rationnement strict, mais on sent qu’il y a eu un déblocage. En revanche, on va être en difficulté au niveau des surblouses. » Au CHU de Strasbourg « on est déjà à plus de 200 agents contaminés » indique le syndicaliste.  

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