Dans le nord de la France, lassitude, colère et risque d’abstention

Dans le nord de la France, lassitude, colère et risque d’abstention

"Personne ne nous représente", "ils ne pensent qu'à leur carrière", "ça ne changera rien": les électeurs désenchantés de Roubaix, l'une des...
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Par Zoé LEROY

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"Personne ne nous représente", "ils ne pensent qu'à leur carrière", "ça ne changera rien": les électeurs désenchantés de Roubaix, l'une des villes les plus pauvres de France où l'abstention bat souvent des records, s'apprêtent à bouder les urnes lors de la prochaine présidentielle.

Un mardi matin sec d'hiver. Paul Zilmia tracte pour le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, sur un marché de cette ville toute proche de la Belgique, au pied d'une ancienne usine textile témoin d'une prospérité passée.

"Non merci, je suis trop déçue!", "Ils agissent tous comme des voleurs !", lui lancent des passants quand il tend un tract.

"C'est compliqué d'aborder les gens parce qu'il y a un dégoût de la politique, ils ont le sentiment d'avoir été abandonnés et ils se disent que, quels que soient les politiciens au pouvoir, rien ne change", admet M. Zilmia, né à Roubaix et candidat aux élections législatives de juin.

Dans cette ville de près de 100.000 habitants où le taux de chômage atteint 30% - trois fois la moyenne nationale- l'abstention était de 31,43% au premier tour de la présidentielle de 2012, plus que la moyenne nationale, de l'ordre de 20%.

Le phénomène risque de s'accentuer les 23 avril et 7 mai. Au niveau national, un Français sur trois (32%) envisage de s'abstenir, ce qui, ajouté à une forte indécision, renforce l'incertitude sur les résultats de l'élection, selon une étude du Centre de recherches de Sciences Po publiée début mars.

Les candidats à l'élection présidentielle
Les candidats à l'élection présidentielle
AFP/Archives

Pour l'heure, la chef de file de l'extrême droite Marine Le Pen semble assurée de se qualifier au second tour. Elle espère ensuite convaincre les "millions" de Français indécis mais serait battue par l'un de ses principaux adversaires, le centriste Emmanuel Macron et le conservateur François Fillon, selon les sondages actuels.

Dans le centre-ville, face à l'imposante mairie, Célestin, 39 ans, un entrepreneur dans la rénovation énergétique qui refuse de donner son nom de famille, explique qu'il ne "vote jamais", car "personne ne (le) représente".

"On a des difficultés à trouver un emploi, à trouver un logement et aucun candidat ne propose des solutions. Avant de nous parler de baisses d'impôts, il faut déjà en payer des impôts, avant de savoir à quel âge on va prendre sa retraite, il faut déjà avoir un emploi", s'emporte-t-il.

"Je n'irai pas voter, c'est sûr. Je suis de droite, mais même la droite me déçoit avec l'affaire Fillon", confie, dépité, Samir, 32 ans, alors que le candidat conservateur est soupçonné d'avoir fourni des emplois fictifs à sa famille, sur des deniers publics.

- 'Abstention militante' -

"L’abstention est forte dans les quartiers où il y a un décrochage social important. Presque 45% vit en dessous du seuil de pauvreté, quand vous êtes en survie, vous ne pensez pas au reste", analyse Max-André Pick, premier adjoint au maire de droite de Roubaix.

"Plus on est dans les territoires populaires, moins on vote", renchérit Julien Talpin, sociologue spécialiste de la politisation des classes populaires.

Si en 2012, "il y avait une volonté de sanctionner (Nicolas) Sarkozy, considéré comme un adversaire des quartiers populaires", cette fois "le désenchantement par rapport au quinquennat sortant (du socialiste François Hollande, NDLR) va rendre la mobilisation extrêmement difficile", prédit-il.

Depuis 2002, Bruno Lestienne et son collectif "Je pense donc je vote" labourent le terrain pour inciter les gens à voter. Cette année, il se demande "si ça sert à quelque chose".

"Face à nous, on a des politiques qui font tout pour que les gens s'abstiennent, ce qu'on entend de la campagne ce sont des bisbilles à droite, à gauche et pendant ce temps là, les gens sont toujours dans la galère, ils en ont marre", affirme-t-il.

Pour lui, il s'agit surtout "d'une abstention militante" avec "une volonté de ne plus créditer le système". Mais pour Myriam Cau, élue écologiste d'opposition, il existe aussi une "abstention silencieuse".

Cette écologiste qui fait souvent du porte-à-porte a "l'impression que beaucoup de gens ne captent plus les politiques, ils n'y croient plus, ils ne sont même pas vindicatifs, ils nous disent +Amusez vous là-haut, de toute façon, vous ne ferez rien pour nous+".

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