De Gaulle, un « Bonaparte éclairé » ?
« Pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? » s’était écrié le Charles de Gaulle à quelques semaines de son retour au pouvoir, mi-amusé, mi-agacé, par les questions des journalistes. Longtemps en effet, certains ont suspecté le général de velléités autoritaires, sans jamais qu’elles ne se concrétisent vraiment. Une ambivalence que montre bien de Gaulle, le monarque et le Parlement, un documentaire de Pierre Bonte-Joseph, pour Public Sénat en partenariat avec les Archives nationales.

De Gaulle, un « Bonaparte éclairé » ?

« Pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? » s’était écrié le Charles de Gaulle à quelques semaines de son retour au pouvoir, mi-amusé, mi-agacé, par les questions des journalistes. Longtemps en effet, certains ont suspecté le général de velléités autoritaires, sans jamais qu’elles ne se concrétisent vraiment. Une ambivalence que montre bien de Gaulle, le monarque et le Parlement, un documentaire de Pierre Bonte-Joseph, pour Public Sénat en partenariat avec les Archives nationales.
Public Sénat

Par Hugo Ruaud

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

« Le cadre mal bâti dans lequel se disqualifie l’Etat et s’égare la nation ». Voilà comment l’homme du 18 juin qualifiait la IVe République, selon Hervé Gaymard, président de la fondation Charles de Gaulle. « Un régime des partis » derrière lequel « l’intérêt de l’Etat disparaît au profit de l’intérêt de gens qui sont là pour se servir eux-mêmes » explique Frédérique Neau-Dufour, historienne, lorsqu’elle évoque la pensée du général à propos des parlementaires.

Alors quand le Charles de Gaulle succède à Pierre Pflimlin comme Président du conseil pour sortir la France de la crise algérienne, nul doute que la IVe République vit ses dernières heures, au grand désarroi de nombreux députés : « Il y a des résistances immédiates, d’opposants qui considèrent que son arrivée au pouvoir a constitué une forme de coup d’État », se souvient Louis Mermaz, ancien président de l’Assemblée nationale.

David Bellamy et Bénédicte Fichet devant un exemplaire de l'avant-projet constitutionnel de 1958
David Bellamy et Bénédicte Fichet devant un exemplaire de l'avant-projet constitutionnel de 1958

Un retour au pouvoir qualifié de « coup d’État »

Ces craintes étaient-elles justifiées, ou exagérées ? C’est toute l’ambiguïté du pouvoir gaulliste que met en exergue le documentaire. Car certes, l’antiparlementarisme « n’était certainement pas la pensée du général de Gaulle, qui a certes critiqué le Parlement et ses excès, mais qui a toujours défendu son existence et sa raison d’être » explique Frédérique Neau-Dufour. Mais combien de fois le général contourna le Parlement ?

A commencer par la rédaction de la Constitution en elle-même. Les parlementaires pour la première fois dans l’histoire de France, sont à peine consultés. Pas d’assemblée constituante, mais un groupe de juristes réunis autour de Michel Debré. De Gaulle se méfie des « vieux lions de la quatrième République ».

A de maintes reprises, de Gaulle exploite la subtilité des textes, flirtant parfois avec les limites du droit constitutionnel, pour se passer de l’avis des deux chambres, et faire « comme bon lui semblait ». Comme en 1962, et c’est l’une des révélations du film, lorsqu’il utilise la voie référendaire plutôt que le vote des assemblées pour réformer la constitution et permettre l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Si à l’époque le Conseil constitutionnel ne rend pas d’avis public, il rédige un avis officieux dans le plus grand secret qui avertit le général sur le caractère anti constitutionnel de la consultation.

Le bureau du général de Gaulle a Colombey-les-deux-Eglises
Le bureau du général de Gaulle a Colombey-les-deux-Eglises

 

Le peuple contre le Parlement

Sa forte popularité durant la grande majorité de son mandat lui permit de passer outre l’hostilité de l’Assemblée et du Sénat, quitte à amoindrir leur légitimité. Que ce fut lors de l’indépendance de l’Algérie, ou lorsqu’il décida de modifier la constitution pour faire élire le président au suffrage universel direct, de Gaulle put toujours compter sur l’appui des Français. Des décisions parfois ambiguës quant à l’équilibre des pouvoirs, mais toujours légitimées par la souveraineté populaire. Un paradoxe qui fit dire à Gaston Monnerville, ancien président du Sénat cité par l’actuel Gérard Larcher, que de Gaulle était un « Bonaparte éclairé ».

A revoir en replay ici

Partager cet article

Dans la même thématique

Capture
5min

Politique

Un accord de libre-échange entre la Chine et l'Union européenne serait "extrêmement dangereux" pour cette eurodéputée

Scandale Shein, restrictions sur les terres rares, déferlement d'exportations sur le Continent : ces dernières semaines ont fourni aux européens de nombreux motifs d'inquiétude dans leur relation avec Pékin. Alors que Donald Trump a scellé un accord d'un an avec le président Xi Jin Ping, l'UE semble sur le banc de touche. Un sursaut est-il possible ? Ou bien sommes-nous condamnés à rester à la remorque de la Chine ? Débat dans "Ici l'Europe" avec les eurodéputés Sandro Gozi (Renew, France) et Estelle Ceulemans (S&D, Belgique).

Le

Photo Cazeneuve
11min

Politique

Attentats du 13 novembre 2015, le récit de Bernard Cazeneuve : « Très vite, on a conscience que nous sommes confrontés à une attaque de grande ampleur »

ENTRETIEN - Dix ans après les attentats de Paris et de Seine-Saint-Denis, qui ont coûté la vie à 130 personnes, l'ancien ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, revient auprès de Public Sénat sur cette nuit de terreur, et la gestion de crise aux côtés du Président de la République et du Premier ministre.

Le

De Gaulle, un « Bonaparte éclairé » ?
3min

Politique

« Il n’y a aucune délinquance dans les écoles de musique », affirme le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus

Il est sans conteste le maestro français le plus célèbre de sa génération. A 92 ans, Jean-Claude Casadesus continue de remplir les plus belles salles du monde sans jamais renier son attachement à la région du Nord. Lui qui a créé puis dirigé l’orchestre national de Lille, s’est engagé toute sa vie pour rendre la musique classique accessible à tous. Invitée de Rebecca Fitoussi dans Un monde, Un regard, Il revient sur son immense carrière marquée par la passion et le partage.

Le

Paris: Senate pension debat
6min

Politique

Retraites : la gauche du Sénat désunie sur la suspension de la réforme

A partir du 19 novembre, le Sénat examinera en séance publique le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et sa mesure phare : la suspension de la réforme des retraites. Une concession du gouvernement faite au PS qui n’a aucune chance d’être adoptée à la haute assemblée à majorité de droite. Les socialistes ne devraient également ne pas être suivis par les communistes et écologistes sur le vote de cette mesure.

Le