Décentralisation : le Sénat tend la main à Macron, mais à ses conditions
En présentant ses 50 propositions sur la décentralisation, le Sénat veut garder un coup d’avance sur ce sujet qui lui est cher. « L’unité nationale pourrait se faire » sur les collectivités, assure Gérard Larcher, qui dit « chiche » à Emmanuel Macron. Mais ces « propositions forment un tout » prévient Philippe Bas.

Décentralisation : le Sénat tend la main à Macron, mais à ses conditions

En présentant ses 50 propositions sur la décentralisation, le Sénat veut garder un coup d’avance sur ce sujet qui lui est cher. « L’unité nationale pourrait se faire » sur les collectivités, assure Gérard Larcher, qui dit « chiche » à Emmanuel Macron. Mais ces « propositions forment un tout » prévient Philippe Bas.
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Une main tendue, mais qui reste ferme. Gérard Larcher a présenté jeudi 2 juillet les 50 propositions du Sénat pour une « nouvelle décentralisation ». Fruit d’un travail commencé dès février, le président du Sénat l’a transmis à Emmanuel Macron, qu’il a vu hier en fin d’après-midi. Début juin, le chef de l’Etat lui avait demandé de plancher à l’après crise. Une manière de faire d’une pierre deux coups, au moment où le président de la République semble prêt à avancer sur le sujet.

Alors que les relations entre l’exécutif et le Sénat ont souvent été difficiles, Gérard Larcher retrouve ici son ton constructif, qu’il a déjà adopté par le passé. « Le Président a dit "je veux renverser la table". Nous lui disons, politiquement, chiche ! » lance Gérard Larcher, au sujet des collectivités. Et d’insister : « Nous sommes dans une attitude positive, attentive, en même temps exigeante. Et je dis chiche ».

« Nous avons pris une certaine avance. Et nous entendons la garder »

« L’unité nationale pourrait se faire sur cette nouvelle génération de la décentralisation » va jusqu’à dire Gérard Larcher ensuite au micro de Public Sénat (voir la vidéo ici). « C’est un travail en commun que nous voulons engager » confirme le président LR de la commission des lois, Philippe Bas, co-rapporteur des 50 mesures. Mais il ajoute : « Nous y sommes prêts. Nous avons pris une certaine avance. Et nous entendons la garder »… Une formulation qui dit beaucoup de choses. En présentant ses 50 propositions, le Sénat veut prendre date et avance ses pions. Alors que le gouvernement planche aussi sur le sujet depuis des mois, avec la future loi « 3D », on comprend que les sénateurs ne veulent pas laisser l’exécutif s’accaparer un sujet que le Sénat connaît par cœur, et sur lequel il travaille depuis des années, en tant que chambre des collectivités. Les sénateurs sont prêts à avancer avec l’exécutif, mais à condition que ce dernier s’aligne sur ses propositions. Une position qui risque d’irriter certains membres de la majorité présidentielle.

« Nos propositions forment un tout. Ce n’est pas une liste de courses dans laquelle on pourrait picorer » prévient Philippe Bas. Le ton rappelle ici les débats sur la précédente réforme constitutionnelle. Les sénateurs voulaient l’examiner en un seul bloc ou rien d’autre.

Interrogé sur une forme de concurrence qui semble se dégager de ses propos, Philippe Bas, qui sait manier l’estocade, réplique : « Pour qu’il y ait concurrence, il faut qu’il y ait des compétiteurs… Le projet de loi « 3D », j’en entends parler, mais vous ne l’avez pas vu. (Alors que) nos propositions sont sur la table ». Pour le sénateur de la Manche, « le Parlement ne doit pas être à la remorque de l’exécutif ». « Nous avons situé le niveau de l’ambition » dit-il. « Ce que nous ne voulons pas, c’est un enterrement de première classe, comme par le passé ». Mais il l’assure, « ce n’est pas une compétition ».

« Les propositions de loi n’ont pas vocation à être sur une étagère »

Toujours prompt à arrondir les angles, Gérard Larcher dit les choses de façon moins directe que Philippe Bas. « Les propositions de loi n’ont pas vocation à être sur une étagère. Elles ont vocation à instituer une méthode » soutient le sénateur des Yvelines.

Il parle ici des trois propositions de loi – constitutionnelle, organique et ordinaire – reprenant les 50 propositions. Elles seront présentées ensemble courant juillet. Plusieurs préconisations des sénateurs nécessitent en effet de modifier la Constitution (lire ici). Ça tombe bien, Emmanuel Macron a justement prévu de relancer une réforme constitutionnelle, limitée à l’introduction de la protection de l’environnement à l’article 1. Il faudra peut-être prévoir un complément au chapitre des collectivités…

« Il y a l’amour et les preuves d’amour »

Mais il faudra s’entendre, encore une fois, avec le Sénat. Comme le résume Gérard Larcher, « l’union nationale en période de crise (…) ne veut pas dire qu’il n’y a pas de débat, de discussion. Nous sommes dans une logique d’enrichissement des textes, voire dans l’expression de désaccords », quand il le faut. Emmanuel Macron sait à quoi s’en tenir.

Va-t-on voir un remake de la première réforme constitutionnelle, qui a abouti à un échec ? A moins que s’agissant des collectivités, il y ait pour de bon un terrain d’entente entre Emmanuel Macron et le Sénat. « Il y a l’amour et les preuves d’amour » lance le sénateur centriste Jean-Marie Bockel, à la tête de la délégation aux collectivités territoriales et co-rapporteur des propositions. Les sénateurs attendent donc maintenant les « preuves » de la part du gouvernement.

Dans un entretien donné ce vendredi à la presse quotidienne régionale, le chef de l’Etat se dit prêt à un « expérimentation rapide » pour les collectivités qui souhaitent prendre plus de compétences. « Avec la différenciation, je suis prêt à faciliter les expérimentations (...). Je veux les associer en lançant dès cet été une grande conférence des territoires où je veux de manière très concrète qu’on regarde au cas par cas, qu’on ne se perde pas dans des débats de cathédrale » annonce le Président. Une conférence des territoires avait déjà été organisée lors de l’été 2017… au Sénat. Rien de très nouveau au final dans la bouche d’Emmanuel Macron. Mais il s’agit sûrement d’une première preuve d’amour.

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