Délit de solidarité abrogé : « Une décision très forte, digne de la France » pour Esther Benbassa
Le Conseil constitutionnel estime qu'une aide désintéressée au « séjour irrégulier » ne saurait être passible de poursuites, au nom du « principe de fraternité ». « Cette décision envoie un message à Emmanuel Macron et Gérard Collomb » selon la sénatrice écologiste Esther Benbassa.

Délit de solidarité abrogé : « Une décision très forte, digne de la France » pour Esther Benbassa

Le Conseil constitutionnel estime qu'une aide désintéressée au « séjour irrégulier » ne saurait être passible de poursuites, au nom du « principe de fraternité ». « Cette décision envoie un message à Emmanuel Macron et Gérard Collomb » selon la sénatrice écologiste Esther Benbassa.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

C’est une décision importante. Le Conseil constitutionnel a décidé d’abroger partiellement ce vendredi le délit de solidarité. L’institution, présidée par l’ancien premier ministre socialiste, Laurent Fabius, estime qu'une aide désintéressée au « séjour irrégulier » ne saurait être passible de poursuites, au nom du « principe de fraternité ». Le Conseil censure  en conséquence des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Cette décision fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité, déposée par Cédric Herrou, cet agriculteur condamné en 2017 à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé 200 migrants. Il était devenu le symbole de l’aide aux migrants à la frontière franco-italienne.

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel consacre le « principe de fraternité », rappelant que « la devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité » et que la loi fondamentale se réfère à cet « idéal commun ». « Il découle du principe de fraternité la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national », selon le texte de la décision. Pour laisser le temps au gouvernement de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, le Conseil reporte au 1er décembre 2018 la date d'abrogation des dispositions contestées.

Il censure partiellement l'article concerné du Code de l'entrée et du séjour des étrangers, sortant du champ des poursuites toute aide humanitaire au « séjour » comme à la « circulation » des migrants. Mais « l'aide à l'entrée irrégulière » reste sanctionnée.

« C’est la victoire de la solidarité »

Pour les défenseurs des migrants, c’est une grande victoire. « Je suis vraiment très émue, pour mes amis Cédric Herrou, Martine Landry et les autres aidants. C’est la victoire de la solidarité » réagit auprès de publicsenat.fr la sénatrice écologiste, membre du groupe communiste, Esther Benbassa. « Enfin les solidaires ne seront plus des délinquants, c’est exceptionnel, même si l’abrogation est partielle et que l’aide à l’entrée reste encore un délit. Mais c’est formidable pour les exilés et pour ceux qui les aident ».

Elle avait déposé l’automne dernier une proposition de loi visant l’abrogation du délit de solidarité. La sénatrice de Paris s’y était aussi opposée lors de l’examen du texte asile et immigration au Sénat, où la majorité sénatoriale de droite était revenue sur l’allègement du délit de solidarité, voté par les députés.

« Cette décision envoie un message à Emmanuel Macron, Gérard Collomb »

« C’est une gifle contre tous ceux qui veulent tout fermer et mettre au placard notre humanité, alors qu’en plus, il y a moins de migrants aujourd’hui qu’en 2015 », souligne encore Esther Benbassa, qui ajoute que « cette décision envoie un message à Emmanuel Macron, Gérard Collomb, mais aussi à tous ceux qui avant n’ont pas abrogé ce délit, comme Bernard Cazeneuve ».

Cette nouvelle arrive à un moment où la question des migrants est en enjeu crucial au niveau européen, après l’épisode de l’Aquarius. « C’est une décision très forte, digne de la France. Maintenant que les portes se ferment et que les murs se dressent, c’est une fenêtre sur l’humanité. C’est une décision très importante par le signal qu’elle envoie. Face aux camps à l’extérieur des frontières, qui ont un parfum des années 30, et en cette période de vague brune, elle affaiblit un peu le malaise qu’on ressent ». Et de conclure : « Nous sommes dans la devise de la République. La fraternité, on l’oublie souvent. Avec cette abrogation partielle, cela donne au principe de fraternité son vrai sens ».

Partager cet article

Dans la même thématique

Délit de solidarité abrogé : « Une décision très forte, digne de la France » pour Esther Benbassa
2min

Politique

« On impose des rythmes de cadres à des enfants », constate Sylvain Chemin, membre de la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant

Depuis septembre, près de 140 citoyens tirés au sort se réunissent plusieurs fois par mois au Conseil économique et social pour débattre des temps de l’enfant. Sylvain Chemin, responsable immobilier à Cherbourg-en-Cotentin et père d’une collégienne en classe de 6ème, a pris part aux travaux de cette nouvelle Convention. Son constat est clair et limpide, la réalité des collégiens et des lycéens est à rebours des mesures préconisées. Il témoigne au micro de Quentin Calmet dans l’émission Dialogue Citoyen.

Le

World News – October 14, 2025
10min

Politique

Suspension de la réforme des retraites : vers « un vote contre » des députés Renaissance, mais un soutien des sénateurs macronistes

La suspension de la réforme des retraites divise au sein de Renaissance. « Il y a deux écoles », entre ceux, plutôt issus de l’aile gauche, prêts à soutenir « le deal » entre Sébastien Lecornu et le PS, et les autres, notamment de l’aile droite, qui ne veulent pas se « dédire » et pour qui cette « concession énorme » reste au travers de la gorge…

Le

« Gérard Larcher n’était pas content » : crispation au Sénat sur le calendrier budgétaire proposé par le gouvernement
5min

Politique

« Gérard Larcher n’était pas content » : crispation au Sénat sur le calendrier budgétaire proposé par le gouvernement

La définition des séances de travail sur le budget 2026 a froissé le président du Sénat, mardi, lors d’une réunion avec les présidents de commission et le gouvernement. Il estime que le Sénat ne peut pas prendre le relais des textes budgétaires dans de bonnes conditions. Une nouvelle conférence des présidents doit revenir sur la question la semaine prochaine.

Le

General policy speech by Prime Minister at Senate
5min

Politique

Lutte contre le communautarisme : la droite du Sénat propose encore une fois de réviser la Constitution

Lundi, le Sénat examinera une proposition de loi de la droite et du centre visant à inscrire dans la Constitution que « nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect des règles applicables ». Un principe que la majorité sénatoriale remet à l’ordre du jour régulièrement ces dernières années par le dépôt de différents textes. On retrouve aussi la même idée dans un texte de Marine Le Pen.

Le