Démocratie participative : Gérard Larcher veut «renforcer» le droit de pétition devant le Parlement
Reprenant l’une des recommandations d’un rapport sénatorial de 2017, le président du Sénat propose de mieux prendre en considération et de revitaliser les pétitions adressées aux sénateurs, en leur garantissant un « droit de suite ». Les citoyens pourraient être à l’origine de missions de contrôle parlementaires.

Démocratie participative : Gérard Larcher veut «renforcer» le droit de pétition devant le Parlement

Reprenant l’une des recommandations d’un rapport sénatorial de 2017, le président du Sénat propose de mieux prendre en considération et de revitaliser les pétitions adressées aux sénateurs, en leur garantissant un « droit de suite ». Les citoyens pourraient être à l’origine de missions de contrôle parlementaires.
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Quelle place pour la démocratie participative ? À l’heure d’un hypothétique référendum sur la thématique institutionnelle, et au moment où le référendum d’initiative populaire (RIC) revient dans les demandes de nombreux Gilets jaunes, Gérard Larcher considère qu’il ne « faut pas craindre d’associer nos concitoyens à la décision publique au niveau national ». Dans un entretien au Figaro, ce vendredi, le président du Sénat rappelle sa ligne : la démocratie participative « n’a pas vocation à se substituer à la démocratie représentative, mais peut utilement l’enrichir ».

Plutôt que d’introduire de nouveaux outils, Gérard Larcher propose d’ « améliorer » ceux qui existent déjà, pour les « rendre plus opérationnels ». Le sénateur des Yvelines a notamment en tête le droit de pétition devant les deux chambres du Parlement.

« Un mécanisme qui a perdu de sa vitalité »

La pratique est ancienne, elle remonte à la fin du XVIIIe siècle, mais beaucoup de Français ignorent son mécanisme, voire son existence. Cette disposition est prévue par l’article 4 de l’ordonnance du 17 novembre 1958.

« Nous allons proposer à mes collègues sénateurs de renforcer le droit de pétition en lui assurant un droit de suite devant le Sénat », a déclaré Gérard Larcher, qui a explicitement mentionné les travaux du centriste Philippe Bonnecarrère. Le sénateur du Tarn avait formulé exactement  cette proposition il y a deux ans, dans un rapport institué « Décider en 2017 : le temps d'une démocratie coopérative » et remis au terme de la mission d’information « Démocratie représentative, participative, paritaire ».

 « C’est un mécanisme qui a en fait perdu de sa vitalité », confirme à Public Sénat ce sénateur élu en 2014. « Je suis très heureux que ce travail ait attiré l’attention du président du Sénat. »

Ce « droit de suite », s’il était entériné par le bureau du Sénat et le Sénat  dans son ensemble (dans le cadre d’une résolution), pourrait rapidement devenir une réalité. « Cela ne nécessite pas un grand chantier législatif », considère Philippe Bonnecarrère. Une simple modification du règlement du Sénat devrait suffire.

Une séance de questions d’actualité au gouvernement réservée aux citoyens ?

Sous quelle forme assurer ce droit de suite ? Gérard Larcher soumet trois idées :

  1. Sur le même modèle que le « droit de tirage » accordé à chacun des groupes parlementaires, il imagine le droit pour les citoyens de prendre l’initiative de la création d’une « mission de contrôle sénatorial » (une fois par session) ;

  2. Deuxième façon de répondre au droit de suite, un « ordre du jour réservé » aux citoyens, afin de leur permettre de proposer l’inscription d’un texte à l’ordre du jour du Sénat ;

  3. Dernière piste, une « séance de questions citoyennes », dans laquelle les Français pourraient s’adresser au gouvernement ou aux sénateurs.

« On peut imaginer plein de choses », commente Philippe Bonnecarrère, qui veut « faire en sorte que nos concitoyens se mobilisent pour que tel ou tel débat se déroule devant nos assemblées. » « Il faut favoriser la prise en compte des préoccupations de nos concitoyens dans nos assemblées. » Avec une limite : ces outils seraient un droit au débat, mais pas à la décision.

 « Un exercice que nous avons rarement à pratiquer », reconnaissait un sénateur en 2017

Actuellement, le mécanisme est sous-utilisé, potentiellement à cause de l’absence d’un droit de suite et parce qu’il souffre d’un déficit de notoriété. Il est rare que les citoyens utilisent cette possibilité. « L'examen d'une pétition est un exercice que nous avons rarement à pratiquer », reconnaissait le sénateur (LR) François Pillet lors d’une réunion de la commission des Lois le 31 octobre 2017. Mais cela « démontre l'existence d'une part de démocratie quasi directe, les citoyens ayant la faculté de saisir les parlementaires », a-t-il ajouté. La pétition, signée par 67 membres d’une association, s’opposait à la hausse de la CSG.

« Le Sénat doit recevoir quatre pétitions par an », évalue Philippe Bonnecarrère. « La plupart du temps, ce sont des pétitions individuelles. Il y a peu de pétitions collectives. »

En comparaison du nombre moyen de signataires, certaines pétitions ont atteint un nombre important de soutiens. Deux pétitions ont par exemple recueilli plus de 13.000 signatures : l’une demandait à poursuivre une activité de radiothérapie dans un hôpital, l’autre demandait que soit sanctionné pénalement « le fait de séjourner sans autorisation dans le domicile d’autrui ».

Pour Philippe Bonnecarrère, pour que cette initiative citoyenne soit examinée par le Parlement, il faudrait fixer un nombre plancher de signatures. « Il n’a pas vocation à être très important : quelques centaines de citoyens par exemple. Il faut pouvoir ouvrir les choses plutôt que de fermer le débat, considère le centriste.

Le Parlement ne doit pas devenir « une juridiction d’appel »

Actuellement, les pétitions qui arrivent au palais du Luxembourg (leur gestion est encadrée par trois articles du règlement du Sénat) sont traitées en fin de réunion de la commission des Lois. À partir de là, la pétition peut connaître plusieurs sorts. La commission des Lois peut décider de les renvoyer à une autre commission permanente. Par exemple, en juillet 2014, une pétition, signée par 153 personnes demandant le maintien de la semaine scolaire de quatre jours, a été renvoyée à la commission de la Culture et de l’Éducation. En 2017, dans son rapport, Philippe Bonnecarrère indiquait toutefois :

« La mission d'information propose que ce droit de pétition soit réservé à des questions d'intérêt général qui relèvent de la compétence du Parlement […] sans que ce dernier soit appelé à devenir une "juridiction d'appel" des réformes conduites. »

Autres cas de figure actuels : la commission des Lois peut décider de transmettre ces pétitions au ministère concerné, ou au Sénat dans son ensemble, ou de la renvoyer au président du Sénat pour que ce dernier la transmette au Défenseur des droits (anciennement, il s’agissait du Médiateur de la République). Dernière possibilité : la commission peut décider de classer la pétition, « purement et simplement ». D’ailleurs, pour ne pas devenir caduque, une pétition doit être traitée avant la fin de la session parlementaire.

L’initiative de Gérard Larcher sonne en tout cas comme une contribution à la lettre d’Emmanuel Macron, envoyée dans le cadre du grand débat national. Celle-ci demandait quel rôle pourrait jouer le Sénat « pour représenter nos territoires et la société civile » (relire notre article).

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