Devant le Sénat, les gardes forestiers de l’ONF dénoncent des conditions de travail dégradées

Devant le Sénat, les gardes forestiers de l’ONF dénoncent des conditions de travail dégradées

Une dizaine de gardes forestiers de l’ONF manifestent devant le Sénat à Paris mardi 29 novembre. Ils alertent sur la baisse continue des effectifs et la dégradation de leurs conditions de travail. Cette mobilisation a lieu en plein examen du projet de loi de finances 2023 par les sénateurs.  
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Par Lauriane Nembrot

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« On est arrivés à Paris ce matin à 09 h 00 mais ça fait vingt ans qu’on est en lutte ». Stéphane Carrusca est garde forestier depuis près de 30 ans. Basé à Cluny en Bourgogne (71), il assure se sentir méprisé. « On a beaucoup œuvré pour la résorption des dégâts causés par les terribles tempêtes de 1999. On a tout donné pour remettre en ordre ce que la nature a mis par terre. Et aujourd’hui, on n’a plus rien », résume le manifestant.

« On en bave tous les jours »

En France, l’Office national des forêts emploie environ 7.800 gardes forestiers, selon les chiffres de 2022. Ils étaient 12.000 en 2002, soit une baisse de 35 % en 20 ans. Romuald Heslot, garde forestier depuis une bonne vingtaine d’années, dénonce une baisse drastique des effectifs qui a des effets délétères sur les conditions de travail. « On en bave tous les jours. Tout se fait dans l’urgence. C’est ingérable », assure-t-il.

Aujourd’hui, le temps consacré à l’administratif empiète sur nos missions de police judiciaire
Romuald Heslot, garde forestier en Basse-Normandie

Selon lui, la suppression des postes a augmenté la charge de travail au quotidien. « Les réductions d’effectifs nous obligent à faire moins de terrain et à rester au bureau pour s’occuper de l’administration » raconte le garde forestier. « En une semaine, on passe parfois plus de temps sur un ordinateur qu’en forêt. Aujourd’hui, le temps consacré à l’administratif empiète sur nos missions de police judiciaire, de prévention et d’entretien des forêts ».

Une réforme contestée

Autre élément dans le viseur des gardes forestiers, un projet de réforme de l’ONF prévu par le gouvernement. Une ordonnance datée du 1er juin 2022 prévoit notamment le recrutement d’agents contractuels de droit privé au détriment de fonctionnaires.

« C’est un véritable danger », martelle Raphaël Kieffert. Selon le représentant SNUPFEN à l’office national des forêts, « ces agents n’ont pas de rôle de contrôle ou de police judiciaire. En clair, ils ne constatent pas d’infraction. Et ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’infraction, ça veut dire qu’ils ne peuvent rien faire contre ».

La mobilisation continue

Convaincus qu’ils pourront parvenir à infléchir la ligne du gouvernement, les contestataires ont prévu de rester mobilisés devant le palais du Luxembourg pendant encore vingt-quatre heures. Avant de revenir en amont du vote au Sénat, prévu aux alentours du 6 décembre.

On a reçu le soutien de beaucoup de députés, notamment de gauche
Raphaël Kieffert, représentant SNUPFEN à l’office national des forêts

Il y a un mois jour pour jour, ils s’étaient déjà mobilisés devant l’Assemblée nationale pour alerter les députés. « On avait lu un à un les noms des 184.000 personnes qui ont signé la pétition qu’on a lancée dans laquelle on demande des moyens supplémentaires. Ces moyens sont vitaux, alors qu’on vient de passer un été marqué par des incendies très graves. À cette époque, on a reçu le soutien de beaucoup de députés, notamment de gauche, et quelques-uns de la majorité présidentielle », assure le syndicaliste Raphaël Kieffert. Parmi les élus mobilisés aux côtés des gardes forestiers, le sénateur écologiste d’Ille-et-Vilaine Daniel Salmon, venu à leur rencontre devant le Sénat.

🟢Le Contrat Etat-ONF prévoit la suppression de près de 475 postes ETP d’ici 2025. Depuis 20 ans, ce sont 5000 emplois qui ont déjà été supprimés !
Nous dénonçons cette privatisation rampante de l’ONF et cette politique productiviste qui se fait au détriment des écosystèmes pic.twitter.com/vF55eOL3RB

— Daniel Salmon (@Senateur_Salmon) November 29, 2022

Lors de ces prochaines mobilisations, ils porteront un képi et un uniforme vert foncé, celui-là qu’ils portent à l’occasion des cérémonies officielles. Une tenue solennelle, bien éloignée de celle que revêt quotidiennement un d’un garde forestier. « Cette tenue, c’est pour rappeler qu’on a un héritage, qu’on porte un képi et qu’on a un grade. Que nous sommes assermentés et qu’on a des devoirs », achève Stéphane Carrusca.

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