Discours de politique générale : les sénateurs de droite face au « piège » tendu par Macron
En demandant aux sénateurs de voter sur le discours de politique générale d’Edouard Philippe, le gouvernement pousse les sénateurs à choisir leur camp pour mieux les diviser. Au groupe LR, certains sont tentés par l’abstention, tout comme chez les centristes.

Discours de politique générale : les sénateurs de droite face au « piège » tendu par Macron

En demandant aux sénateurs de voter sur le discours de politique générale d’Edouard Philippe, le gouvernement pousse les sénateurs à choisir leur camp pour mieux les diviser. Au groupe LR, certains sont tentés par l’abstention, tout comme chez les centristes.
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Voter, c’est aussi se compter. Ou créer la division. Après les députés, qui voteront mercredi la confiance au premier ministre Edouard Philippe, les sénateurs vont aussi se positionner. Au nom de l’article 49.4, le gouvernement demande à la Haute assemblée de se prononcer jeudi matin, après un discours – différent – d’Edouard Philippe. Un vote qui n’engage pas sa responsabilité, mais simplement pour avis.

« Un piège tendu par le gouvernement »

Pour la majorité sénatoriale tenue par l’alliance LR-UDI, ce vote n’arrange rien, surtout après la défaite de la droite aux européennes. Il pourrait diviser un peu plus une droite déjà très mal en point depuis le 26 mai. Pour l’exécutif, ce sera aussi un bon moyen de se donner une idée du rapport de force en vue de la réforme constitutionnelle… Les voix des sénateurs sont en effet nécessaires.

Les regards se tournent spontanément du côté du groupe Union centriste, qui mêle sénateurs pro-gouvernements et d’autres plus ou moins constructifs. Mais au sein du groupe LR, le vote contre ne va pas de soi non plus. « Il y a un véritable embarras » glisse une sénatrice du groupe présidé par Bruno Retailleau. Pour la droite, c’est tout vu : « C’est clair que c’est un piège » lance Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine. « Un piège tendu par le gouvernement » confirme le sénateur de l’Essonne Jean-Raymond Hugonet, « c’est parfaitement déplacé ». « Une manœuvre politique » dénonce François Grosdidier, sénateur LR de la Moselle.

Retailleau : « Il y a peut-être une volonté de vouloir nous diviser »

Bruno Retailleau imagine que « le gouvernement va dire que bien sûr, il y a une grande considération pour le Sénat. Dans l’histoire, c’est très rare qu’il utilise l’article 49.4 » note le sénateur de Vendée. Le dernier recours date en effet de François Fillon, sous Nicolas Sarkozy. « Là, il y a peut-être une volonté de vouloir nous diviser » croit aussi le président du groupe LR (voir le sujet vidéo de Quentin Calmet avec les réactions de Bruno Retailleau, Roger Karoutchi et Laure Darcos). Il explique que son groupe va « juger sur pièce. Chez nous, ce n’est jamais oui par discipline et jamais non par principe ».

La liberté de vote est certes habituelle au groupe LR. Reste que sur un tel sujet, on pourrait imaginer plus de cohésion. Mais vu le contexte post-européennes, il serait de toute façon difficile d’imposer une position de groupe. Il vaut mieux laisser aux sénateurs LR un peu de liberté. Du mouvement en interne, plutôt qu’à l’extérieur… Plusieurs sont aujourd’hui clairement tentés par l’abstention.

« Mettre un coin entre Les Républicains et les centristes »

Mercredi soir, après le discours d’Edouard Philippe à l’Assemblée nationale, les sénateurs LR ont prévu de se réunir à nouveau pour faire le point, tout comme les sénateurs centristes. « Il n’y aura pas forcément une position commune de tous les sénateurs » confirme Roger Karoutchi. « En fonction de la déclaration, on verra si c’est acceptable, ce qui entraînerait l’abstention, mais pas plus, ou s’il y a des éléments qui ne nous conviennent pas ». La question des collectivités, de la réforme constitutionnelle, et notamment du renouvellement sénatorial, seront regardées de près.

Le sénateur des Hauts-de-Seine voit bien le jeu du « gouvernement, qui veut voir si par les temps qui courent, on ne peut pas mettre un coin entre Les Républicains et les centristes et à l’intérieur de chaque groupe ». Un autre sénateur du groupe n’exclut pas deux lignes jeudi matin, qui diviseraient les LR :

« Si Edouard Philippe fait une déclaration tempérée, il y aura plus d’abstentions que de votes contre au groupe LR. Le piège est bien fait ».

« C’est une façon de nous mettre devant le fait accompli » voit bien Laure Darcos, sénatrice LR et porte-parole de Libres !, le mouvement de Valérie Pécresse, « mais les sénateurs sont plus malins que ça et ouverts d’esprit ».

Une partie des centristes tentés par l’abstention

Au groupe Union centriste du Sénat, la pluralité des votes, on connaît. C’est même la marque de fabrique du groupe. Mais au moment où Emmanuel Macron tente d’amener à lui ce qui reste du centre droit, rien n’est neutre.

Selon une source interne, une majorité du groupe pourrait choisir l’abstention. Certains, comme le Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, vont logiquement voter pour. « Je partage les idées et orientations prises actuellement » souligne le sénateur du Pas-de-Calais. L’UDI Nathalie Goulet attend d’écouter le premier ministre, mais elle explique n’avoir « aucune hostilité, aucune opposition de principe. On fait partie des gens constructifs en fonction des textes. D’ailleurs, le gouvernement est constructif avec moi car il m’a confié une mission sur la fraude sociale ». La sénatrice de l’Orne résume ainsi, avec le sourire, la galaxie centriste : « Vous savez, vous avez deux centristes et trois avis ».

« Macron veut éclater, pour ne pas dire éparpiller la droite et le centre »

Hervé Maurey, sénateur membre des Centristes d’Hervé Morin, qui étaient sur la liste LR aux européennes, ne croit pas que « la majorité sénatoriale sera mise à mal par ce vote. Il y a toujours eu au Sénat une différence entre la majorité politique et la majorité sénatoriale ». Lui aussi attend d’« écouter le premier ministre ». Il n’est pas dupe sur ce vote. « Ça s’inscrit dans la politique très claire d’Emmanuel Macron d’essayer d’enfoncer des coins dans la droite et le centre. S’il peut montrer que là aussi, on est plutôt dans le fractionnement, pour ne pas dire l’éclatement… C’est le but recherché. Il veut éclater, pour ne pas dire éparpiller la droite et le centre ». A Emmanuel Macron de jouer au puzzle.

 

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