Disparition des grands singes : parlementaires et gouvernement face à l’« urgence »

Disparition des grands singes : parlementaires et gouvernement face à l’« urgence »

Alors qu’un colloque sur la sauvegarde des grands singes était organisé au Sénat, le ministre de l’Ecologie, François de Rugy, entend lutter contre la déforestation, qui entraîne leur disparition. Mais il reste prudent sur la fiscalité de l’huile de palme, alors que sa production est une cause de destruction de l’habitat des grands singes.
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C’est une urgence écologiste. Une de plus. La protection des grands singes, menacés de disparition d’ici 2050 si rien n’est fait, était au cœur du colloque organisé au Sénat, ce lundi 22 octobre, par le sénateur écologiste de Loire-Atlantique Ronan Dantec, aux côtés de Sabrina Krief, primatologue et professeure au Muséum national d’histoire naturelle (voir le sujet ci-dessous).

Colloque pour sauver les grands singes au Sénat
01:42

« 70 % des populations ont disparu dans les 50 dernières années »

« 70 % des populations ont disparu dans les 50 dernières années. Il y a urgence à mener des actions de terrain pour lutter contre le braconnage. Mais en France, on a aussi un rôle à jouer en tant que consommateur et politique » explique Sabrina Krief. La primatologue ajoute :

« Ce sont nos plus proches parents. Si on fait partie du même groupe sanguin, on peut recevoir du sang de chimpanzé ».

« Les grands singes, c’est la frontière entre notre humanité et notre inhumanité » pour Ronan Dantec. « Si les grands singes disparaissent, c’est que la forêt disparaît. Il était temps qu’on ait un moyen collectif pour voir ce qu’on peut faire dans l’urgence. (…) On est en bordure du précipice. Il faut en urgence trouver les équilibres. (…) On n’a plus beaucoup de temps, il faut y aller » alerte le sénateur. Regardez :

Disparition des grands singes : « On est en bordure du précipice » pour Ronan Dantec
01:46

Pour mieux protéger les grands singes, la question d’un statut législatif particulier de « personnes non humaines » est mise sur la table par les participants du colloque. Idée développée dans une tribune publiée dans Le Monde.

L’autre grande question concerne la déforestation des forêts tropicales. Elles constituent l’habitat des orangs-outans ou autres chimpanzés. La production d’huile de palme est directement mise en cause. Mais pas seulement. Le cacao ou le thé sont aussi à l’origine de la déforestation.

Signal contradictoire

Alors que le gouvernement cherche à montrer un visage écologique, le dernier remaniement a pourtant brouillé le message sur l’huile de palme. La nouvelle secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Emmanuel Wargon, avait affirmé en juillet dernier que « l'huile de palme, on en a besoin pour les laits infantiles, c'est l'un des produits essentiels pour les laits infantiles ». Des propos tenus en tant que responsable du lobbying pour Danone, sa précédente fonction…

Certains diront que ces propos n’engagent pas l’exécutif. Mais vendredi, lors de l’examen du budget à l’Assemblée, le gouvernement a envoyé un signal contradictoire avec ses ambitions vertes. Il s’est opposé à un amendement visant à supprimer la niche fiscale sur l’huile de palme.

De Rugy : « Certaines de nos importations de bois ou d’huile de palme peuvent produire de la déforestation »

Venu s’exprimer lors du colloque, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, préfère souligner que la France s’engage à lutter contre la déforestation. « Bien sûr que nous souhaitons qu’il y ait progressivement quelque chose de convergent (sur la fiscalité), de plus logique, par rapport à nos objectifs écologiques. Mais on ne peut pas séparer la question de la fiscalité de l’huile de la palme de la question de la stratégie nationale contre la déforestation importée, que nous allons présenter, qui montrera l’engagement de la France, par rapport à la déforestation qui existe dans des pays très lointains, où on ne fait pas semblant de ne pas voir que certaines de nos importations de bois ou d’huile de palme peuvent produire de la déforestation » affirme François de Rugy à la sortie (voir la première vidéo, images de Sandra Cerqueira).

Sur l’huile de la palme et sa fiscalité, François de Rugy n’hésite pas à faire le lien avec la raffinerie Total de La Mède. « Si on change brutalement, du jour au lendemain, les fiscalités sur ces types de produit, autant dire qu’on ferme la raffinerie de La Mède demain » lance l’ancien président de l’Assemblée nationale, qui souligne qu’« il y a quelques années, tout le monde s’est battu pour garder cette raffinerie, tout le monde a accepté le projet qui incorporait de l’huile de palme, (…) et aujourd’hui, on ferait semblant de découvrir le problème. Il faut être un peu sérieux ». Le ministre met aussi en avant les « relations internationales, avec les pays producteurs d’huile de palme, que nous voulons entraîner, et qui travaillent sur des filières de certifications. (…) Il y a encore beaucoup à faire ». Pour François de Rugy ajoute :

« Il faut tout faire pour lutter contre la déforestation, parfois reconquérir de la forêt, mais il faut le faire de façon graduelle. On ne le fait pas en un jour et simplement avec une fiscalité en France ».

Le ministre de la Transition écologique, adepte d’une écologie réformiste, illustre ici sa vision du poste. On le voit, de la réalité du constat de l’extinction programmée des grands singes, à la prise de décision, il y a parfois du chemin. Entre les deux, l’argument économique ou diplomatique se dresse.

« 60 millions d’euros par an pendant 5 ans pour des programmes de lutte contre la déforestation »

Mais le successeur de Nicole Hulot n’entend pas rester les bras croisés pour autant. « La France est résolument engagée dans la protection des grands singes et de leur biotope » assure le ministre à la tribune. « Nous allons, dans les prochaines années, augmenter les moyens pour lutter contre la déforestation à l’échelle mondiale, via l’agence française de développement, l’outil de l’Etat français pour la coopération. Nous allons la créditer de 60 millions d’euros par an pendant 5 ans pour des programmes de lutte contre la déforestation ».

François de Rugy a notamment annoncé le soutien de son ministère à un projet porté par le Muséum d’histoire naturel et Sabrina Krief pour lutter contre le braconnage et assurer un équilibre entre faune et populations locales dans le parc national de Kibale, en Ouganda. La confirmation de la signature de la convention avec le ministère s’est en réalité précipitée lors des trois derniers jours. Il fallait bien apporter quelques preuves du volontarisme du gouvernement.

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