Après un débat tendu, le Sénat rejette l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution
À l’issue d’un débat houleux, la proposition de loi transpartisane visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution a été rejetée mercredi soir. La majorité sénatoriale dénonce un texte « inutile » et « inefficace ».

Après un débat tendu, le Sénat rejette l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution

À l’issue d’un débat houleux, la proposition de loi transpartisane visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution a été rejetée mercredi soir. La majorité sénatoriale dénonce un texte « inutile » et « inefficace ».
Simon Barbarit

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Lors de la discussion générale, la sénatrice PS, Laurence Rossignol avait posé l’enjeu du scrutin. « Ce vote est politique, que la proposition de loi soit adoptée ou rejetée, le Sénat enverra un signal mais ce ne sera pas le même ».

En rejetant la proposition de loi visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution (139 pour, 172 contre), le Sénat a donc envoyé un signal qui, pour l’ancienne ministre des Droits des femmes, conforte « tous les adversaires des libertés des femmes ».

Le texte de la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel cosignée par 118 sénateurs de 7 groupes politiques s’est heurté à l’opposition du groupe Les Républicains, majoritaire au Sénat. 15 centristes ont voté en sa faveur, dont la présidente de la délégation aux Droits des femmes Annick Billon, la rapporteure du budget de la Sécurité sociale Élisabeth Doineau, le questeur Vincent Capo-Canellas, la vice-présidente Valérie Létard ou Jean-François Longeot, président de la commission de l’Aménagement du territoire. Deux élus LR ont également voté pour et six se sont abstenus.

Le sénateur Reconquête, Stéphane Ravier avait déposé sans succès une motion de procédure en dénonçant « un texte dangereux, inutile, et en fustigeant des « attaques envers la vie ».

Le groupe LR a lui opposé des arguments juridiques au « symbole » que souhaitaient envoyer les auteurs du texte.

» Lire notre article. Droit à l’avortement dans la Constitution : le texte rejeté en commission au Sénat

« Force du symbole » contre « efficacité juridique »

« Vous mesurez très mal l’importance pour l’Europe entière du vote d’aujourd’hui. La force que cela donnerait à des millions de défenseuses et de défenseurs des droits humains », avait encouragé lors de la discussion générale, Mélanie Vogel.

Composée d’un article unique, sa proposition de loi proposait d’inscrire dans le texte fondateur de la Ve République que « nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception ». « La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. »

Si le Sénat avait adopté le texte, les auteurs ne souhaitaient pas, pour autant, que qu’il aille au bout de son parcours législatif. Une révision constitutionnelle initiée par une proposition de loi (le Parlement) ne peut être approuvée que par un référendum, après un vote en termes identiques des deux chambres du Parlement. De quoi craindre une campagne référendaire en forme de tribune pour les anti-avortement, alors que 81 % des Français sont favorables à la Constitutionnalisation de l’IVG, selon un sondage Ifop de juin 2022 réalisé pour la fondation Jean Jaurès.

Raison pour laquelle, les cosignataires de la proposition de loi demandent à l’exécutif de reprendre la main, via un projet de loi.

Mais il n’en aura pas été question dans la bouche d’Éric Dupond Moretti qui ne s’est pas avancé sur ce sujet, se bornant à soutenir la proposition de loi.

« Disons-le, cette inscription (Constitution) aurait la force du symbole […] ce qui n’est pas anodin lorsque l’on parle de la loi Suprême de notre pays. Quel beau symbole pour la France que celui d’élever au premier rang de la hiérarchie des normes, le droit de la femme de disposer de son propre corps », a-t-il souligné.

Philippe Bas accusé d’être « hostile à l’IVG »

« Nous devons écrire le droit », a objecté le questeur du Sénat, Philippe Bas (LR) avant d’ajouter : « Ce texte n’est pas seulement inutile. Il est inefficace ». Le sénateur de la Manche a ainsi rappelé que le Conseil Constitutionnel avait, dès 1975, validé la loi Veil « en soulignant que son article premier qui énonce le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, doit pouvoir en connaître des limites, et ces limites en cas de nécessité, c’est justement l’IVG […] C’est aussi inefficace car toutes les avancées depuis la loi Veil, la possibilité de recourir à l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à la douzième semaine de grossesse en 2001 puis la quatorzième en 2022, suppression de la condition de détresse en 2014, assouplissement des conditions d’accès des mineures à l’interruption volontaire de grossesse en 2001, raccourcissement du délai de réflexion en 2016… Toutes ces avancées ne seraient pas susceptibles d’être protégées par la rédaction qui a été proposée », a-t-il détaillé.

L’occasion pour Philippe Bas, ancien collaborateur de Simone Veil, d’appeler lui aussi le gouvernement à déposer un projet de loi afin « d’améliorer le texte sur bien des points et à ne pas nous condamner à un référendum sur ce sujet ».

« Des arguties juridiques », pour Marie-Pierre de la Gontrie qui a créé un incident de séance en s’attaquant directement à Philippe Bas. « C’est intéressant d’avoir recours à ces arguties quand on n’a pas le courage de dire simplement : je suis hostile à l’IVG ». Tollé dans les rangs de la droite où plusieurs sénateurs ont pris la parole pour la défense du questeur qui indique « s’être senti blessé » par les paroles de la sénatrice.

« Vous ne pouvez pas dire à Philippe Bas qu’il est contre l’IVG. Il a été l’un des plus proches collaborateurs de Simone Veil. Il a lui-même rédigé une partie du texte », s’est offusqué le président de la commission des lois, François-Noël Buffet (LR) avant de rappeler que plusieurs textes visant à constitutionnaliser l’IVG avaient été déposés à l’Assemblée nationale. « Il y a donc une mobilisation réelle sur cette thématique. Il serait donc intéressant que le gouvernement mette un peu d’ordre. Ça nous permettrait peut-être d’avancer dans un débat serein ».

Le débat sur ce sujet passionnel va rebondir le mois prochain à l’Assemblée nationale avec l’examen d’un texte déposé par les députés Renaissance.

 

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