Ecole : la reprise «ne se passe pas trop mal» mais il faudra en septembre «une rentrée de remise à niveau»

Ecole : la reprise «ne se passe pas trop mal» mais il faudra en septembre «une rentrée de remise à niveau»

Le retour des enfants à l’école se passe correctement « car il y a eu beaucoup de bonne volonté de la part des élus et des enseignants », selon la sénatrice PS Marie-Pierre Monier. Reste que la distanciation sociale ne sera pas toujours facile. Selon Max Brisson (LR), le ministre doit préparer « de manière très forte la rentrée de septembre ». Le groupe de travail du Sénat va plancher sur le sujet.
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Avec les transports, c’est l’autre enjeu majeur du déconfinement : la reprise de l’école. Majeur, car il s’agit de l’éducation des enfants et des adolescents, mais aussi de la santé publique. Alors que le virus va forcément recirculer avec le déconfinement, l’école devient un lieu à risque et de contamination potentielle. La réunion de prérentrée où des professeurs ont été contaminés le prouve. C’est pour cette raison que le Conseil scientifique a préconisé une reprise des cours seulement en septembre. Mais pour le gouvernement, les facteurs économiques et le décrochage scolaire ont également pesé, au moment de prendre la décision.

Cette rentrée se fait de manière échelonnée, selon les niveaux, avec une liberté d’appréciation laissée aux maires. Dans les zones rouges, ils peuvent décider de reporter la reprise. Face aux craintes des enseignants et parents, un protocole strict a été mis en place par le ministère : petits groupes, théoriquement 4m2 par enfant, port du masque pour les adultes s’ils sont en contact rapproché. Un million d’élèves étaient attendus aujourd’hui et potentiellement 1,5 million d’élèves sur la semaine. Avant le déconfinement, l’Etat a cependant tergiversé, pour finalement laisser la liberté aux parents de renvoyer leurs enfants à l’école. Certains y voient une manière de se dédouaner.

« Cette école à la carte vient heurter mes conceptions républicaines »

Dans les faits, la première journée semble plutôt bien se passer. « Les retours que j’ai sont plutôt satisfaisants », affirme le sénateur LR Max Brisson, qui suit les questions d’éducation à la Haute assemblée. « Globalement, ça ne se passe pas trop mal car il y a eu beaucoup de bonne volonté de la part des élus et des enseignants pour mettre la rentrée en place » confirme la sénatrice PS, Marie-Pierre Monier, sénatrice de la Drôme. « C’est n’est pas facile, il y a beaucoup d’angoisse de la part des élus et enseignants » ajoute l’élue. Mais selon la socialiste, « il y a une volonté de reprendre l’activité économique. Et donc que les parents reprennent le travail. Il fallait parler vrai ».

Face aux craintes des élus, Max Brisson souligne que « le Sénat a joué un rôle important pour, non pas exonérer les maires de leurs responsabilités, mais que soit pris en compte le contexte dans lequel la rentrée se déroule ». Reste que le confinement a mis un coup de canif au contrat républicain, selon le sénateur LR : « J’étais un peu agacé du libre choix laissé aux parents. On a une vieille obligation républicaine d’obligation de l’école. Donc cette école à la carte vient heurter mes conceptions républicaines et de vieux professeur que je demeure ».

A Sceaux, 25% des enfants accueillis à la reprise pour 35% de demande

A Sceaux, le maire UDI Philippe Laurent va rouvrir ses écoles jeudi. « Dans ma ville, on ne peut pas accueillir plus de 25% des enfants à l’école – alors qu’on est à 35% de demande – avec d’abord les enfants prioritaires : ceux des soignants, policiers. Puis ceux dont les enseignants estiment qu’ils ont intérêt à revenir sur le plan pédagogique, puis ceux des familles monoparentales, puis les parents qui doivent travailler, etc » explique celui qui est aussi secrétaire général de l’Association des maires de France. Dans l’ensemble, il « pense que ça ne se passe pas si mal, nonobstant la crainte de certains enseignants de revenir à l’école ».

Le débat de la semaine dernière – étrangement évaporé en ce jour de rentrée – sur la responsabilité pénale des maires, en cas de contamination dans une école, a bien sûr traversé l’esprit de Philippe Laurent. Étonnamment, il ne se range pas là où on l’attendrait. « A Sceaux, on n’avait pas été très chaud sur les initiatives de maires qui demandaient le report de l’ouverture, se basant sur la question des responsabilités. A l’AMF, on avait souligné le problème, mais sans en faire une histoire » dit le secrétaire général de l’association, qui précise sa pensée : « Que la question soit posée, c’est légitime. De l’autre côté, ça a été monté en épingle. Mais on ne peut pas demander des pouvoirs et responsabilités pour les maires, et ne pas les assumer. Par ailleurs, ces questions pénales ne se présentent pas tous les jours ».

En revanche, au regard du protocole strict pour la réouverture, Philippe Laurent a « l’impression que la haute fonction publique de l’Etat se protège au maximum, sans avoir toujours bien compris les choses, sans voir si matériellement, c’était bien possible ou réaliste ». Selon le maire de Sceaux, « la distanciation physique, à conserver pendant 9 heures de présence pour un enfant, ce n’est pas toujours réaliste ». Philippe Laurent ajoute :

La distanciation physique, on n’y arrive pas. On ne va laisser les enfants assis pendant 9 heures. Donc ils vont sortir, aller dans la cour et à un moment donné ils seront à moins d’un mètre.

« La classe ne reprendra pas comme avant »

Max Brisson, membre comme Marie-Pierre Monier du groupe de travail de la Haute assemblée sur les conditions de reprise de l’école, « pense que le Sénat a joué son rôle en réclamant, parmi les premiers, un protocole sanitaire ». Mais le sénateur des Pyrénées-Atlantiques « aurait aimé plus de cohérence dans les choix pédagogiques. Il y a une grande hétérogénéité dans mon département. Chaque inspecteur de circonscription ou directeur fait ses propres choix, définit ses élèves prioritaires ».

« Il y a eu beaucoup de boulot de la part des élus pour mettre en place le protocole sanitaire. Mais le protocole pour le périscolaire et les cantines est arrivé un peu tard » ajoute de son côté Marie-Pierre Monier. Quoi qu’il en soit, « la classe ne reprendra pas comme avant ».

« Les décrocheurs, un gros sujet »

La rentrée se justifie à ses yeux aussi car « des enfants ont besoin psychologiquement de retrouver leurs camarades ». Et bien sûr, il y a la question « des décrocheurs. C’est un gros sujet. Ça varie selon les territoires, les formations. Il sera très important de savoir anticiper la rentrée de septembre 2020, on l’a dit dans le rapport. Il faudra un état des lieux du taux de décrochage ». Il faut aussi « tirer les leçons » de l’école à distance, et « que les enfants aient tous une tablette et un ordi ».

Et les petits ? Une photo prise par un journaliste ce matin, dans une cour avec des carrés dessinés au sol où les enfants doivent rester, a marqué les esprits (voir ci-dessous). « J’ai une maire qui dit qu’elle n’ouvrira pas l’école maternelle pour le moment car elle se faisait des soucis pour les enfants qui seraient accueillis par des personnes masquées, qui ne pourraient pas les prendre dans leurs bras. Ce sont des conditions particulières » souligne Marie-Pierre Monier, « les petits comprennent bien que la période est anxiogène, même si on ne leur dit pas tout ».

Le groupe de travail du Sénat va plancher sur la rentrée

Max Brisson insiste aussi sur le problème du décrochage après cette parenthèse du confinement. « Le ministre doit préparer aujourd’hui de manière très forte la rentrée de septembre et le premier trimestre. Il y a une nécessité d’adapter les programmes, avec des directives du ministère pour les professeurs, qu’ils se préparent le plus vite possible pour la rentrée, qui doit être une rentrée de remise à niveau, de prise en compte des lacunes d’un nombre important d’élèves qui auront eu une année très écourtée » alerte le sénateur des Pyrénées-Atlantiques, qui était rapporteur au Sénat de la loi Blanquer sur l’école.

« Le groupe de travail du Sénat, présidé par Jacques Grosperrin » va ainsi « poursuivre son travail sur les objectifs de la rentrée pour faire des propositions », annonce le sénateur LR. Elles devraient arriver courant juin. Mais Max Brisson pense déjà qu’il faut « une forme de lissage » avec une « organisation en cycle des apprentissages et compétences. Cette notion de cycle est dans les textes depuis 15 ans, mais dans les faits, elle est peu entrée en vigueur. On pourrait redonner de la force à ces notions de cycle. On s’adapte plus à la maturité de chaque élève ». De quoi nourrir le débat sur l’école, qui pourrait être organisé, à la demande la commission de la culture et de l’éducation, dans l’hémicycle du Sénat, a priori le 19 mai.

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