Journée d’été des écologistes : les candidats cherchent leurs soutiens

Journée d’été des écologistes : les candidats cherchent leurs soutiens

Les écologistes se réunissent à Poitiers (Vienne) pour leurs journées d’été. Un tour de chauffe présidentiel où les cinq candidats à la primaire tentent de se distinguer. Le duel entre Éric Piolle et Yannick Jadot est bien engagé. Reportage.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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Un léger crachin accompagne l’ouverture des universités d’été des écologistes à Poitiers dans la Vienne, le jeudi 19 août. La maire, Léonore Moncond’huy (EELV), accueille « dans la ville qui a ouvert le bal de la vague verte » aux dernières municipales. Pour cette rentrée politique, les Verts font dans la cohérence avec un événement éco-responsable : toilettes sèches, couverts en bois recyclé et gobelets réutilisables.

Marine Tondelier, élue EELV d’opposition à Hénin-Beaumont et soutien d’Éric Piolle, joue la madame royale sur l’estrade centrale. A moins d’un mois de la primaire des Verts, les cinq candidats déclarés jurent, la main sur le cœur, que l’union suivra peu importe la gagnante ou le gagnant. « C’est écrit dans le contrat », souligne la sénatrice et co-coordinatrice de Génération. s, Sophie Taillé-Polian. Pas d’escarmouches en vue donc.

Cinq candidats sur la ligne de départ

Sur la ligne de départ, on retrouve l’eurodéputé Yannick Jadot qui dispose d’un capital médiatique supérieur à ces concurrents. Éric Piolle fait figure de sérieux concurrent. Passé par le privé, comme il aime à le rappeler, le maire de Grenoble se veut présidentiable et fédérateur (hors militants écolos).

Ex-numéro 2 des Verts, Sandrine Rousseau s’est notamment illustrée comme figure de la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle se place plus à gauche, trop à gauche pour certains qui l’accusent de collusion avec les Insoumis. Plus à droite, cette fois, on retrouve Delphine Batho. Ex-ministre de l’Ecologie époque François Hollande, elle plaide pour la décroissance et une vision stricte de la laïcité.

Enfin, Jean-Marc Governatori, conseiller municipal de Nice apparaît comme le plus éloigné de la victoire. Il s’est imposé dans la primaire par la voie judiciaire et a récemment tenu des propos polémiques sur la vaccination. Son mantra : sortir l’écologie de la gauche.

Primaire : une machine à faire gagner les outsiders ?

La primaire s’est imposée comme mode de désignation, malgré les réserves, et ne doit pas donner lieu à quelque confrontation. Soutien de Yannick Jadot, le sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône, Guy Benarroche, regrette ce choix et rappelle la défaite de Nicolas Hulot face à Eva Joly en 2012. La primaire comprend un risque non négligeable : transformer en machine à faire perdre les favoris. Yannick Jadot en avait d’ailleurs bénéficié lors de la primaire qui l’a opposé à Cécile Duflot en 2017.

Reste que le sujet a été tranché. Les deux tours de la primaire se tiendront sur quatre jours : le premier, du 16 au 19 septembre ; le second, du 25 au 28 septembre. Tout le monde peut voter à la condition de payer une contribution de 2 euros ou d’être adhérent d’un des partis organisateurs. Même pas besoin de se déplacer, les votes se feront sur internet à condition de s’inscrire avant le 12 septembre. Et tant mieux puisque, pour le moment, le chiffre des inscrits ne fait pas rêver avec seulement quelque 15 000 inscrits.

Lors de son apéro, Éric Piolle balaie le sujet de la participation et dit vouloir rester sur un cap : « fédérer le maximum de gens ». Autour des fromages de sa région, le maire de Grenoble balaie aussi le sujet de sa moindre notoriété par rapport à Yannick Jadot : « la notoriété arrivera après la primaire, pour l’instant c’est temps de la campagne ». Il faut souligner que l’élu s’est payé un tour de France d’un mois histoire de travailler sa stature présidentiable.

Duel annoncé entre Yannick Jadot et Éric Piolle

Si cinq candidats sont en lice, Yannick Jadot et Éric Piolle sont présentés comme les favoris. Ils comptent leurs soutiens. L’eurodéputé a dégainé une tribune de soutiens (1 000 signatures dont 300 élus), mercredi. Chez les sénateurs écologistes, la moitié du groupe le soutient : Joël Labbé, Guy Benarroche, Monique de Marco, Thomas Dossus et Daniel Salmon. Pour Éric Piolle, on compte deux sénateurs dont le président du groupe, Guillaume Gontard.

Un des soutiens de Yannick Jadot fait les comptes à la louche : « ça fait trois fois plus de soutiens que pour la tribune d’Éric Piolle ». Celle du maire de Grenoble a été publiée dans le JDD mi-juillet, il y récoltait 350 signatures dont celle de l’ancienne candidate à la présidentielle Eva Joly ou celle du sociologue Bruno Latour. Pas d’escarmouche peut-être mais un duel tribune contre tribune.

Entre les chapiteaux qui accueillent conférences et débats, les militants s’ouvrent sur le choix de leur favori. Claire, 15 ans de militantisme chez les Verts, soutient Yannick Jadot. Un choix de raison pour « transformer l’essai des municipales et installer un écologiste à l’Elysée ». Son ami, Denis, lui, penche franchement pour Sandrine Rousseau jugeant Yannick Jadot trop timoré. Il n’est pas le seul. La présence de Yannick Jadot à la manifestation des policiers devant l’Assemblée nationale est restée en travers de la gorge de pas mal de militants. Idem, pour son côté trop compatible avec le capitalisme.

Alors que le soleil s’invite enfin, Yannick Jadot tient sa « carte blanche » devant un parterre de militants. Aux détours de quelques envolées, c’est ici l’occasion de revenir sur cette fameuse manifestation. « Je sais que ça a choqué », démarre l’eurodéputé qui range les syndicats de policiers à l’extrême-droite, Alliance notamment. « Fondamentalement, je ne regrette pas », poursuit-il. Pas question de laisser les policiers à Marine Le Pen, alors oui ​​« cette manifestation n’était pas confortable. Mais nous voulons gouverner, il n’y aura pas de confort », conclut Yannick Jadot.

Avant lui, c’est Éric Piolle qui a tenu la tribune devant un nombre sensiblement équivalent de militants écologistes. Il a déroulé son CV, celui d’un « ingénieur qui a l’habitude de construire des stratégies et de les rendre lisibles ». Difficile de départager les deux candidats à l’issue de ces débats.

Delphine Batho : « Je vais être la surprise de cette primaire »

Pour l’heure, les deux autres candidates restent moins exposées. « Je vais être la surprise de cette primaire », promet bravache la députée Écologie démocratie solidarité (EDS), Delphine Batho. Reconnue pour sa technicité, elle compte se démarquer avec une écologie décroissante, « une écologie républicaine, régalienne, celle qui peut gouverner ». Comme tous les autres candidats, « elle sent une dynamique » à même de faire mentir les prédictions.

Delphine Batho a pour elle une expérience de ministre de l’Ecologie sous Hollande. Un mandat qui s’est terminé assez brusquement : elle avait pointé publiquement le « mauvais » budget de son ministère. Ni une ni deux, la ministre a été démissionnée dans la journée. La députée est volontiers dépeinte comme une personnalité trop dure. Pas de quoi faire faillir le soutien exalté du député EDS, Cédric Villani, qui n’a pas tari d’éloges lors du point presse de la candidate, « une personne qui va dans le fond des sujets ».

Sandrine Rousseau, l’insoumise

Les soutiens de Sandrine Rousseau se reconnaissent à leur petit foulard rouge à points blancs. Un bleu de travail habille aussi une militante aux airs de Rosie la riveteuse. Sandrine Rousseau, économiste et vice-présidente de l’université de Lille, revendique « une dynamique de citoyens, de personnes non-encartées ».

Son positionnement sur la défense des minorités lui vaut effectivement bonne presse chez les militants les plus à gauche, au-delà des frontières d’EELV. Mais lui vaut également le qualificatif de « woke » (de l’anglais « réveiller », ce mot-valise désigne une personne consciente des injustices contre les minorités) dans la bouche d’un conseiller d’Éric Piolle. Elle défend l'éco-féministe et souhaite mettre un terme à la « prédation » des hommes sur les femmes comme sur la nature. 

Le duel annoncé entre Yannick Jadot et Éric Piolle demeure une « construction médiatique » pour la candidate pour qui « le monde médiatique est dans l’incapacité de comprendre ce qui en train de se passer dans la société ». Exemple : « les Gilets jaunes », mouvement exprimant un « ras-le-bol du personnel politique traditionnel », selon la candidate.

La montée des combats progressistes - écologiste, féministe et antiraciste - pourrait s’incarner dans sa canditure pour ses soutiens. La pique à peine masquée de Yannick Jadot sur « l’écologie identitaire » qui empêcherait de rassembler vise, sans trop de doutes, Sandrine Rousseau. Signe que sa candidature inquiète.

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