Education : les syndicats soulagés de tourner la page Blanquer

Education : les syndicats soulagés de tourner la page Blanquer

Crise de recrutement des enseignants, dégradation des conditions de travail, rémunération insuffisante… Les dossiers sensibles qui attendent le nouveau ministre de l’Education nationale ne manquent pas. Les représentants syndicaux formulent leurs nombreuses attentes, à commencer par un changement de méthode avec l’ère Blanquer qui a crispé une grande majorité du corps enseignant.
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Par Héléna Berkaoui

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A peine nommé, Pap Ndiaye a fait l’objet d’un flot de critiques acerbes de la part d’une partie de la droite et de l’extrême droite. La nomination surprise de cet historien spécialiste des Etats-Unis et des discriminations raciales se démarque, en effet, du profil de son prédécesseur. Jean-Michel Blanquer s’est assidûment attaqué aux « islamogauchistes », quand son successeur critique l’emploi de ce terme. « Il ne désigne aucune réalité, c’est plutôt une manière de stigmatiser des courants de recherche », expliquait-il sur l’antenne de France inter.

Après l’ère Blanquer : restaurer la confiance

Ces polémiques bruyantes ne correspondent cependant pas aux préoccupations des syndicats enseignants passablement échaudés par les cinq dernières années. « Jean-Michel Blanquer ? On ne va pas le regretter, s’il avait été reconduit cela aurait vécu comme une provocation », lâche tout de go Guislaine David, porte-parole du syndicat majoritaire des enseignants du premier degré SNUipp-FSU.

Selon un sondage interne, réalisé le 30 mars dernier auprès de plus de 24 000 professeurs des écoles et 2 000 AESH, « la quasi-totalité des personnels (95 %) se dit insatisfaite des relations avec le ministère ».

« Jean-Michel Blanquer a laissé une image extrêmement déplorable »

« Jean-Michel Blanquer a laissé une image extrêmement déplorable, il y a de la déception, de la colère dans la profession », renchérit Jean-Rémi Girard, président du syndicat national des collèges et des lycées, le SNALC. Moins virulent, Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du syndicat des personnels de direction (SNPDEN-UNSA), explique cette crispation « par une déstabilisation globale du système ».

La réforme du lycée, celle du bac, et de Parcoursup sont largement critiquées, tant sur le fond que sur la méthode d’application. « Trop de réformes tuent la réforme », résume Bruno Bobkiewicz qui n’est pourtant pas hostile à certains de ces changements. En outre, certaines petites phrases du ministre sont restées dans les mémoires, comme celle sur les professeurs « déserteurs » durant la crise sanitaire.

Reconstruire la confiance avec le monde enseignant apparaît donc une priorité pour le nouveau locataire de la rue de Grenelle. « Son profil laisse penser qu’il y a de place pour le dialogue », veut croire Bruno Bobkiewicz qui indique que le ministère les a sollicités pour une première rencontre, mardi 24 mai.

Lire aussi. La nomination inattendue de l’historien Pap Ndiaye à l’Education nationale

Pap Ndiaye fera donc face à une profession « en crise ». Une crise qui s’illustre notamment par la perte d’attractivité de la profession et par les difficultés de recrutement. Les résultats du Capes tombés début mai sont alarmants.

Crise des recrutements : pallier le manque de nouvelles recrues

Pour les mathématiques : sur les 1 035 postes disponibles, seuls 816 candidats sont admissibles. En lettres modernes, on compte 720 candidats admissibles pour 755 postes et 83 pour 215 postes en allemand. Fait plus rare, ces carences se font aussi ressentir dans le premier degré : 521 candidats sont admissibles dans l’académie de Versailles pour 1 430 postes, 484 pour 1 079 postes dans celle de Créteil, 180 pour 219 à Paris.

« Même dans le premier degré, on va devoir recourir à des contractuels », s’inquiète Jean-Rémi Girard du SNALC. Cette crise tient pour partie à la réforme des concours d’entrée dans la profession. L’année passée, il fallait un master 1 pour se présenter au concours du Capes alors qu’il faut désormais un master 2. « En master 2, les étudiants doivent rendre un mémoire, faire une alternance et préparer le concours », souligne Jean-Rémi Girard. Un parcours fastidieux qui débouche sur un stage rémunéré « moins de 1 500 euros ».

La rentrée prochaine risque donc d’être extrêmement compliquée, surtout les académies en tension. « Le ministère doit prendre des engagements. Il faut au moins que l’on puisse fidéliser les contractuels », plaide Bruno Bobkiewicz.

Enseignement : une attractivité en berne

Cette pénurie de personnel met encore en lumière le problème structurel du peu d’attractivité de la profession. La rémunération y joue pour beaucoup : un enseignant français gagne 7 % de moins par rapport à la moyenne de l’OCDE en début de carrière, et 20 % après 10 à 15 ans d’ancienneté. Lors de sa campagne éclair le président de la République a promis de faire de l’Education l’un des chantiers « immenses » de son quinquennat avec la santé. Il s’est engagé à investir 6 milliards d’euros sur la masse salariale promettant une augmentation « inconditionnelle » d’environ 10 % des salaires « pour faire en sorte qu’aucun professeur ne gagne moins de 2000 euros nets par mois ».

Mais le président de la République a également évoqué un « salaire au mérite » basé sur le « travailler plus pour gagner plus ». Pour mécontenter un peu plus les syndicats, Emmanuel Macron a évoqué un supposé « syndrome de la salle des profs où celui qui se démène est parfois moqué par celui qui fait le minimum syndical ».

Au regard de ces déclarations, Guislaine David (SNUipp-FSU) ne se fait pas trop d’illusions sur le nouveau chantier de ce quinquennat mais elle attend, a minima, un changement de méthode, « l’école a besoin de sérénité ». Jean-Rémi Girard attend lui aussi que le nouveau ministre « prenne davantage en compte (leur) avis ». Pap Ndiaye arrive donc avec de nombreux défis à relever. « Nous jugerons sur pièce », prévient Jean-Rémi Girard (SNALC).

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