Emploi, stage, apprentissage, alternance… Le salariat étudiant recouvre une multitude de types de contrat, répondant tous à une réalité et une rémunération différente, avec un impact plus ou moins positif sur les études suivies en parallèles. Et le phénomène est majeur. En France, selon une enquête menée par l’Observatoire de la vie Etudiante, avant la crise sanitaire, près de la moitié des étudiants – 46 % – occupe durant leurs études au moins une activité salariée.
Conscient de cette réalité, la mission d’information sénatoriale sur les « conditions de la vie étudiante en France » a tenu, ce jeudi 20 mai, à mieux appréhender ce phénomène, avec en tête la volonté de mesurer les effets du salariat sur la réussite scolaire des étudiants. Présidée par le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, la mission d’information a ainsi convié plusieurs sociologues spécialistes de la question, mais aussi des administrateurs d’universités, au plus près des étudiants.
Un risque accru d’échec scolaire parmi les étudiants salariés
Et le premier constat est sans appel. Plus le volume horaire de l’emploi étudiant est important, plus les chances d’échecs scolaires le sont également. Julien Berthaud, docteur en sciences de l’éducation, a dressé un bilan clair, en évoquant les « effets négatifs du salariat ». « Parmi les étudiants salariés, on voit des taux de réussite annuels plus faibles. On remarque également les chances de voir le parcours universitaire se terminer à l’heure s’amenuiser, créant donc un allongement des études ».
L’universitaire, coauteur d’un ouvrage intitulé Salariat étudiant, parcours universitaires et conditions de vie, est, au terme d’enquêtes sociologiques menées, arrivé à la conclusion qu’un effet négatif clair sur les études apparaît, quand l’emploi étudiant dépasse les 18 heures de travail par semaine, effet négatif renforcé quand l’étudiant est obligé de travailler pendant ses périodes d’examen et que son emploi n’a aucun lien avec son domaine d’études.
Une corrélation claire entre emploi étudiant et origine sociale
Autre constat marquant de cette audition, le parcours et l’origine sociale des étudiants se reflètent clairement dans leur situation salariée. C’est du moins la conclusion dressée par Vanessa Pinto, sociologue à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. « Les activités rémunérées des étudiants sont très différenciées socialement. Parmi les enfants de cadres, on voit surtout du baby-sitting dans un premier temps puis des stages rémunérés. Chez les enfants d’ouvriers, ce sont souvent des stages non rémunérés et des activités non liées au domaine d’études, comme caissiers, vendeurs… ». « Et dans les facultés de lettres et de sciences humaines, là où le recrutement est plus populaire la part d’activité non liée aux études est beaucoup plus élevée que dans les grandes écoles », continue la chercheuse.
Emplois étudiants : quelles inégalités révèlent-ils ?
Un constat qui lui fait dire que « les emplois étudiants peuvent accentuer les inégalités au sein de l’enseignement supérieur ». Et les solutions proposées aux étudiants, comme l’aménagement de l’emploi du temps, ne sont souvent pas satisfaisantes. Pour Vanessa Pinto, « la solution évoquée d’octroyer aux étudiants salariés des crédits en fonction de leur emploi n’est pas forcément souhaitable d’un point de vue pédagogique. On n’imagine pas un étudiant en histoire valider des crédits avec son emploi d’équipier dans un fast-food. Pédagogiquement parlant, ce n’est pas souhaitable ».
Des conclusions qui font dire à Pierre Ouzoulias que « nous avons toujours besoin de la sociologie, et qu’elle est indispensable dans la formation des politiques publiques ». D’autant plus qu’avec la pandémie et la précarisation encore plus importante des étudiants, nul doute qu’une partie encore plus importante d’entre eux sera obligée de souscrire à un emploi en parallèle de leurs études.