En Seine-Saint-Denis, une vaccination « de proximité »

En Seine-Saint-Denis, une vaccination « de proximité »

La Seine-Saint-Denis connaît le taux de vaccination le plus faible de France métropolitaine. Sur le terrain, les acteurs se démènent. Reportage dans un centre de vaccination mobile à Pantin.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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Les candidats à la vaccination arrivent au compte de gouttes sur le point éphémère de la Croix rouge à Pantin (Seine-Saint-Denis), mardi 10 août. Dans la cour extérieure de la maison de quartier des Pommiers tout est installé : le point d’accueil, les tentes pour enregistrer les futurs vaccinés et  le camion de la Croix rouge pour l’injection.

« Là, on sent que les gens sont partis en vacances », constate Houda Laasfour, la responsable locale de la Croix rouge. La semaine dernière, ils ont réalisé 70 injections dans le quartier des Courtillières, un coin de la ville plus éloigné du principal centre de vaccination :

« Il y a beaucoup de personnes avec des problèmes de mobilités, c’est important qu’on puisse aller vers eux. »

Les réticences et les inquiétudes sont aussi des facteurs d’éloignement : « Les gens ont plusieurs sources d’information (les médias, les réseaux sociaux…) mais quand il parle avec nous, c’est plus simple. On a un lien de confiance avec les habitants et ils nous connaissent surtout », explique Houda Laasfour.

Sac de livraison sur les épaules, Dramane file après avoir reçu sa deuxième dose. « C’est un ami qui m’a dit qu’il y avait des vaccinations ici aujourd’hui », indique-t-il avant d’enfourcher son vélo. Si les candidats ne se bousculent pas aujourd’hui, Houda Laasfour raconte que la semaine dernière un patient a amené une bonne partie de ses voisins.

« Quand la priorité c’est de manger ou de payer son loyer, la vaccination passe au second plan »

En coordination avec la région, l’ARS Ile-de-France et les mairies, la Croix rouge met en place des opérations de vaccination de proximité en Seine-Saint-Denis. Des opérations dites « d’aller vers ». 70,4 % de Parisiens ont déjà reçu une première injection contre 50,7 % pour les habitants de Seine-Saint-Denis. La fracture vaccinale répond à la fracture sociale, ici comme dans le reste du territoire.

« Si vous comparez la vaccination et le revenu médian, oui, il y a un écart, observe Jean Malibert, directeur de la Santé de la ville de Pantin. Ce qu’on constate ici c’est que les campagnes nationales ne parlent pas à tout le monde. Et puis, les priorités ne sont pas les mêmes. Quand la priorité c’est de manger ou de payer son loyer, la vaccination passe au second plan. »

Accès aux soins : des inégalités structurelles

Les inégalités liées à l’accès aux soins dans le département sont bien antérieures à l’épidémie. Dans une publication sur le covid en Seine-Saint-Denis, Solène Brun, post-doctorante à l’Institut Convergences Migrations, et Patrick Simon, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques, soulignaient « l’offre de soins limitée du département et le moindre recours aux soins des personnes précaires en général et des immigrés en particulier ».

Dès la première vague, le département ​​a connu des taux particulièrement élevés de surmortalité liée au covid. En cause : des conditions de vie plus précaires avec notamment un taux important de sur-occupation dans l’habitat. Mais aussi, des emplois « de premières lignes » plus exposés au virus. Les habitants du département ont des indicateurs de santé plus dégradés avec des facteurs de comorbidités plus répandus qu’ailleurs.

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A Pantin, la mairie a pris les devants dès l’ouverture de la campagne vaccinale en janvier. « On a installé un centre de vaccination dans un ancien établissement pour personnes âgées le 18 janvier. On a trois centres communaux de santé et le gymnase Maurice Baquet s’est transformé en centre de vaccination avec des horaires décalés pour ceux qui travaillent tard », expose Philippe Lebeau, conseiller municipal à la Santé.

Un agent de la ville voisine du Pré-Saint-Gervais est aussi venu faire un tour au centre éphémère de vaccination. « On a mis des flyers dans les boîtes aux lettres des habitants pour les informer de l’opération », indique-t-il. Lui aussi décrit une campagne parfois trébuchante et peu lisible avec une ouverture par tranche d’âge qui n’a pas toujours été fluide. « Aujourd’hui, l’idée est surtout d’informer et de rendre accessible », explique-t-il.

Les contraintes liées à l’instauration du passe sanitaire ont boosté les chiffres de la vaccination. En Île-de-France, ​​​le pourcentage de vaccinés a augmenté de 2,5 points la semaine dernière. « Et la rentrée va être très sportive », pressent Houda Laasfour.

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