ENA: le rapport Thiriez propose une refondation plutôt qu’une disparition

ENA: le rapport Thiriez propose une refondation plutôt qu’une disparition

Plus proche du terrain, plus ouverte à la diversité sociale: la nouvelle ENA qui verra le jour en 2022, a annoncé Matignon mardi, va s'inspirer...
Public Sénat

Par Marie-Pierre FEREY

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Plus proche du terrain, plus ouverte à la diversité sociale: la nouvelle ENA qui verra le jour en 2022, a annoncé Matignon mardi, va s'inspirer du rapport Thiriez qui tente de répondre aux nombreuses critiques sur "l'entre-soi" sans bousculer les grands corps et la magistrature, soucieux de leur indépendance.

Créée en 1945 par le général de Gaulle pour démocratiser le recrutement des hauts fonctionnaires avec un concours d'accès unique, l'ENA a été fortement critiquée pendant la crise des "gilets jaunes" pour sa formation d'élites "hors sol".

Quatre des six derniers chefs de l'État, dont Emmanuel Macron, sont issus de l'ENA, mais ses liens avec le monde politique sont "à relativiser", selon les rapporteurs: les énarques ne représentent que 10% des membres du gouvernement et 3% des députés.

Mais aujourd'hui encore, les fils de cadres représentent toujours 70% des promotions, constate le rapport piloté par l'ex-président de la Ligue professionnelle de football - et énarque - Frédéric Thiriez.

Le 25 avril, Emmanuel Macron avait créé la surprise en annonçant "la suppression de l'ENA" et la fin des grands corps (Conseil d'État, Cour des Comptes, Inspection des finances, Mines, Ponts etc.).

Mais au fil des mois, la levée de boucliers des institutions en question, relayée selon plusieurs médias jusqu'au sommet du gouvernement (Édouard Philippe est issu du Conseil d'État), a conduit à une réforme plus consensuelle.

Ainsi, les grandes écoles publiques de formation des fonctionnaires (Santé, police, magistrature) et ingénieurs de l'État (X, Mines, Ponts etc) ne seront pas fusionnées. Le rapport suggère une formation commune de 6 mois, dont un stage de 4 mois au plus près du terrain, 3 semaines de "préparation militaire" et 3 semaines d'encadrement de jeunes du service national universel.

Dans un communiqué, le Premier ministre n'a pas précisé la durée ni le contenu de ce "tronc commun" - qu'il a néanmoins retenu comme piste de travail - laissant une forte marge de négociation aux écoles.

- Prépas "Égalité des chances" -

L'ENA à Strasbourg, le 3 octobre 1995
L'ENA à Strasbourg, le 3 octobre 1995
AFP

Jugeant "grotesque" l'idée d'une préparation militaire de trois semaines, Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, a interrogé: "Quelle image cela enverrait des magistrats, statutairement indépendants, qui commenceraient leur carrière en marchant au pas?"

Matignon reprend l'idée d'"un stage long en territoire et un engagement citoyen obligatoires et/ou une préparation militaire, à réaliser en cours de scolarité".

Le champ de la future "école de l'administration publique" n'est pas non plus précisé par Matignon alors que le rapport proposait qu'elle regroupe l'ex ENA, les ingénieurs des Mines, des Ponts, Eaux et Forêt, de l'Armement et de l'Insee.

Le Premier ministre reprend en revanche la proposition d'une filière "Égalité des chances", avec des classes préparatoires spécifiques pour les élèves de milieux plus modestes. La mission propose que la future structure accueille 10 à 15% d'élèves issus de 20 nouvelles prépas "Égalité des chances".

L'actuel directeur de l'ENA, Patrick Gérard, s'est félicité de cette nouveauté dans un entretien à l'AFP, soucieux que "le maximum de jeunes brillants de milieux modestes aient la possibilité de passer le concours". Il s'est néanmoins dit "un peu réservé" sur la création d'un "concours particulier".

Pour mettre fin à la "rente à vie" que constitue l'affectation automatique dans les grands corps, le rapport suggère la suppression du classement de sortie, qui permettait de constituer "la botte" des meilleurs élèves qui intègrent directement les grands corps comme le Conseil d'État, la Cour des Comptes et l'Inspection générale des finances.

Les grands corps ne disparaissent pas pour autant, mais "titularisation et avancement seront désormais conditionnés à la réalisation réussie d'un temps d'apprentissage dans le corps et de missions de terrain en administration active", précise Matignon dans son communiqué.

Matignon a confié à trois ministères (Fonction publique, Éducation, Enseignement supérieur) le soin de finaliser cette réforme "d'ici fin avril", a précisé Matignon.

Pour l'Ugict-CGT (cadres), les propositions du rapport "entretiennent une confusion volontaire, tant sur les objectifs que sur leur mise en œuvre, faisant plus penser à un numéro d'équilibriste qu'à une vision renouvelée du service public et une réaffirmation de l'intérêt général servi par des fonctionnaires hautement qualifiés".

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