Enseignement français à l’étranger : y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Enseignement français à l’étranger : y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Le réseau des 500 établissements de l’enseignement français à l’étranger manque de moyens, selon le rapport des sénateurs Vincent Delahaye (UDI) et Rémi Féraud (PS). Absence de stratégie, faible transparence… l’ambition d’Emmanuel Macron de doubler le nombre d’élèves semble irréaliste.
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Deux sénateurs se sont penchés sur le budget du réseau de l’enseignement français à l’étranger. Vincent Delahaye, vice-président UDI du Sénat, et le sénateur PS Rémi Féraud, tous deux membres de la commission des finances, ont présenté ce mercredi 29 août un rapport d’information pour le moins critique sur le sujet. Pour eux, l’objectif fixé en mars dernier par Emmanuel Macron de doubler le nombre d’élèves dans les lycées français à l’étranger n’est pas tenable dans les conditions actuelles. Aujourd’hui, le réseau n’a pas les moyens de ses ambitions.

La faute d’abord à un manque de financement : en juillet 2017, l’annulation de 33 millions d’euros de subventions de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) a fait du mal. C’est 340 postes d’enseignants en moins, selon les sénateurs. Le réseau rassemble près de 500 établissements dans 137 pays, scolarisant environ 350.000 élèves. Un peu plus d’un tiers sont Français, un peu moins de deux tiers sont étrangers. Depuis 2012, le budget a baissé de 14%. Entre l’augmentation des charges, des effectifs en hausse et un parc immobilier vieillissant, difficile de joindre les deux bouts. Les familles se retrouvent à payer davantage. Elles assurent aujourd’hui 60% du financement du réseau… et les frais ont progressé de 25% en 5 ans. Soit 5.300 euros en 2017 en moyenne. L’école gratuite n’a pas dépassé nos frontières.

Regardez Rémi Féraud expliquer ce que représente le réseau de l’enseignement français à l’étranger (images de Samia Dechir) :

L’enseignement français à l’étranger, « un outil pour scolariser les élèves, de diplomatie et d’influence » explique le sénateur Rémi Féraud
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Les sénateurs constatent un manque de « transparence » et de cohérence. « Il y a une absence d’orientation stratégique depuis des années. On a une politique au coup par coup avec les établissements. (…) On sent bien qu’il n’y a pas de pilotage stratégique », mais plutôt « un pilotage à vue » pointe Vincent Delahaye (voir la première vidéo). « Le conseil d’administration de l’AEFE ne semble pas avoir une vision globale. Et des éléments ne lui sont pas fournis… » lâche le sénateur de l’Essonne. Mais « derrière, c’est le ministère ». Et donc le politique, qui est responsable. Il ajoute : « Dire qu’on arrivera à doubler le nombre d’élèves sans augmenter le budget, ce n’est pas très réaliste ». Le rapport préconise a minima la sanctuarisation du budget. En 2017, le total des crédits publics représente 455 millions d’euros, soit 39% des recettes. Le reste vient des frais de scolarité. « La part des familles a atteint un seuil maximum » prévient le sénateur socialiste de Paris.

« Outil de diplomatie et d’influence »

« Pour le moment, l’ambition du Président n’est pas cadrée budgétairement » ajoute Rémi Féraud, qui préconise « d’encadrer dans le temps le statut de résident » pour les professeurs, c'est-à-dire les fonctionnaires détachés, dont le coût est plus élevé que des recrutements au statut local. Pour développer le réseau, les sénateurs proposent de développer le nombre d’établissements partenaires.

La répartition des aides par secteur géographique mériterait aussi d’être revue selon les sénateurs. Les établissements d’Afrique reçoivent en moyenne et par élève 2.000 euros, quand un établissement de la zone Asie/Moyen-Orient perçoit 750 euros par élève. L’Europe est à 1.750 euros. « On pourrait répartir une part des aides pour l’Europe sur l’Asie », pense le sénateur UDI.

Les élèves vont-ils bientôt devoir apporter la craie au professeur ? L’enjeu de l’enseignement français à l’étranger est bien sûr de bien « scolariser » les élèves, mais pas seulement. Il s’agit aussi du rayonnement de la francophonie. Comme le rappelle Rémi Féraud : « C’est un outil de diplomatie et d’influence ».

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