Entreprises : « Ça nous paraît normal de participer à l’effort »

Entreprises : « Ça nous paraît normal de participer à l’effort »

Face à la pénurie de certains équipements de protection, industriels et PME réorientent leur production.
Public Sénat

Par Fabien Recker

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Voilà plus d’une semaine qu’on ne fabrique plus de jeans dans les ateliers Duffery. Pour répondre à la crise du Covid-19, cette PME de Florac s’est lancée dans la production de masques de protection. « On a simplement changé les tâches de nos machines. L’idée était de répondre rapidement » raconte Julien Duffery, le patron. N’ayant « ni agrément ni certification », Julien ne destine pas ses masques au personnel soignant. « Mais on les distribue gratuitement aux personnes de “second rideau” : les commerçants, les artisans, les employés de supermarchés qui ont besoin de se protéger sur leur lieu de travail… Il y a un stress immense autour de l’absence d’une protection simple, de base ! » 

 

Saint-James, Les Tissages de Charlieu, et bientôt Yves Saint-Laurent et Balenciaga : face à la pénurie de masques c’est toute la filière de la mode qui est mobilisée. Parfois à la demande des acteurs de santé dans le désarroi. Dans l’Hérault, le fabricant de sous-vêtements pour hommes Eminence a répondu à l’appel des pompiers du département. « On a soumis un prototype au Médecin-Colonel du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours, N.D.L.R.) qui l’a testé et validé » explique Dominique Seau, PDG d’Eminence. « C’est un produit tri couches, fabriqué avec des matières qu’on utilise pour faire des pyjamas. On travaille avec des matières déjà en stock ». Si ces masques sont inadaptés au contact des malades « ils permettent à la fois d'éviter les postillons et de ne pas se contaminer si on se touche visage alors que ses mains sont contaminées ». L’entreprise va ouvrir un deuxième site de production afin de pouvoir fabriquer 15 000 masques par jour. « Les médecins-colonels des différents SDIS se sont tous passé le mot. La pénurie est partout » constate Dominique Seau. « Chez les pompiers, mais aussi dans les forces de l’ordre et même les CHU, puisque le SDIS va approvisionner les CHU avec nos masques ». Pas pour travailler en réanimation, « mais par exemple pour la personne qui va faire le ménage dans les chambres, parce que c'est mieux que rien. »

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Face à ces initiatives en ordre dispersé, la filière et les pouvoirs publics essaient d’harmoniser les choses. Un site internet d’appel à propositions a été lancé. Et l’organisme de normalisation Afnor doit rendre public vendredi un cahier des charges à disposition de ces néo-fabricants de « masques barrières ». « Il s’agit de proposer un repère à ces industriels, élaboré par un collège de sachants » indique-t-on chez l’Afnor. Quant aux normes européennes pour la production des fameux masques « FFP2 » dont la France manque cruellement, elles sont désormais en libre accès sur Internet, suite à une décision du centre européen de normalisation face à la crise du coronavirus.

 


 

« Nous, on a utilisé la recette de l’OMS qui est publique sur Internet » raconte de son côté Fabien Marche. Patron de l’entreprise Bouchillon, fabricant de peintures industrielles à Bergerac, il s’est lancé depuis vendredi dernier dans la production de solution hydroalcoolique à grande échelle. À l’initiative d’une élue du département, c’est tout le bassin industriel de la chimie qui s’est mobilisé. « Eurenco, un fabricant d’explosifs, nous a donné mille litres d'éthanol. La société Chromadurlin nous a livré la glycérine » détaille Fabien Marche. Quant à l’eau oxygénée, elle lui a été fournie par la cave coopérative viticole voisine. « On en est à presque 3 tonnes et s’il faut produire plus, on fera plus » prévient-il. Conditionné dans des jerrycans de 5 litres, le produit est distribué gratuitement aux personnels de santé.

Pour Fabien Marche, « cet effort n’est rien par rapport à celui du corps médical aujourd’hui. Notre entreprise est installée sur le territoire depuis 120 ans, donc ça nous paraît normal de participer à l’effort de solidarité. » Même motivation du côté de Julien Duffery, le fabricant de jeans cévenol. « On va friser entre 50 0000 et 100 000 euros de perte. Mais l’heure des comptes viendra plus tard. Quand on voit des boulangers qui apportent tous les matins des croissants aux équipes soignantes, c’est une perte sèche aussi mais c’est une grande valeur pour la société. »

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