Environnement dans la Constitution : la droite du Sénat veut un référendum mais sur sa version du texte
En prélude de l’examen du projet de loi visant à inscrire à l’article 1 de la Constitution la préservation de l’environnement, les sénateurs et le gouvernement ont acté leurs désaccords. Après la polémique de ce week-end, les prises de parole modérées mais inconciliables ont rythmé la discussion générale.
Dans cette discussion générale assez technique, on retient, tout d’abord, une chose. Les sénateurs, de tous groupes, sont bien décidés à laisser le projet de révision constitutionnelle « vivre sa vie parlementaire » pour reprendre les mots du chef de l’Etat quelques heures après un article du Journal du Dimanche, affirmant que le référendum visant à inscrire le climat dans l’article 1er de la loi Fondamentale était enterré.
« Tous les groupes ont été modérés dans leurs propositions, ne cédant pas au piège politique qui était tendu, sans doute par esprit de responsabilité » a constaté le sénateur PS, Éric Kerrouche.
Suivant les préconisations de la Convention citoyenne sur le climat (CCC), l’exécutif et la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale entendent ajouter 17 mots à la Constitution : la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».
« Nous n’avons pas voulu constitutionnaliser le doute que porte en lui le terme garantir »
Mais voilà, après avoir procédé à de nombreuses auditions, la commission des lois du Sénat s’alarme des effets juridiques d’une telle révision constitutionnelle, en particulier sur l’emploi du verbe « garantir ». « Nous n’avons pas voulu constitutionnaliser le doute que porte en lui le terme garantir » a justifié le président LR de la commission des lois, François-Noel Buffet. Son amendement porte la version que souhaite voir adopter la majorité sénatoriale de la droite et du centre, selon laquelle la France « préserve l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement ». Un texte qui est inscrit au bloc de constitutionnalité (principes à valeur constitutionnelle) depuis 2005, sous l’égide de Jacques Chirac. « Une charte que nous connaissons parfaitement. Elle est précise. Sa jurisprudence, ses règles sont parfaitement établies », a rappelé le président de la commission des lois.
Craignant l’arrivée « d’une République des juges », plusieurs élus de la majorité ont rappelé un avis rendu par le conseil d’Etat, soulignant que le terme « garantit » pourrait ouvrir la porte à une multiplication des recours en instituant pour l’Etat, une « quasi-obligation de résultat » en matière de préservation de l’environnement.
« Le gouvernement fait le choix assumé d’une ambition forte en faveur de l’environnement »
Le garde des Sceaux, Éric Dupond Moretti a bien pris acte de cette décision du juge administratif, « mais le gouvernement fait le choix assumé d’une ambition forte en faveur de l’environnement qui doit se traduire sans équivoque dans notre texte fondateur […] Par ce projet, le gouvernement affirme et assume que la portée juridique de la protection de l’environnement doit évoluer. Que ce qui est aujourd’hui un objectif, doit devenir demain une obligation. Que ce qui est une ambition, devienne une garantie ».
« Au fur et à mesure que je vous écoutais, l’obscurité gagnait mon esprit » a raillé le questeur, Philippe Bas (LR). L’ancien président de la commission des lois estime que la charte de l’environnement et l’article 1 tel que révisé par le gouvernement, sont deux textes contradictoires. « La conciliation entre ces deux textes est une mission impossible et pourtant incontournable. Et c’est le juge qui recevrait cette mission, plaignons-le ». Une référence à l’article 6 de la Charte de l’environnement, selon lequel les politiques publiques doivent concilier « la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».
Très en verve, Philippe Bas a dénoncé la méthode du chef de l’Etat consistant « à reprendre sans filtre » la proposition de la convention citoyenne. « Mais qui va filtrer ? Nous, nous allons filtrer car c’est notre devoir, notre mission » a-t-il martelé indiquant au passage qu’il voulait qu’un référendum sur l’environnement dans la constitution voit le jour. « Nous souhaitons vivement que les Français puissent trancher le débat sur la politique écologique et si possible qu’il le tranche dans notre sens. Nous ne voulons pas d’une écologie dogmatique, d’une écologie radicale, d’une écologie coercitive d’une écologie de la décroissance ».
« Mes chers collègues de droite, sortez du côté obscur »
A gauche, la présidente du groupe CRCE, Éliane Assassi a dénoncé « l’arbre qui cache la forêt du renoncement de l’inaction du gouvernement. « L’urgence climatique et écologique nécessite autre chose que cette instrumentalisation malhonnête et politicienne, à la fois des travaux de la Convention Citoyenne, mais également des institutions » a-t-elle déploré, reprochant à la droite sénatoriale d’être tombée dans « le piège » tendu par Emmanuel Macron.
« Pas dupe » des intentions du chef de l’Etat, l’écologiste Guy Benarroche a aussi regretté que la droite se cabre sur « une position politique », « faisant fi de l’urgence ».
Le groupe PS défendra l’idée d’introduire dans la Constitution la protection des « biens communs mondiaux », au rang desquels figurent le climat, l’eau, la santé… ou encore, thème d’actualité, les vaccins.
Le groupe CRCE tentera, lui, d’inscrire le principe de non-régression au sein de la Charte de l’environnement.
Quant au groupe écologiste, il appelle à un vote conforme de la version du gouvernement et défend la consécration au rang constitutionnel du droit des générations actuelles et futures à vivre dans un environnement sain. « Mes chers collègues de droite, sortez du côté obscur, j’en appelle au gaulliste qui sommeille en chacun d’entre vous […] Réveillez le souvenir du général […] Ne nous interposez pas entre le peuple de France et sa loi référendaire » a-t-il lâché.
Peu de chance qu’il soit entendu ce soir, lors de l’examen des amendements.
Pour les présidents des groupes écologiste et communiste, la censure du gouvernement Barnier était courue d’avance. Ils déplorent les choix du Président de la République et l’exhortent à “créer une plateforme de gouvernement autour des idées du Nouveau Front Populaire.”
Dans une courte allocution, le Président a dessiné l’agenda des prochaines semaines après la censure du gouvernement Barnier : nomination d’un gouvernement « d’intérêt général » resserré, mais rassemblant « toutes les forces de l’arc républicain » et de nouvelles discussions budgétaires en janvier. En attendant, une loi spéciale reconduisant le budget précédent sera votée « mi-décembre. »
Chez Renaissance, plusieurs députés et sénateurs défendent l’idée d’un pacte de « non-censure », du PS au LR en passant par le bloc central, qui permettrait au prochain premier ministre de durer plus de trois mois. Gabriel Attal, à la tête du groupe EPR, soutient le principe en privé, tout comme son homologue du Sénat, François Patriat. Mais en interne, certains députés Renaissance sont en réalité plus circonspects.