Environnement : une exigence constitutionnelle ?
À l’occasion d’une table ronde organisée par la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, relative à l'inscription des enjeux climatiques et environnementaux dans la Constitution, quatre experts ont exposé leurs avis.

Environnement : une exigence constitutionnelle ?

À l’occasion d’une table ronde organisée par la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, relative à l'inscription des enjeux climatiques et environnementaux dans la Constitution, quatre experts ont exposé leurs avis.
Public Sénat

Par Maud Larivière

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

La Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, tenait une table ronde, mercredi, sur la perspective d’inscrire dans la Constitution les enjeux climatiques et environnementaux, à l’occasion de la révision Constitutionnelle actuellement examinée par l’Assemblée nationale. Quatre experts, avocat, chercheurs ou professeurs, ont livré leurs avis, parfois divergents, sur un tel ajout.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a inséré au niveau de l’article 1, dans le projet de réforme constitutionnelle, la formulation suivante : « Elle [la République] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». Michel Prieur, professeur émérite à l'université de Limoges, président du Centre international de droit comparé de l'environnement, y est favorable, pour trois raisons. Pour une raison scientifique, puisque, dit-il, le monde fait face à une « accélération de la crise climatique et de la perte de la biodiversité », qu’il n’y avait pas il y a vingt ans. Mais également pour des raisons économiques et sociétales.

Le professeur constate la place, de plus en plus importante du souci de l’environnement, et « l’exigence » des Français en la matière, et chiffre ses arguments : « augmentation de produits bio de 21% en 2016, et augmentation croissante des jeunes agriculteurs qui se tournent vers l’agriculture biologique, avec une hausse de 40% en deux ans ».

Selon Michel Prieur, si l’Assemblée nationale souhaite inscrire le principe de l’environnement dans l’article 1 de la Constitution, ce serait pour « servir de modèle » en la matière. Cependant, il émet un bémol sur la formulation de l’Assemblée qu’il juge « juridiquement peut satisfaisante ». Selon lui, le terme « agit » n’a pas « grand sens juridique », alors que « garantit », ou encore « assure » ont une connotation « plus forte ».

Environnement : une exigence constitutionnelle ? , Prieur
09:56

« C’est une fake news »

 Pour Didier Maus, professeur de droit constitutionnel, « il n’y a pas d’exigence constitutionnelle à modifier pour mener une politique de l’environnement plus forte, plus audacieuse », et « dire qu’il faudrait introduire l’environnement dans la Constitution est une fausse nouvelle, c’est une fake news », déclare-t-il avant de rappeler que « 26 lois sur le changement climatique ont été adoptées depuis 2005 » sans que cela ne pose d’obstacle constitutionnel. « L’article 1er aujourd’hui fixe des principes, mais pas un objectif politique » affirme-t-il.

Pour Yann Aguila, conseiller d'État, avocat à la cour, « l’inscription du climat dans la Constitution est utile », puisqu’il y a « des jurisprudences qui attestent des difficultés de son absence », comme notamment  la « décision sur la contribution carbone ». Avis rejoint par Dominique Bourg, professeur à l'université de Lausanne qui estime que cela permettrait de mettre une première pierre à l’édifice » dans la lutte contre le changement climatique.

Environnement : une exigence constitutionnelle ?
08:13

Article 1 ou charte de l’environnement ?

L’Assemblée nationale a fait le choix de ne pas modifier la charte de l’environnement, mais plutôt d’inscrire le principe de préservation de l’environnement dans l’article 1 de la Constitution. Certains estiment que la modification pourrait se faire plutôt dans la Charte de l’environnement, datant de 2005.

Didier Maus ne voit pas d’inconvénient à modifier un peu la charte de l’environnement : « On peut rajouter quelque chose sur les évolutions climatiques et les objectifs de la politique de la France en matière d’environnement et de biodiversité ». Yann Aguila, est quant à lui réservé pour y toucher : « Cette crise écologique n’est pas une crise comme les autres, elle met en case les modalités de survie de l’humanité, il ya une responsabilité du constituant » argumente-t-il. « Il s’honorerait en inscrivant dans l’article 1er le niveau élevé la protection du climat ».

 Dominique Bourg est plus sceptique : « si on modifie un monument historique tous les dix ans, il n’en sera jamais un » déclare-t-il.

Environnement : une exigence constitutionnelle ?, Bourg
08:57

Yann Aguila lance également l’idée d’ajouter aux principes de la République la notion d’écologie. La République est indivisible, laïque, démocratique, sociale et écologique » énonce-t-il. « Ca ne me choque pas » commente Didier Maus.

Partager cet article

Dans la même thématique

Paris : session of questions to the government at the Senate
9min

Politique

Face à un « budget cryptosocialiste », la majorité sénatoriale veut « éradiquer tous les impôts » votés par les députés

Ils vont « nettoyer » le texte, le « décaper ». Les sénateurs de droite et du centre attendent de pied ferme le budget 2026 et le budget de la Sécu. Après avoir eu le sentiment d’être mis à l’écart des discussions, ils entendent prendre leur revanche, ou du moins défendre leur version du budget : plus d’économies et faire table rase des impôts votés par les députés.

Le

Marseille: Amine Kessaci candidate
4min

Politique

Assassinat du frère d’Amine Kessaci : le militant écologiste engagé contre le narcotrafic était « sous protection policière et exfiltré de Marseille depuis un mois »

Le petit frère d’Amine Kessaci, jeune militant écologiste marseillais, connu pour son combat contre le narcotrafic, a été tué par balles jeudi soir à Marseille. L’hypothèse d’un assassinat d’avertissement est privilégiée et pourrait faire basculer la France un peu plus vers ce qui définit les narco Etats. C’est ce que craignaient les sénateurs de la commission d’enquête sur le narcotrafic. Le sénateur écologiste de Marseille Guy Benarroche, proche d’Amine Kessaci a pu s’entretenir avec lui, ce matin.

Le

Environnement : une exigence constitutionnelle ?
2min

Politique

Assassinat du petit frère d’Amine Kessaci : revoir le documentaire sur le combat contre le narcotrafic du militant marseillais 

Mehdi, le petit frère d’Amine Kessaci, jeune militant écologiste marseillais, connu pour son combat contre le narcotrafic, a été tué par balles jeudi soir à Marseille. En 2020, c’est l’assassinat de son grand frère Brahim, qui avait conduit le jeune garçon à s’engager en politique. Son parcours est le sujet du documentaire « Marseille, des larmes au combat », Anaïs Merad, à revoir sur Public Sénat.

Le

Environnement : une exigence constitutionnelle ?
3min

Politique

Projet de loi anti-fraudes : « C’est un objet politique qui vise essentiellement à montrer du doigt la fraude sociale »

Invités sur le plateau de Parlement Hebdo, le sénateur Bernard Jomier (Place Publique) et le député Sylvain Berrios (Horizons) sont revenus sur le projet de loi pour lutter contre les fraudes fiscales et sociales, examiné par la Chambre haute depuis mercredi. La majorité rassemblant les élus de la droite et du centre au Sénat ont affermi le texte en commission, y ajoutant une batterie de mesures qui ne fait pas consensus.

Le