Europe : le commissaire à la justice rappelle la primauté du droit européen sur le droit constitutionnel national
Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders était auditionné ce mardi au Sénat. L’occasion pour lui de rappeler la primauté du droit européen sur le droit national. Une question qui fait débat en Europe et en France, en particulier quand une campagne présidentielle approche.

Europe : le commissaire à la justice rappelle la primauté du droit européen sur le droit constitutionnel national

Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders était auditionné ce mardi au Sénat. L’occasion pour lui de rappeler la primauté du droit européen sur le droit national. Une question qui fait débat en Europe et en France, en particulier quand une campagne présidentielle approche.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Lors d’une audition commune à la commission des lois et des affaires européennes du Sénat, Didier Reynders, commissaire européen à la justice, venait à peine de terminer son état des lieux du suivi du respect de l’état de droit au sein de l’Union, qu’il était interpellé par le sénateur centriste, Philippe Bonnecarrère.

« J’ai cru entendre de votre part la primauté du droit européen y compris sur les questions constitutionnelles. Je ne sais pas si c’est l’effet du masque ou si j’ai bien entendu : y compris sur les questions constitutionnelles. Si c’est bien ce que vous pensez, il faudrait nous un dire un peu plus M. le commissaire parce que c’est un sujet dont l’impact n’est pas négligeable ».

Cette question intéresse particulièrement l’élu du Tarn car il est l’un des 23 membres d’une mission d’information sur « la judiciarisation de la vie publique ». Une mission qui va justement se pencher sur la question de la subsidiarité des normes nationales vis-à-vis des normes européennes.

Un sujet qui nourrit de fortes tensions en Europe, en témoigne la décision récente de la Cour constitutionnelle polonaise de rejeter une partie de la Convention européenne des droits de l’homme, jugée incompatible avec la Constitution du pays. Ou encore lorsque la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe avait rejeté le programme de rachat de dettes publiques lancé face à la crise sanitaire, remettant ainsi en cause tant le droit de la Banque centrale européenne et le principe de primauté du droit européen sur le droit national.

« Nous réagissons à des décisions des autorités nationales, moins aux propos des candidats à l’occasion d’élections »

Et Philippe Bonnecarrère a bien entendu le propos de Didier Reynders. « Je vais le répéter. Cette primauté vaut aussi à l’égard des dispositions constitutionnelles nationales. Tout comme le caractère contraignant des décisions de la Cour de Justice s’imposent aux autorités nationales, cours et tribunaux et cours suprême ou les cours constitutionnelles qui pourraient exister. Sinon nous travaillons à la carte et on peut à tout moment s’éloigner de telles ou telles politiques européennes ce qui met en cause le principe même de l’Union, de l’application uniforme du droit de l’Union sur tout le territoire et le principe de confiance entre tous les États membres », a-t-il répondu.

En période électorale, cette question est un des enjeux de la campagne. Arnaud Montebourg a déjà affirmé que « le retour de la souveraineté de la France passera par la supériorité de la loi française sur les décisions européennes ». Ou encore Éric Zemmour qui appelle à « rendre au droit français sa primauté sur le droit européen. »

« Nous réagissons à des décisions des autorités nationales, moins aux propos des candidats à l’occasion d’élections. Sinon, nous passerions la journée à ne faire que cela. Il y a des élections à peu près tout le temps au sein de l’Union européenne », a souligné le commissaire européen.

Comment faire respecter la primauté du droit européen à des états souverains ? L’article 7 du traité sur l’Union européenne (TUE) donne la possibilité à l’UE de sanctionner un État membre qui ne respecterait pas ses valeurs. Depuis plusieurs années, Varsovie et Budapest font l’objet de procédures d’infraction pour des atteintes à l’indépendance de la justice ou des médias mais également pour le non-respect du droit d’asile…

« Je sais que pression budgétaire et financière a un impact sur les comportements »

Les sanctions peuvent aller en théorie jusqu’à la suspension du droit de vote du pays visé au Conseil de l’Union européenne. Le Conseil de l’Union européenne doit d’abord constater ce risque de violation des valeurs de l’Union par un vote à la majorité des quatre cinquièmes (l’Etat membre concerné ne prend pas part au vote).

« Je suis bien conscient qu’atteindre la majorité des quatre cinquièmes pour décider d’un risque de violation de l’état de droit ce n’est pas simple. Et si on devait atteindre une deuxième étape, la suspension du droit de vote, c’est l’unanimité moins le pays concerné, c’est évidemment encore plus compliqué », a-t-il reconnu.

En attendant, la Pologne et la Hongrie voient le versement du plan de relance européen, bloqué en raison de cette violation de l’état de droit. « Je sais que pression budgétaire et financière a un impact sur les comportements », a estimé Didier Reynders.

Partager cet article

Dans la même thématique

Hong Kong Legislature To Vote On Bill Recognizing Same Sex Couples Overseas Registration
3min

Politique

L’Assemblée nationale vote la réhabilitation des personnes condamnées pour homosexualité

L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, en deuxième lecture, une proposition de loi visant à réhabiliter les personnes condamnées pour homosexualité en France entre 1942 et 1982. Porté par le sénateur socialiste Hussein Bourgi, le texte entend réparer symboliquement des décennies de politiques discriminatoires. Mais la question de l’indemnisation continue de diviser députés et sénateurs et devra être tranchée en commission mixte paritaire.

Le

6min

Politique

Une « ordonnance négociée » pour faire passer le budget ? Un procédé « contraire aux principes parlementaires et démocratiques les plus élémentaires »

D’après des informations des Echos, Sébastien Lecornu plancherait sur la piste d’une « ordonnance négociée », pour faire passer le budget avant Noël, en cas d’une commission mixte paritaire conclusive en fin de semaine. Mais cette hypothèse n’enchante pas les constitutionnalistes, qui y voient le risque de mettre à mal le rôle de l’Assemblée nationale.

Le

CMP : comment la dissolution va modifier l’espace de compromis entre députés et sénateurs
2min

Politique

Budget : le groupe communiste boycotte la commission mixte paritaire

A la veille de la commission mixte paritaire (CMP) sur le budget, le groupe communiste de la chambre haute indique que le sénateur, Pascal Savoldelli n’y siégera pas en tant que membre suppléant. Le groupe dénonce notamment « un problème démocratique majeur » dans la composition de la CMP.

Le

Europe : le commissaire à la justice rappelle la primauté du droit européen sur le droit constitutionnel national
7min

Politique

Numérique : le Sénat adopte à l’unanimité un texte qui interdit l’accès des réseaux sociaux aux mineurs de moins de 13 ans

Alors qu’Emmanuel Macron a promis la semaine dernière d’interdire les réseaux sociaux aux mineurs de moins de « 15 ou 16 ans », le Sénat vient d’adopter à l’unanimité une proposition de loi portant la majorité numérique à 13 ans. Les mineurs de 13 ans à 16 ans devront recueillir l’autorisation parentale pour leur inscription sur un réseau social.

Le