Evaluation de la suppression de l’ISF : le désaccord persiste entre les sénateurs et Gérald Darmanin
L’examen du projet de loi de finances a été l’occasion d’un débat au Sénat sur les conséquences de la suppression de l’ISF et sur l’efficacité de l’impôt sur la fortune immobilière, qui l’a remplacé. La question de l’évaluation de l’ISF, promise par Emmanuel Macron, est loin de faire consensus.

Evaluation de la suppression de l’ISF : le désaccord persiste entre les sénateurs et Gérald Darmanin

L’examen du projet de loi de finances a été l’occasion d’un débat au Sénat sur les conséquences de la suppression de l’ISF et sur l’efficacité de l’impôt sur la fortune immobilière, qui l’a remplacé. La question de l’évaluation de l’ISF, promise par Emmanuel Macron, est loin de faire consensus.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

La question de l’évaluation de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI), a déjà occupé, début octobre, le débat public. D’un côté, l’exécutif soutient qu’il est trop tôt pour en voir précisément les effets sur l’économie. De l’autre, les sénateurs pointent déjà de multiples dérives. Rien de tel que l’examen du budget 2020 pour refaire à nouveau le match, à coup d’amendements. L’enjeu est important. La suppression de l’ISF en début de quinquennat a valu à Emmanuel Macron le surnom de « Président des riches ».

Si le rapporteur LR du budget, Albéric de Montgolfier, était d’accord pour supprimer l’ISF – la droite en a rêvé mais ne l’a jamais fait – il critique vertement l’impôt qui l’a remplacé. Avec l’IFI, « on a imposé l’immobilier de bureau qui sert à l’économique, ou les détenteurs d’usines », « mais quand vous avez des bitcoins, quand vous avez des placements en obligations chinoises, vous êtes exonéré » pointe du doigt le rapporteur général du budget. Il dénonce « un impôt qui a des conséquences économiques assez désastreuses », qui touche « les petits riches ». Il défend à la place la transformation de l’IFI en… IFI, qui deviendrait l’impôt sur la fortune improductive. L’amendement ne sera examiné, et a priori adopté, que la semaine prochaine.

Quid du ruissellement sur l’économie ?

Pour appuyer sa démonstration, le rapporteur général renvoie au rapport fait début octobre par la commission des finances du Sénat sur l’évaluation de la suppression de l’ISF. Albéric de Montgolfier reconnaît qu’il est encore trop tôt pour évaluer correctement les effets de « ruissellement » espéré sur l’économie. Mais dans l’immédiat, il faut revoir la copie sur l’IFI, en raison de ses « inconvénients », demande le sénateur LR.

« On a supprimé un impôt depuis moins d’un an que, déjà, vous voulez en tirer des conclusions » lui rétorque le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, qui renvoie à un autre rapport demandé par le gouvernement, qui soutient « qu’il est trop tôt ».

« Je voudrais solennellement remettre un exemplaire dédicacé au ministre »

Espérant faussement convaincre le ministre, Albéric de Montgolfier lui tend le rapport sénatorial : « Je voudrais solennellement remettre un exemplaire dédicacé au ministre ». « C’est vrai que moi, je lis de façon électronique », lui répond Gérald Darmanin. Il ironise : « Je serai très heureux de lire un rapport qui dit à la fin qu’il est trop tôt pour faire un rapport ».

Pour le président PS de la commission des finances, Vincent Eblé, c’est tout vu. L’essentiel de l’évaluation est déjà possible. Couplée à la « flat tax », la fin de l’ISF s’est traduite par un cadeau d’1,7 million d’euros pour chacun des 100 Français les plus riches. C’est ce qu’il avait dénoncé, début octobre, à la suite du rapport. Après la suppression de l’ISF, « il ressort que le gain fiscal n’a été que très partiellement réinvesti dans les entreprises françaises » ajoute le sénateur socialiste de Seine-et-Marne.

Le PS défend un « ISF nouvelle génération »

Vincent Eblé propose ainsi de « rétablir un impôt sur la fortune nouvelle génération, modernisé » (voir vidéo ci-dessous). Concrètement, il s’agit de relever le seuil d’entrée de 1,3 million à 1,8 million d’euros, « afin de sortir de l’impôt toutes les petites fortunes immobilières. Près de 40% des redevables (de l’ancien ISF) seraient ainsi exonérés pour un coût inférieur à 500.000 euros ». Une autre mesure permettrait aussi « d’éviter que les très grandes fortunes échappent à l’ISF ». Mais la majorité sénatoriale LR-UDI n’a pas adopté l’amendement socialiste. L’amendement des communistes d’un retour de l’ISF a connu le même sort.

Vincent Eble (PS) défend un "ISF nouvelle génération"
03:48

Les sénateurs ont en revanche adopté un amendement du rapporteur, contre l’avis du gouvernement, qui propose d’indexer le seuil d’assujettissement et le barème de l’IFI sur l’inflation (hors tabac), soit 1 %. Face à la « forte baisse des dons » de 50 %, après la réforme de l’ISF, le Sénat a aussi adopté un amendement de Vincent Eblé portant de 50 000 euros à 75 000 euros le plafond de la réduction d’impôt sur la fortune immobilière au titre des dons. Là aussi, le gouvernement s’y est opposé.

Partager cet article

Dans la même thématique

Paris: Weekly session of questions to the government at the Senate
2min

Politique

Direct. Budget de la Sécu : suivez le débat au Sénat sur la suspension de la réforme des retraites

15 jours après le vote des députés sur la suspension jusqu’au 1er janvier 2028 de la réforme des retraites de 2023, c’est au tour du Sénat d’examiner cet article du projet de loi de la Sécurité sociale, ce mardi à partir de 17h. La majorité sénatoriale de droite par la voix de Gérard Larcher a promis que la chambre haute rétablirait la réforme.

Le

2min

Politique

Violences sexuelles : Aurore Bergé souhaite imposer un casier judiciaire vierge pour les professionnels au contact d’enfants

Porté par la ministre déléguée chargée de l’Egalité femmes-hommes, un projet de loi-cadre sur les violences faites aux femmes et aux enfants a été remis hier à Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu. Parmi les 53 mesures, Aurore Bergé prône un casier judiciaire vierge pour tout professionnel travaillant avec des mineurs, et met l’accent sur un meilleur encadrement du dépôt de plaintes.

Le

Evaluation de la suppression de l’ISF : le désaccord persiste entre les sénateurs et Gérald Darmanin
3min

Politique

Budget : « Une loi spéciale ne peut pas faire office d’un budget », prévient Amélie de Montchalin

L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale se poursuit au Sénat avant un vote prévu demain dans l’après-midi. Invitée de la matinale de Public Sénat, la ministre de l’Action et des Comptes publics, Amélie de Montchalin a rappelé qu’il n’y a pas « d’alternatives au compromis parlementaire » et s’est montrée réticente quant à l’usage d’une loi spéciale pour faire adopter le budget.

Le