Face aux multiples doléances de l’Outre-mer, nouveau débat marathon de Macron
Pendant 7 heures -un record-, Emmanuel Macron s'est confronté vendredi aux revendications des élus ultramarins, qui ont énuméré les problèmes de...
Par Cécile AZZARO, Laurence BENHAMOU
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Pendant 7 heures -un record-, Emmanuel Macron s'est confronté vendredi aux revendications des élus ultramarins, qui ont énuméré les problèmes de leurs territoires, de la vie chère à l'immigration clandestine, en passant par la prolifération des sargasses ou les dangers du chlordécone.
Organisé dans la salle des fêtes rénovée de l'Elysée, ce débat reflétait une inquiétude locale plus accrue encore que lors des trois premiers auxquels a participé le chef de l'Etat, en raison de la pauvreté ou de l'isolement des territoires d'outre-mer. Sa durée a d'ailleurs dépassé les 6h40 de Grand Bourgtheroulde et les 6h38 de Souillac.
"Nous n'avons pas fait 8.000 km pour parler deux minutes": venus des Antilles, de Réunion, Mayotte ou de Guyane, la centaine d'élus, tenaces, parfois sceptiques, n'ont plus lâché le micro pour mettre sur la table les mêmes problèmes que ceux soulevés par les "gilets jaunes": pouvoir d'achat, accès aux services publics, éloignement des centres de décision...
Au point qu'au bout de 5 heures, Emmanuel Macron a repris à la ministre Annick Girardin la direction du débat, pour mettre un terme au défilé des intervenants qui se prolongeait bien au-delà des inscrits. "Non, les enfants", leur a-t-il lancé, "sinon, c'est la fin des haricots". "On ne va pas faire Shéhérazade !"
La crise liée au mouvement des "gilets jaunes" est "très grave et très profonde", a souligné Emmanuel Macron en introduisant le débat, mais les territoires ultramarins n'ont pas "tous été touchés de la même façon par ce mécontentement".
Les "gilets jaunes" ont en effet peu mobilisé, même si plusieurs mouvements sociaux (aux Antilles en 2009, en Guyane en 2017, à Mayotte en 2018) avaient déjà reflété l'exaspération de la population. Seule La Réunion a connu un mouvement de "gilets jaunes", qui ont bloqué l'île pendant quinze jours en décembre.
- A Mayotte et à La Réunion en juin -
Des manifestants portant des "gilets jaunes" protestent contre les prix des carburants à Sainte-Marie sur l'île de La Réunion, le 28 novembre 2018
AFP
Des maires antillais ont réclamé le classement en catastrophe naturelle pour se faire indemniser par les assurances les dégâts causés par les sargasses, ces algues brunes aux émanations toxiques qui s'échouent sur les plages. Mais le président a rappelé une nouvelle fois "qu'on ne parle plus de risque quand ça devient annuel. Il faut collectivement s'organiser".
De vifs échanges ont également porté sur le chlordécone, insecticide longtemps utilisé dans les bananeraies aux Antilles, le chef de l'Etat estimant qu'on ne pouvait pas actuellement parler de produit "cancérigène".
Concernant la vie chère, Emmanuel Macron a mis en cause les sur-rémunérations de fonctionnaires et les situations de monopoles, en rappelant qu'une même voiture beaucoup plus chère à la vente qu'en métropole.
Plutôt que des réponses nouvelles, il a promis une mobilisation accrue de l'Etat. Ainsi sur l'immigration clandestine des Comoriens à Mayotte ou le trafic de stupéfiants, il a répété que l'Etat voulait lutter contre les départs, démanteler les filières et accélérer les retours des clandestins, ou encore intercepter systématiquement les "mules".
Il a aussi refusé de rétablir les emplois aidés ou de revenir sur l'écrêtement de l'abattement fiscal pour l'outre-mer, inscrit dans le budget 2019.
"C'est pas vrai qu'on a rajouté de la pauvreté à la pauvreté, ça c'est du caramel !", a-t-il insisté.
Il s'est aussi opposé au lancement du projet de mine d'or industrielle Montagne d'Or en Guyane, qui pour lui n'est "à ce stade pas au meilleur niveau" en matière environnementale.
En revanche il a promis de défendre l'inscription de la yole ronde de Martinique, une embarcation traditionnelle, au patrimoine immatériel de l'Unesco.
Il a souhaité que ce débat complète le Livre Bleu rédigé après les assises des Outre-mer, une grande consultation de 8 mois. "On doit essayer quelque chose de radicalement nouveau", a-t-il conclu, en proposant de renouveler ce rendez-vous une fois par an.
Sceptique, Alfred Marie-Jeanne, président de la collectivité de Martinique a estimé que "cette nouvelle concertation auxquels vous nous conviez, je crains qu’elle nourrisse davantage le désenchantement". La députée Ericka Bareigts, partie bien avant la fin, a dénoncé un "coup de com", et le député européen Younous Omarjee, lui aussi parti avant, "un flop"
Le chef de l'Etat, qui s'est déjà rendu à quatre reprises dans les Outre-mer (Saint-Martin et Saint-Barth, Guyane, Nouvelle-Calédonie, Les Antilles), a annoncé qu'il se rendrait en juin à Mayotte, où les difficultés sociales sont exacerbées par l'immigration clandestine, ainsi qu'à la Réunion.
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.
Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.
Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.
Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.