Dans le 20 heures de TF1 et France 2, Michel Barnier dont le gouvernement est en sursis, dans l’attente du vote d’une motion de censure demain à l’Assemblée nationale, en a appelé à la « responsabilité » des députés. Il a considéré que les élus RN devront « rendre des comptes » a leurs électeurs s’ils votaient une motion rédigée « par l’extrême gauche ».
Ferrand, un patron de groupe contesté mais pas remplaçable pour le moment
Par Jérémy MAROT
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Trop absent, trop directif, trop discrédité par son affaire: Richard Ferrand, patron des députés LREM, doit composer avec une petite frange contestataire à l'Assemblée, sans qu'aucun concurrent ne se dégage pour occuper ce poste hautement stratégique et parfois ingrat.
"Tenir un groupe de plus de 300 personnes qui viennent d'horizons asymétriques, je ne sais même pas si c'est réalisable", souffle une cadre du groupe La République en marche, qui se revendique "loyale" envers Richard Ferrand.
Car depuis l'installation chaotique des marcheurs au Palais-Bourbon à l'été dernier, une petite musique insistante se fait entendre, jouée par quelques députés certes minoritaires mais actifs.
"Richard ne fait pas le job", il n'est "pas impliqué du tout, il ne répond pas aux SMS, il ne fait pas de coaching, de management. Je crois que ça ne l'intéresse pas", cingle une élue.
"Il a été très absent jusqu'en septembre. Et même là...", grince un ténor de la majorité quand un parlementaire en vue dénonce "l'autoritarisme de ses collaborateurs, proche d'une tyrannisation".
Quelques ratés sont venus accréditer l'idée d'un groupe mal cornaqué: une question à la tonalité virulente sur le droit d'asile posée dans l'hémicycle au ministre de l'Intérieur Gérard Collomb par la marcheuse Sonia Krimi; un accrochage en réunion de groupe avec le député Hugues Renson; ou encore l'absence lundi d'une grande partie du contingent LREM sur la résolution appelant à un nouveau traité de l'Elysée entre la France et l'Allemagne.
"Je prends ça avec beaucoup de philosophie", affirme à l'AFP Richard Ferrand, en témoignant avoir reçu d'un ami une compilation d'"articles affreux" sur d'ex présidents de groupe majoritaire. "Il m'a dit: +rassure-toi, c'est le métier qui veut ça+".
"C'est un travail où l'on est plus souvent dans la soute que sur la passerelle", explique-t-il avant de dérouler son agenda de mercredi, ponctué notamment de quatre rendez-vous avec autant de ministres, de passages en commission et dans l'hémicycle, d'une réunion de groupe.
Au total, M. Ferrand voit "une soixantaine" de députés par semaine, estime son entourage.
- "Enfantillages" -
Sans compter le temps de répartition des postes et missions d'un groupe avide d'agir, engendrant des "frustrations et amertumes", dit-il.
"Tout ça ce sont des enfantillages", souffle-t-il, en invitant à se pencher sur la "majorité silencieuse" qui "travaille beaucoup".
"Il doit composer avec cette peur qu'ont certains députés d'être sous-utilisés et qui disent que c'est la faute de Ferrand", abonde une députée, à l'image de ce jeune parlementaire venu la semaine dernière réclamer une place vacante de secrétaire de l'Assemblée nationale.
"On note les mauvais résultats, pas les bons. Ca nécessite un don de soi et du courage", loue de son côté une autre députée.
M. Ferrand est de surcroît empêtré dans l'affaire immobilière le touchant. Si le parquet de Brest avait classé sans suite son enquête préliminaire en octobre, l'association anticorruption Anticor a déposé une nouvelle plainte qui a déclenché l'ouverture mi-janvier d'une information judiciaire pour "prise illégale d'intérêts" aux dépens des Mutuelles de Bretagne, qui devrait durer de longs mois.
Cette "médiatisation le reculpabilise", analyse un ministre, en rappelant que "Richard Ferrand a vécu avec violence" la séquence de l'été dernier, marquée par sa sortie du gouvernement, et qu'il avait fallu le retenir de "faire une conférence de presse" pour régler ses comptes avec les médias.
"Il y a quelque chose de distendu", abonde un cadre de la majorité qui décrit "quelqu'un qui ne se livre pas facilement, entretient une espèce de distance avec les parlementaires".
Mais M. Ferrand, qui fut un des tout premiers soutiens d'Emmanuel Macron, est protégé par l'absence d'alternative à son poste, ce dont même ses détracteurs conviennent.
Il n'y a "personne d'autre pour cette place", "il connaît tout le système, tout le monde en haut et en bas", relève un ministre.
"Si on remplace Ferrand: par qui ?", s'interroge un autre député, renvoyant la réponse à dans deux ans, quand les postes-clés seront remis en jeu par le groupe.
"Quand je me regarde, je me désole. Et quand je me compare, je me console", plaisante en retour M. Ferrand.
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