Formation professionnelle : les grandes lignes de la réforme

Formation professionnelle : les grandes lignes de la réforme

La ministre du Travail a précisé ce lundi les contours de la réforme de la formation professionnelle. Alors que le monde du travail est soumis aux évolutions numériques et conjoncturelles, le « big bang » structurel voulu par la ministre vise à améliorer un système de formation jugé opaque et inefficace.
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Par Héléna Berkaoui / Sujet vidéo : Aurélien Romano

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Opaque, inefficace et coûteux, le système de la formation professionnelle a largement été décrié. Dernière saillie en date : le rapport de la Cour des comptes de février 2017 qui appelait à « construire une politique de contrôle » et à « lutter contre les fraudes » dans un secteur qui draine 32 milliards d’euros par an. 

Suite aux concertations menées avec les partenaires sociaux et l’accord qui en est issu, Muriel Pénicaud a révélé, ce lundi, les grandes lignes de la réforme de la formation professionnelle. Le projet de loi –qui comprendra aussi les volets apprentissage et assurance chômage – sera présenté à la mi-avril en Conseil des ministres. Le « big bang » annoncé de la formation professionnelle touche autant sa gouvernance et son financement que les formations elles-mêmes. Tour d’horizon.  

Le compte personnel de formation (CPF) nouvelle version

Chaque salarié verra désormais son CPF crédité de 500 euros par an, un compte plafonné à 5 000 euros. Il s’agit là d’un changement d’unité, puisque les crédits à la formation étaient convertis en heures jusqu’alors, les partenaires sociaux souhaitaient conserver le système en heures.

Pour la CGT, cette mesure contribue à ériger « une individualisation totale des travailleurs, désormais, seuls responsables de leur employabilité » et fait « la part belle aux trop nombreux organismes de formation, qui ont les mains libres pour marchandiser la formation ». 

Des aménagements sont prévus pour les salariés non qualifiés qui, eux, bénéficieront de 800 euros par an, plafonné à 8 000 euros. Muriel Pénicaud entend rendre ce système plus « lisible » et « plus juste ». Autre changement : les salariés à temps partiel – qui dans 80 % des cas sont des femmes – auront désormais les mêmes droits que les salariés à temps plein.  

Une application mobile dédiée à la formation

« Une application sera créée pour rendre désormais la formation accessible à tous les actifs », a annoncé Muriel Pénicaud qui insiste sur le fait que « personne ne doit être privé de ses droits et le droit à l'information est primordial ».

Sur le mode des sites de réservation de voyages, les usagers pourront donc se renseigner – notamment via les commentaires laissés par ceux qui sont passés par la formation - et sélectionner des formations en ligne. Il sera également possible de s’inscrire en quelques clics et de « payer » la formation « sans faire appel à un intermédiaire et sans une validation administrative » préalable.

À côté de cette plateforme numérique, les salariés et les demandeurs d’emploi pourront faire appel à un conseil en évolution professionnelle. Dans chaque région un opérateur sera désigné pour remplir cette tâche. Il devra notamment s'appliquer à « réduire les inégalités d’accès à la formation ».

Plan d’investissement dans les compétences

La ministre du Travail a annoncé que 15 milliards d’euros seraient injectés dans un plan d’investissement dans les compétences pour les demandeurs d’emploi et les jeunes. Les régions seront associées à ce dispositif sous forme contractuelle. La priorité sera donnée aux personnes peu ou pas diplômées, « aux quartiers prioritaires de la ville, aux demandeurs d’emploi handicapés, aux jeunes décrocheurs et aux personnes en parcours d’inclusion dans l’emploi ».

Entreprises : les nouvelles règles

Au lieu de deux cotisations, les entreprises ne s’acquitteront plus que d’une seule cotisation pour la formation et la taxe d’apprentissage. Cependant, la somme due restera la même. Il reviendra désormais aux Urssaf de collecter ces contributions. Les TPE et les PME (moins de 50 salariés) bénéficieront d’un système de mutualisation financière avec de plus grandes entreprises afin de pouvoir financer la formation de leurs salariés. Le taux de cotisation de ces entreprises contributrices n’est toutefois pas arrêté.       

France compétences : la nouvelle agence de régulation

Les trois instances de gouvernance actuelles - FPSPP, Cnefop, Copanef – disparaissent au profit de l’agence France compétences. Une agence nationale plus transparente qui aura pour mission de réguler les prix et la qualité des formations. Comme le souligne l’AFP, le coût d’une formation comme un CAP cuisinier peut varier de 2 500 euros à 14 500 euros.

Cette agence sera donc chargée de venir à bout des éventuels dysfonctionnements, elle sera pilotée par l’État, les régions et les partenaires sociaux. En outre, l’agence devra s’assurer de la péréquation interprofessionnelle, c’est-à-dire la répartition des charges entre différentes entreprises notamment en matière d’alternance et de formation dans les TPE et les PME.

Les opérateurs de compétences remplaceront les OPCA

Dans les conclusions du rapport de la Cour des comptes, les Sages recommandaient à l’État « d’augmenter le nombre de contrôles sur les OPCA et les OPACIF et de mener une démarche d’audit des procédures de contrôles internes de ces organismes ». L’État a visiblement opté pour une option plus radicale : une transformation en profondeur. Les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) seront donc remplacés par des opérateurs de compétences.

Ils seront en charge de financer les centres de formations d’apprentis (CFA), le plan de formation des TPE, PME. La ministre du Travail souhaite que les entreprises puissent s’appuyer sur ces organismes pour « anticiper la transformation des métiers, bâtir une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et construire leur plan de formation ».

L’autre mission des OPCA, qui consistait à collecter des fonds, échouera aux Urssaf qui elles-mêmes transmettront ces fonds à la Caisse des dépôts. La CFDT considère cette mesure « mérite plus de transparence en termes d'impact financier et d'opérationnalité ».

Les grandes lignes de la réforme de la formation professionnelle prendront forme dans le projet de loi que la ministre présentera à la mi-avril en Conseil des ministres. Les réformes de l’apprentissage et de l’assurance chômage figureront également dans ce texte, annoncé comme étant le second volet des réformes sociales du quinquennat. Le projet de loi arrivera devant le Parlement au printemps 2018.

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