François Rebsamen : « Il faut arrêter l’infantilisation ! »

François Rebsamen : « Il faut arrêter l’infantilisation ! »

François Rebsamen, le maire socialiste de Dijon, appelle à une reprise rapide de l’activité économique avec toutes les précautions sanitaires. Pour lui, il faut arrêter d’infantiliser les élus locaux comme la population. L’après crise doit également se construire avec les collectivités au centre du nouveau modèle. Comment Dijon a-t-elle fait face à la crise ? Quel impact sur les finances locales ? Quelles propositions pour relancer l’économie ? L’ancien ministre du Travail répond aux questions d’Oriane Mancini.
Public Sénat

Par Oriane Mancini

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La situation sanitaire à Dijon :

«Dans la ville comme dans le département, les choses s’améliorent progressivement. Il y a une nette amélioration. Il n’y a plus de décès ou de nouveaux patients Covid. Les sorties s’accélèrent et je pense que nous sommes sur le chemin du vert. »

 

Le déconfinement :

« Comme pour le confinement, j’ai toujours pensé que pour que ce déconfinement se passe bien, il fallait faire appel à la responsabilité des gens et pas à l’infantilisation que l’on a pu connaître parfois de la part de certains ministres. On appelle les gens à la responsabilité. On a distribué des masques et mis en place un certain nombre de protocoles donc cela se passe bien. Ça reprend progressivement. Ce qui me gênait parfois c’était certains propos alarmistes qui créaient de la peur. Je prends l’exemple du retour à l’école. À l’annonce de la réouverture des écoles, 28% des parents souhaitaient y amener leurs enfants. Et puis, le ministre Véran menace d’un reconfinement si la situation venait à se dégrader. Résultat ? Seul 12% des personnes ont amené leurs enfants à Dijon. C’est l’exemple même d’infantilisation ! Il y a eu plusieurs déclarations contre-productives et j’ai envie de dire au Premier ministre de reprendre en main la communication. »

 

La réouverture des écoles :

« À l’annonce de cette réouverture, je me suis dit qu’il fallait avancer et rassurer les gens. Nous avons été très volontaristes voire un peu trop. Je m’étais engagé sur le 12 mai et finalement on nous a dit de faire cette rentrée le 14. Ce sont des petites choses mais si on nous laissait décider en fonction des réalités de terrain, la France irait mieux. »

 

La responsabilité des maires :

« Je pense qu’un bon compromis a été trouvé au Parlement. Je comprends que les maires de petites communes puissent être inquiets. La loi Fauchon avait déjà un caractère protecteur et le compromis trouvé est bon. Ces plaintes éventuelles n’auront pas beaucoup de suite. »

 

L’accès aux parcs et jardins :

« J’ai rouvert des lieux de promenade mais qui ne sont pas expressément des parcs. Pour les grands jardins urbains, le Préfet me dit qu’il est tenu par des décrets et protocoles pour l’instant. D’ailleurs ces protocoles ont parfois donné des arguments de refus.  Par exemple, quelques directeurs d’école ont refusé d’ouvrir leur établissement parce que le bidon de gel hydroalcoolique était au bout du couloir et pas à l’entrée de la classe. » 

 

La distribution de masques :

« Moi j’ai cru le président de la République quand il avait annoncé une distribution de masques par l’État. Nous n’avons pas eu de masques de l’État. Il fournit le personnel soignant mais pas les collectivités ou les citoyens lambda. Nous avons passé une première commande avec la Région d’un million de masques chirurgicaux. Ça a été long mais ils sont arrivés il y a une dizaine de jours. On avait un stock H1N1 que l’on a distribué aux personnels des EHPAD et des cliniques privées. J’avais commandé des masques lavables et j’ai été heureux de voir la solidarité entre les maires. J’avais promis à la population 2 masques lavables et je n’en avais pas assez. J’ai donc appelé des amis maires et je veux remercier les maires de Nice, Cannes et Bourg-en-Bresse qui m’ont permis de compléter ma commande. »

 

Le traçage numérique :

« J’attends de voir. Je fais attention. Je suis pour un suivi de ceux qui ont contracté la maladie mais je suis très attentif à tout ce qui touche aux libertés individuelles. Je suis très prudent sur ce sujet. »

 

Les cafés et restaurants :

« Il faut rouvrir les cafés et restaurants. À Dijon, il y a 270 établissements et l’on doit pouvoir leur donner de bonnes conditions de travail en étendant leur terrasse par exemple. Nous sommes en contact permanent avec la profession. Il faut que l’on ait un protocole, une sorte de garantie pour ces professionnels pour qu’ils puissent rouvrir même dans des conditions particulières. De manière générale, je suis favorable à un redémarrage de l’économie. Ce sera une catastrophe si l’on ne fait pas les efforts pour relancer rapidement l’économie. À la métropole, nous avons continué à délivrer des permis de construire mais l’État n’a pas réuni les commissions de sécurité et donc on ne peut pas rouvrir. J’ai dit au Préfet qu’il fallait bouger les services de l’État ! »

 

L’impact sur les finances locales :

« Nous sommes très inquiets. Nous proposons d’avoir une sorte de budget annexe global et d’y mettre toutes les dépenses et les non-recettes liées au Covid pour l’ensemble des collectivités. Cela pourrait représenter entre 7 à 10 milliards essentiellement portés par les communes et les métropoles. Nous disons à l’État qu’il faut compenser cette somme. Si cela est fait, nous sommes prêts à abonder un fond que l’État devra créer dans le plan de relance, sur l’isolation des thermiques des bâtiments. Ça s’est du verdissement de l’économie et cela redonne du travail immédiatement. Il faut s’imaginer que pour une petite métropole comme celle de Dijon, cela représente 11 000 emplois alors il faut s’y mettre. Quand on voit les sommes engagées actuellement, 7 ou 10 milliards de plus ne changeront pas grand chose. »

 

Les relations État-collectivités :

« Sur la question de la décentralisation, la loi 3D de Jacqueline Gourault est presque à reprendre complètement. On se rend compte que les endroits où les Régions ont plus de pouvoir, cela a mieux fonctionné. Il y a dans ce pays des ministères qui fonctionne en silo comme la Santé ou l’Éducation Nationale et ils sont incapables de gérer la logistique au niveau national. Ces décisions nationales appliquées à l’ensemble du territoire, je trouve ça stupide. C’est déresponsabilisant et infantilisant. On ne va pas prendre les maires pour des enfants de chœur. Nous savons agir en responsabilité. Je plaide pour une compréhension différente du territoire. On ne peut plus avoir des lois avec des décrets qui s’appliquent de manière uniforme partout. La Lozère et le Nord sont différents et il faut leur laisser plus de liberté. Nous sommes surchargés de cette bureaucratie centrale. »

 

Les municipales :

«  Le second tour doit se tenir en juin. On pourrait aller dans les magasins mais on ne pourrait pas aller voter ? La démocratie locale est vitale pour la République. Il y a un argument économique essentiel. Si l’on veut que les collectivités participent à la relance de l’économie, il faut qu’elles puissent prendre des décisions en responsabilité. Il faut arrêter l’hypocrisie sur ce sujet. Il faut respecter la vie démocratique. »

 

Dijon capitale verte :

«  Il y avait 18 villes européennes en compétition dont Grenoble et Dijon. Nous sommes dans les 4 villes finalistes. J’irai défendre le dossier de Dijon en octobre. C’est une formidable chance et je suis un compétiteur, il faut gagner ! »

 

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