Fraude fiscale: Jérôme Cahuzac saura mardi s’il va en prison

Fraude fiscale: Jérôme Cahuzac saura mardi s’il va en prison

Il avait menti à la France entière sur ses comptes cachés à l'étranger: l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en...
Public Sénat

Par Sofia BOUDERBALA

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Il avait menti à la France entière sur ses comptes cachés à l'étranger: l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en 2016 à trois ans de prison pour fraude fiscale et rejugé en février à Paris, saura mardi s'il va en détention.

Un premier compte en Suisse, puis un transfert à Singapour via des sociétés offshore immatriculées dans les mers du Sud: cette fraude sophistiquée de l'ancien pourfendeur de l'évasion fiscale restera comme le plus retentissant scandale du quinquennat de François Hollande.

Un électrochoc, qui allait aboutir à la création d'un parquet national financier et d'une agence anticorruption. Un nouveau projet de loi présenté en mars va jusqu'à proposer de rendre obligatoire la publication du nom du fraudeur en cas de condamnation pénale, pratique dite du "name and shame".

Pour Jérôme Cahuzac, 65 ans, qui incarna la lutte contre la fraude fiscale avant de devenir un paria de la République, tout l'enjeu est désormais de savoir s'il ira ou non en détention.

A l'issue du second procès, l'accusation a requis la "confirmation" de la condamnation à trois ans de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité pour fraude fiscale (2010-2012) et blanchiment (2003-2013), décrivant un manquement qui avait "durement rompu l'équilibre social".

Après la révélation de son compte caché par le site d'information Mediapart, Jérôme Cahuzac avait menti pendant des mois, "les yeux dans les yeux", à ses proches, aux parlementaires, aux médias. Il avait finalement démissionné en mars 2013 puis avoué l'existence d'un compte à l'étranger.

"Votre plus grande contribution à la lutte contre la fraude fiscale aura été votre procès", avait asséné l'avocat général à l'ancien président de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Une confirmation du jugement enverrait l'ex-ministre derrière les barreaux alors qu'une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement ouvrirait la possibilité d'un aménagement de peine.

A la barre de la cour d'appel, l'ancien député socialiste, qui vit la plupart du temps reclus en Corse, avait confié sa "peur d'aller en prison".

Son avocat et ami Jean-Alain Michel a réclamé une peine qui "n'accable pas plus que nécessaire un homme cassé". Son nouveau conseil, Eric Dupond-Moretti, suggérait "d'alourdir la peine" mais de l'assortir du sursis, mettant en garde la cour contre le risque de suicide de son client.

- Le "déni" de Birdie -

Plus sobre qu'en 2016, Jérôme Cahuzac a concédé un "déni" persistant. Mais, sur le fond, sa ligne de défense n'a pas changé: c'est la volonté de constituer un trésor de guerre au profit du mouvement de l'ex-Premier ministre Michel Rocard, qui expliquerait le "basculement" dans la fraude, et l'ouverture d'un premier compte en Suisse en 1992. La suite relèverait d'une "fuite en avant".

Des arguments balayés par l'avocat général, qui note au contraire un puissant "sentiment d'impunité".

Cette affaire est avant tout l'histoire de la chute d'un homme. Un chirurgien de talent saisi du virus de la politique, mais aussi un fraudeur au nom de code "Birdie" qui se fait remettre dans la rue des liasses de billets provenant de ses comptes cachés.

Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flots de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par le chirurgien et son épouse dermatologue. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l'île de Man pour elle. Les comptes de la mère du médecin servent aussi à blanchir les chèques des riches patients anglais. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros.

En appel, Jérôme Cahuzac s'est retrouvé seul face à ses juges, avec l'ex-avocat genevois Philippe Houman, condamné en première instance à un an avec sursis et 375.000 euros d'amende pour avoir mis en place le montage financier ayant permis le transfert d'avoirs à Singapour.

Les autres protagonistes de l'affaire, l'ex-épouse du ministre comme les banquiers suisses, avaient renoncé à faire appel et sont donc définitivement condamnés: Patricia Cahuzac à deux ans de prison et la banque genevoise Reyl & Cie à l'amende maximale de 1,875 million euros.

Dans la même thématique

Paris: Designation Bureau Assemblee Nationale
6min

Politique

Ingérences étrangères : quelles sont les règles qui s’appliquent aux élus ?

Les élus sont souvent une cible privilégiée pour les ingérences étrangères. Si les atteintes à la probité existent, les formes d’influences sont diverses et se renouvellent. Après l’adoption de la loi sur les ingérences étrangères le 5 juin dernier, retour sur les règles s’appliquant aux élus pour prévenir les ingérences.

Le

France Europe Election
5min

Politique

Au Parlement européen, Jordan Bardella peine à se « normaliser »  

A la tête des Patriotes, le troisième groupe le plus important numériquement au Parlement européen et désormais membre de la prestigieuse commission des affaires étrangères, Jordan Bardella entend poursuivre à Strasbourg sa stratégie de « normalisation ». Une stratégie compromise cependant par le « cordon sanitaire » des partis pro-européens contre l’extrême-droite et par certaines personnalités embarrassantes au sein de son camp.

Le

LEGISLATIVES FRANCE : 2ND TOUR SOIREE ELECTORALE PS
5min

Politique

Lettre d’Olivier Faure au Conseil d’Etat : « Un message politique, plus qu’un recours contentieux », explique Paul Cassia  

Le 24 juillet, Olivier Faure a adressé à Didier Roland-Tabuteau, vice-président du Conseil d’Etat, un courrier pour alerter la juridiction administrative sur l’exercice du pouvoir réglementaire par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal. Si cette lettre interroge les diverses nominations à effet différé qui ont eu lieu au cours des deux derniers mois, elle constitue en réalité davantage un message politique qu’un véritable recours contentieux.

Le