Free party : le Sénat adopte un texte renforçant les sanctions contre les organisateurs

Free party : le Sénat adopte un texte renforçant les sanctions contre les organisateurs

Le Sénat a adopté, contre l’avis du gouvernement, une proposition de loi LR pour renforcer l’encadrement des free parties. La portée répressive du texte a été allégée en supprimant la peine de prison. Pour les fêtes de moins de 500 personnes, le principe d’une déclaration obligatoire auprès des maires a été ajoutée. « Bientôt on ne pourra rien faire, c’est le tout répressif ! » dénonce la sénatrice EELV Esther Benbassa.
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Les réactions avaient été nombreuses sur les réseaux sociaux. Et l’émoi partagé chez les amateurs de free party et de fête techno. Fin septembre, le groupe LR avait décidé d’inscrire dans sa niche parlementaire, c’est-à-dire son espace réservé où il peut décider du thème débattu dans l’hémicycle, une proposition de loi (PPL) visant à durcir l’amendement Mariani de 2001 sur l’encadrement des free parties (lire notre article).

Jusqu’à 400 heures de travaux d’intérêt général

Le texte a été adopté par la majorité sénatoriale LR-UDI, mardi 22 octobre. Mais après modification du texte d’origine en commission. L’auteure de la PPL, la sénatrice LR du Gard, Pascale Bories, voulait faire de la non-déclaration en préfecture un délit, passible d’une peine de trois mois de prison et d’une amende de 3.750 euros.

Mais lors de son passage en commission, préalable à la séance, la PPL a vu son caractère répressif diminué. Un amendement du rapporteur LR du texte, Henri Leroy, sénateur des Alpes-Maritimes, a été adopté afin de remplacer la peine de prison par une amende de 3.750 euros et une peine de travaux d’intérêt général, allant de 20 à 400 heures, soit 53 jours maximum.

« Il est difficile pour le gouvernement de soutenir en l’état cette PPL »

Précision et rappel utile : la PPL ne sera véritablement adoptée que si le texte est inscrit ensuite à l’ordre du jour de l’Assemblée, où LREM détient la majorité, puis adopté par les députés.

A écouter dans l’hémicycle Laurent Nunez, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur, ce ne devrait pas être le cas. « Si le gouvernement partage sans ambiguïté les objectifs portés par cette proposition de loi, (…) le texte nous oblige aux plus grandes réserves. Sans atteindre les effets désirés, il est à craindre qu’il engendre des effets pervers non-désirables sur les communes et s’avère finalement contre-productif. C’est la raison pour laquelle il est difficile pour le gouvernement de soutenir en l’état cette PPL » a expliqué Laurent Nunez. Il assure que l’exécutif « sera attentif à ce que les préfets et les forces de l’ordre assurent au moins l’information systématique des maires ». Regardez :

Laurent Nunez ne soutient pas la proposition de loi de sénateurs LR sur l’encadrement des free parties
00:49

« Condamner à de la prison des gens qui viennent faire la fête, c’était un petit peu excessif »

Si la volonté de fermeté est toujours affichée, les sénateurs ont donc préféré ajuster le dispositif. « Après échange avec la chancellerie et le ministère de l’Intérieur, on n’a pas retenu la peine de prison car condamner à de la prison des gens qui viennent faire la fête, même si cela dérape un peu, c’était un petit peu excessif dans la répression. Il n’y a pas mort d’homme quoi » a reconnu auprès de publicsenat.fr Henri Leroy.

Quant au seuil à partir duquel un organisateur doit obtenir l’accord de la préfecture, il n’est finalement pas abaissé de 500 à 300 personnes, contrairement à la première version du texte. La raison : le sujet est d’ordre réglementaire et non législatif. Cela alourdirait aussi le nombre de dossiers à traiter en préfecture.

« Sanctionner plus fortement pour obliger les organisateurs à respecter les règles »

Le rapporteur du texte n’en revendique pas moins « un objectif de sanctionner plus fortement pour obliger les organisateurs, qui se disent volontaires pour entrer dans la légalité, à respecter les règles ». La non-déclaration reste d’ailleurs un délit. A ce titre, « il ouvre des droits pour la police ou la gendarmerie » : « Saisie du matériel » mais aussi potentiellement « garde à vue » ou « perquisition », explique le rapporteur. La durée de saisie du matériel est cependant maintenue à six mois, et non prolongé à un an, comme le voulait au départ Pascale Bories.

Autre nouveauté apparue lors de l’examen en commission : un régime de déclaration obligatoire auprès des maires pour les fêtes de moins de 500 personnes, qui n’entrent pas sous le coup de la loi actuelle. « Il est normal que les maires soient informés d’une manifestation qui se déroule sur leur commune, qu’ils puissent en discuter avec les organisateurs, fixer des règles de vivre ensemble en "bon père de famille" » soutient Henri Leroy, ancien gendarme. Le rapporteur a fait adopter un autre amendement pour mettre en place une charte. Elle portera sur les questions « de bruit, propreté, respect environnemental, et les mesures de sécurité sanitaire et d’ordre ». « On ne veut pas interdire la fête » souligne le sénateur de Alpes-Maritimes, mais « inciter les organisateurs à respecter le droit ».

4000 free parties chaque année en France

Les auditions menées par le rapporteur donnent au passage un état des lieux sur le nombre d’événement organisés dans le pays. « J’ai entendu les ministères, les organisateurs avec Freeform et les référents de la délégation de la jeunesse. Il ressort des auditions qu’il y a 800 rave parties de plus de 500 personnes chaque année en France. Ce sont les chiffres du ministère de l’Intérieur et de la Chancellerie. Et il n’y aurait que 2 récépissés de déclaration par an. C’est-à-dire que 99% des free parties – je préfère dire fêtes libres – se déroulent dans l’illégalité » soutient Henri Leroy. Autre chiffre avancé par le rapporteur après ses auditions : « Si on prend en compte les raves qui rassemblent moins de 500 personnes, plus de 3200 free parties se déroulent chaque année en France ». Au total, environ 4.000 free parties se déroulent donc chaque année en France.

Si le caractère répressif du texte est allégé, la sénatrice Pascale Bories, l’auteur du texte, en défend encore l’utilité. « C’est une vraie problématique rencontrée par nombre d’élus sur l’ensemble du territoire. 42 sénateurs l’ont signé. L’amendement de 2001 ne suffit plus » selon la sénatrice du Gard, qui « souhaite recréer le débat avec le gouvernement. Il faut une réelle concertation, une prise en compte des élus et de la biodiversité. On ne peut pas laisser les espaces dégradés, notamment les pistes incendie en forêt ».

En séance, François Bonhomme, sénateur LR du Tarn-et-Garonne, a des mots durs : « Comas éthyliques, atteintes sexuelles, dévastations des lieux, tel est le lot de ces raves organisées de façon illégales ».

« S’il n’y a pas de moment de défoulement, les sociétés ne peuvent pas marcher »

Si la majorité de droite du Sénat a adopté sans sourciller le texte, les élus de gauche n’ont pas caché leurs doutes voire leurs critiques. « Au sein du groupe PS, on n’est pas fana de ce texte. On considère qu’il y a des progrès par tâtonnement plutôt. C’est une question de confiance. Il y a une dimension répressive et sécuritaire. On n’est pas convaincu que ce soit nécessaire. Et ça peut faire plus de mal que de bien » souligne le sénateur PS de Saône-et-Loire, Jérôme Durain.

En séance, le sénateur PS met à nouveau en garde sur le texte et évoque… Laurent Garnier. « C’est aujourd’hui un ambassadeur de la musique française dans le monde et un chevalier de la Légion d’honneur. Nous devons trouver l’équilibre pour ne pas réprimer les Garnier de demain tout en assurant que les raves ne gênent pas plus de monde qu’elles n’en satisfassent » lance Jérôme Durain.

La sénatrice EELV Esther Benbassa va plus loin. « Bientôt on ne pourra rien faire, c’est le tout répressif ! » s’indigne la sénatrice de Paris, apparenté au groupe CRCE (communiste). Elle ajoute :

« La société a besoin de la fête. Et les raves, c’est comme le carnaval, un moment cathartique dont les êtres humains ont besoin. C’est une soupape de sécurité à garder dans la société pour circonscrire la violence. Sinon, s’il n’y a pas de moment de défoulement, les sociétés ne peuvent pas marcher ».

« C’est vrai, il y a des difficultés, il faut les encadrer, mais pas d’une manière aussi répressive » insiste Esther Benbassa, « on n’arrête pas d’avoir peur de tout. On veut une société lisse qui ne déborde pas. Mais plus on est en train de verrouiller, plus il y aura des débordements ».

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