Gel des cultures : une « Saint-Barthélemy de l’agriculture » pour le sénateur Sébastien Pla

Gel des cultures : une « Saint-Barthélemy de l’agriculture » pour le sénateur Sébastien Pla

Alors que les exploitations viticoles et arboricoles françaises ont connu cette semaine un épisode de gel catastrophique, les sénateurs attendent du gouvernement des mesures dans le temps long et demandent un « Grenelle de la viticulture ».
Public Sénat

Par Jules Fresard

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Ce sont des images qui ont fait le tour des réseaux sociaux. Celles de vignobles à la nuit tombée, parsemés de points lumineux orangés. En réalité des bougies en paraffines, utilisées pour réchauffer l’atmosphère et tenter tant bien que mal de lutter contre les températures négatives, causées par une vague de froid venue d’Europe du Nord, particulièrement forte dans la nuit du mercredi 7 avril. L’objectif est clair, tenter de sauver les plantations du gel, et accessoirement, les récoltes à venir.

Une perte de production de 40 %

Les premiers chiffres laissent entrevoir l’ampleur du désastre. « 75 % de la surface de l’Hérault a été gelée à 100 % », détaille Laurent Duplomb, sénateur LR de Haute-Loire et président du groupe d’études Agriculture et alimentation. Sébastien Pla, sénateur PS de l’Aude et lui-même viticulteur décrit ces soirées de gel comme « la Saint-Barthélemy de l’agriculture », avec des pertes s’orientant au niveau national à « 30 - 40 % de la production ».

Face à ce désastre, le ministre de l’agriculture Julien Denormandie a annoncé jeudi, la déclaration du régime de calamité agricole. Concrètement, les agriculteurs dont la situation aura été reconnue comme éligible au dispositif pourront recevoir une indemnisation en fonction de leurs pertes.

La nécessité d’une stratégie dans le temps long

« Bien sûr, c’est une première mesure, mais nous estimons qu’il faut une stratégie beaucoup plus globale », juge Nathalie Delattre, vice-présidente du Sénat et coprésidente de l’association des élus de la vigne et du vin. D’autant que selon Jean-Michel Arnaud, sénateur centriste des Hautes-Alpes et lui-même exploitant agricole, ce régime de calamité a déjà présenté ses limites dans le passé. « Il faut que le décalage du paiement de la calamité soit plus contrôlé. Lors du gel de 2017, les paiements sont arrivés en mars 2018 ».

Par stratégie plus globale, les sénateurs entendent d’abord prendre en compte l’intégralité des acteurs du secteur. « Il ne faut pas oublier la filière industrielle, avec les stations de conditionnements des matières premières. Il faut voir comment accompagner leurs salariés » juge Jean-Michel Arnaud. Le report des charges sociales et la transformation des prêts garantis par l’état, alloués durant la crise sanitaire, en subventions sont des pistes mentionnées par Sébastien Pla.

Dans le temps long, c’est un accompagnement plus fort du gouvernement auprès des vignerons qui est demandé. Nathalie Delattre souhaite un « Grenelle de la filière viticole », pour aider ce secteur qui connaît « de multiples crises structurelles et conjoncturelles », comme elle l’a mentionnée dans un courrier adressé jeudi 8 avril à Jean Castex. Transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement, crise de vocations – 400 000 agriculteurs vont partir à la retraite d’ici 2026 – mais également pertes importantes engendrées par la pandémie et la fermeture des bars et restaurants, l’épisode de gel de cette semaine est venu porter le coup de grâce à un secteur déjà bien mal au point. Jean Castex avait d’ailleurs promis en août 2020 80 millions d’euros d’aides supplémentaires à la filière.

Pour Sébastien Pla, il est nécessaire d’investir encore plus fort si l’État souhaite sauver le secteur viticole, qui pèse pour 700 000 emplois dans l’hexagone, avec un chiffre d’affaires à 55 milliards d’euros par an, « un des seuls secteurs qui permet de réduire le déséquilibre de la balance commerciale française » précise-t-il.

Avec cet épisode climatique, les sénateurs sont donc plus que jamais dans l’attente d’un vrai plan d’action pour aider la filière à se relever, dont certains espèrent que la déclaration de calamité agricole marque le début. « C’est une goutte d’eau, mais les fleuves commencent comme ça », glisse Nathalie Delattre.

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