GAFA : « Les algorithmes de recommandation amplifient les discours terroristes », prévient Gilles de Kerchove

GAFA : « Les algorithmes de recommandation amplifient les discours terroristes », prévient Gilles de Kerchove

Auditionné au Sénat, le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme alerte sur la généralisation du chiffrement des communications. La montée de l’extrême-droite violente et le salafisme ont aussi été au cœur de cette audition.  
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Par Héléna Berkaoui

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Dans un contexte marqué par plusieurs attentats sur le sol français, le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, a fait état de l’avancée du contre-terrorisme au niveau européen et de la coopération entre les États membres. 

Devant la commission des Affaires européennes, il a également alerté sur « la montée en puissance de la rhétorique d’extrême-droite violente » sur internet dont la plateforme privilégiée serait les jeux vidéo en ligne. « Il y a des groupes d'extrême-droite violents qui ont mis sur pied des jeux où le but est de tuer. C'est aussi intéressant de voir que la propagande de Daesh était très inspirée par les jeux vidéo », soulève-t-il. 

Généralisation du chiffrement : « Il ne sera plus possible de déterminer qui est derrière une adresse IP, ce qui est une catastrophe »

Généralisation du chiffrement : « C'est une catastrophe », affirme Gilles de Kerchove
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Par ailleurs, la généralisation du chiffrement des communications représente, selon lui, un enjeu primordial et encore mal pris en compte au niveau européen. « Je suis quand même frappé de voir que même les Américains commencent à être préoccupés par la généralisation du chiffrement », a-t-il indiqué. 

Le chiffrement est un procédé visant à rendre un message ou une communication illisible. Le danger réside, selon lui, dans le fait que cette confidentialité tendrait à limiter les politiques de lutte contre la pédopornographie ou le terrorisme. « Il ne sera plus possible de déterminer qui est derrière une adresse IP, ce qui est une catastrophe », s’alarme-t-il. À défaut de se faire entendre par les « géants absolus » d’internet, les Américains « ont pris le leadership d’une campagne internationale » qu’il faudrait rejoindre, selon Gilles de Kerchove. 

Le coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme estime aussi qu’il faudrait une meilleure législation européenne en la matière. Cela pourrait passer par le Digital service act, ce texte européen, en discussion, vise à réguler les contenus publiés sur les plateformes et les plateformes elles-mêmes. Mais Gilles de Kerchove regrette que, pour le moment, il soit seulement question de dialoguer avec les GAFA : « À mon avis ça ne suffira pas ». 

Le coordinateur a largement insisté sur le rôle des GAFA dont « les algorithmes des recommandations (...) amplifient les discours de haine et et les discours terroristes ». Avec ce système, « il n'y a pas de liberté d'expression. Ce sont certaines voix qui sont entendues. Trump, quand il twitte, il écrase les autres tweets, parce qu'il a 80 millions de gens qui le suivent ». 

« S’il y a de la radicalisation endogène, vous pouvez mettre un douanier tous les mètres, ça ne changera rien »

Très présente dans le débat public, la question migratoire a aussi été amenée. Gilles de Kerchove a rappelé que le pacte migratoire, en renégociation au niveau européen, prévoit « de généraliser aux frontières extérieures le type de contrôles qu’on appelle les hots spot et donc d’avoir un système de contrôle sécuritaire beaucoup plus renforcé ». Emmanuel Macron a, lui, récemment déclaré qu’il souhaitait une refondation de l’espace Schengen (lire ici). La question a aussi été abordée au Sénat lors de l’audition de la commissaire européenne chargée des affaires intérieures, Ylva Johansson, qui soutenait que le nouveau pacte migratoire européen amènerait à davantage d’expulsions d’étrangers irréguliers (lire ici)

Gilles de Kerchove a tout de même appelé à ne pas faire de la politique migratoire l’alpha et l’omega de la lutte contre le terrorisme. « Le Tchétchène qui a décapité Samuel Paty était en France depuis l’âge de 2 ans (...) il était Français, il a été éduqué en France donc c’est endogène. Oui, il y a une dimension de contrôle aux frontières extérieures et je suis très vigilant à cet égard mais s’il y a de la radicalisation endogène, vous pouvez mettre un douanier tous les mètres, ça ne changera rien », prévient-il. Et d’appuyer sur la nécessité d’un débat dépassionné : « On doit pouvoir être sereins, apporter des réponses sereines et ne pas tout résumer à l’équation migration terrorisme ou islam et terrorisme et c’est qui fait la difficulté de ce débat ». 

Sur le terrain du terrorisme islamiste, Gilles de Kerchove a détaillé ses missions auprès de l’Arabie saoudite. « J’ai entamé depuis un an un dialogue avec l’Arabie saoudite pour essayer de réduire le volume de contenus très problématiques », a-t-il expliqué en soulignant que les autorités saoudiennes étaient ouvertes à ce dialogue. Le salafisme, qui est historiquement minoritaire, est devenu dominant sur le marché religieux et donc je pense qu’il faut à la fois supprimer sur internet, dans les livres que vous trouvez dans les librairies, tout ce qui est problématique. Nous avons fait un effort pour identifier tout ce qui est problématique », a aussi indiqué le coordinateur.

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