Quelles leçons tirer de la gestion de la pandémie par la communauté internationale ? C’est la question que s’est posée, ce mercredi, la commission d’enquête d’évaluation des politiques publiques face aux pandémies, en se penchant particulièrement sur la situation en Corée du Sud et à Taïwan. Présidée par René-Paul Savary (en l’absence d’Alain Milon), la commission d’enquête a auditionné tour à tour les représentants français et ressortissants de ces deux Etats, pour tenter d’établir la feuille de route suivie par ces derniers, et la différence de méthode avec la France. Car, huit mois après le début de la pandémie de Covid-19, la Corée du Sud et Taïwan présentent tous deux un bilan du nombre de morts et de personnes placées en service de réanimation du fait de l’épidémie bien moins élevé que la France.
« Le premier cas confirmé a été rapporté au mois de janvier en Corée du Sud, mais la situation s’est dégradée fin février, avant que nous ne devenions le deuxième pays le plus contaminé après la Chine », relate l’ambassadeur de Corée du Sud en France Jong Moon Choi. « Le bilan s’élève aujourd’hui à 21 500 cas confirmés, et 342 décès dans un pays qui compte 50 millions d’habitants. » « Pour Taïwan, qui compte 24 millions d’habitants, le bilan en termes de morts s’élève à 7 personnes, et les hospitalisations à 13 », soutient, pour sa part, le représentant de Taïwan à la commission d’enquête Wu Chih-Chung. En France, les derniers chiffres Santé Publique France, ce mardi 8 septembre, comptabilisaient un total de 30 764 décès, et 2088 nouvelles hospitalisations sur les sept derniers jours, dont 358 en réanimation. Et, contrairement à la France, ni la Corée du Sud, ni Taïwan n’ont eu recours au confinement généralisé.
Une réaction rapide et l’absence de pénurie de masques
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Une différence de bilan qui s’explique par plusieurs éléments. D’abord, comme le précisent les intervenants, la Corée du Sud et Taïwan sont des pays qui ont déjà dû faire face, à plusieurs reprises, à des épidémies de grande ampleur depuis les années 2000, avec le SRAS en 2003, ou le virus H1N1 en 2009. « Un des atouts de la Corée du Sud a été l’existence antérieure d’une véritable structure d’état-major activée au moment de la crise, avec un plan d’escalade pré établi à cette occasion », analyse l’ambassadeur de France en République de Corée Philippe Lefort. « C’est un modèle militaire qui repose sur le renseignement, l’analyse, le commandement et les chefs d’exécution ». 430 personnes étaient mobilisées dans le cadre de cette procédure exceptionnelle, en période de pandémie. Un effectif plutôt réduit, mais suffisant selon les représentants coréens. « C’est ici une organisation, plus qu’une accumulation de moyens qui a prouvé son efficacité », résume Philippe Lefort.
À Taïwan, le constat est sensiblement le même. « Les leçons tirées des épidémies auxquelles nous avons eu à faire face dans le passé nous ont permis d’être efficaces, en activant le centre commandement central des épidémies dès le 20 janvier 2020, avec toutes les ressources du gouvernement, y compris la possibilité de mobiliser l’armée », résume Wu Chih-Chung. Autre atout de la République de Corée et de Taïwan : l’absence de pénurie de masques sur leur territoire pendant la crise sanitaire. « Nous avons acquis une indépendance rapide dans la production de masques, en réquisitionnant et supervisant dès le 31 janvier l’installation de 92 chaînes de production supplémentaires, pour passer d’une production quotidienne de 2 à 23 millions de masques », détaille Wu Chih-Chung.
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Autre aspect souligné : l’importante collaboration entre gouvernement et collectivités territoriales. « Dans cette crise, rien n’aurait été possible sans la collaboration des citoyens, et des collectivités territoriales », soutient Jong Moon Choi. Une collaboration conditionnée, selon lui, à une transparence de la part du gouvernement coréen. « Dans la lutte contre le virus, le mot-clé a été la transparence, qui a libéré la population. Les Coréens étaient informés au jour le jour par le gouvernement des dernières évolutions de l’épidémie », précise le diplomate.
Une politique de traçage et des confinements individuels sanctionnés en cas de non-respect
Mais l’un des principaux éléments de la gestion de crise des deux pays est le traçage, pour remonter la chaîne de contamination. « Une loi, votée en 2015, a permis de mettre en place un protocole d’urgence articulé autour des 3 T : Test, Traçage et Traitement », détaille Jong Moon Choi. « Nous avons d’abord facilité l’accès aux tests de dépistage, en mobilisant 600 centres privés pour permettre la tenue de 40 000 tests par jour. Les cas confirmés étaient ensuite étroitement suivis par le centre coréen de contrôle, qui avait accès à leurs déplacements, au moyen d’outils numériques variés, avec notamment un traçage GPS par les téléphones et cartes bancaires. » Des mesures largement soutenues par les Coréens, selon l’ambassadeur, qui précise que les informations étaient détruites après leur utilisation.
À Taïwan, une politique de traçage similaire a été mise en place, et les personnes contaminées par le virus se voyaient forcée d’effectuer une quatorzaine à l’isolement complet (sans possibilité de voir leur famille) et surveillées par un système de traçage GPS, sous peine de six mois de prison ferme assortis d’une amende de 30 000 euros. « Le bilan de Taïwan tient avant tout à l’anticipation. Traumatisée par l’épidémie de SRAS de 2003, la population était totalement confiante envers le gouvernement et s’est pliée aux règles », analyse le diplomate Jean-François Casabonne-Masonnave.