Les partenaires sociaux, réunis vendredi par le gouvernement pour apaiser la colère des gilets jaunes, se divisent sur les solutions à apporter, le principe d'une prime exceptionnelle volontaire versée par les entreprises étant jugé insuffisant par les syndicats.
Cinq ministres ont reçu les principales organisations patronales et syndicales, à l'exception de la CGT qui boycottait cette rencontre organisée au ministère du travail.
"Chacun a pu faire des propositions de court terme et de long terme dans cette grande négociation qui s'ouvre", s'est réjouie la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, entourée de Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires et Relations avec les collectivités), Élisabeth Borne (Transports), Julien Denormandie (Ville et Logement) et Emmanuelle Wargon (secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique).
L'unanimité n'est en effet pas encore de mise.
Les représentants syndicaux et patronaux qui ont pris la parole ont étalé leurs divergences sur la contribution que doivent apporter les entreprises à la sortie de crise. Symbole de cette différence de vue : la prime exceptionnelle versée aux salariés.
Le président du Medef, Geoffroy roux de Bézieux fait une déclaration à la presse après une réunion au ministère du Travail, le 7 décembre 2018 à Paris
AFP
La prime défiscalisée est une "bonne idée" pour le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux qui précise que dans les secteurs "où ça va bien on pourra faire un geste".
Il a aussi affirmé être "prêt à une concertation avec les collectivités territoriales pour aider les cinq millions de salariés qui ne sont pas couverts par une prime transport".
Mais le patronat souhaite que le versement de la prime exceptionnelle soit laissé à la discrétion des employeurs. "Le caractère volontaire est essentiel parce que malheureusement la situation des entreprises ne permet pas de la généraliser", a expliqué Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, de la CPME (confédération des PME).
Or pour Laurent Berger, de la CFDT, cette prime doit être "obligatoire".
- "Toujours plus" -
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, fait une déclaration à la presse à l'issue d'une réunion au ministère du Travail, le 7 décembre 2018 à Paris
AFP
En chœur, les syndicats des travailleurs ont en outre souligné le caractère de court-terme de la prime défiscalisée. "C'est une des solutions mais c'est du +one-shot+, ce n'est pas une solution structurelle", a dit Laurent Berger.
Son syndicat a appelé à "des mesures de soutien aux bas salaires". Yves Veyrier, du syndicat FO, lui a emboîté le pas, arguant que cette prime "ne peut pas être la réponse à la question des salaires" et demandant "une hausse du SMIC et du point d'indice de la fonction publique".
La CGT n'était pas présente à la réunion mais son secrétaire général Philippe Martinez, interrogé par Le Monde, a fustigé le principe de la prime: "Défiscaliser, c'est supprimer des cotisations sociales. Ça intéresse beaucoup le Medef, qui redemande toujours plus d'allègements de prélèvements", a-t-il estimé. Pour Laurent Berger, "les entreprises ne pourront pas s'exonérer de leurs responsabilités".
Plus tôt vendredi, au micro de France Inter, Geoffroy Roux de Bézieux a estimé que les entreprises étaient en train de devenir "le bouc émissaire d'une révolte fiscale".
Les mêmes représentants se retrouveront mardi prochain à 11H30, avec en outre les associations d'élus - reçues vendredi après-midi par Jacqueline Gourault - pour "arrêter le calendrier et la méthode" de cette concertation, qui se déroulera parallèlement aux débats territoriaux, a ajouté Mme Pénicaud. Ces réunions pourraient ensuite s'enchaîner à raison de deux par semaine, selon un syndicaliste.
Par ricochet, cette concertation pourrait amener à repousser la négociation en cours sur l'assurance chômage.
"Il faut temporiser sur l'assurance chômage et ne pas y aller dans la précipitation", a jugé Philippe Louis (CFTC).
Selon lui, la séance de négociations du 11 décembre sera probablement annulée et la fin des négociations fixée au 25 janvier pourrait être repoussée de quelques semaines.
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.
Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.
Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.
Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude plane sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semble vouloir garder ses distances.