« Gilets jaunes » : Philippe confirme un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants

« Gilets jaunes » : Philippe confirme un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants

Le Premier ministre s'apprête à annoncer un ensemble de mesures en plus du moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants qu'il a confirmé mardi, un geste réclamé de toutes parts pour tenter de sortir de la crise des "gilets jaunes" mais déjà qualifié d'insuffisant.
Public Sénat

Par AFP

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

« On doit apaiser la situation pour éviter qu'elle dégénère », a déclaré Édouard Philippe mardi matin devant le groupe LREM et MoDem à l'Assemblée nationale, ont rapporté à l'AFP des participants à la réunion.

« Il faut donner aux Français une raison de revenir à la raison », a-t-il justifié, tout en estimant que « le moratoire ne remettra pas en cause l'ambition de la transition écologique ». « Une taxe, ce n'est pas une réforme, mais un moyen de la réforme », a-t-il plaidé.

« Ce que nous vivons aujourd'hui, (...) c'est un moment important et primordial au cours d'un quinquennat », a aussi estimé le chef du gouvernement.

Matignon a précisé dans le même temps qu'il ferait une déclaration télévisée à la mi-journée. La suspension pendant plusieurs mois de la hausse des taxes sur les carburants au 1er janvier, actée lundi soir à l'Élysée lors d'une réunion de crise avec plusieurs ministres présidée par Emmanuel Macron, devrait être assortie d'autres mesures.

Des syndicats comme la CFDT ou FO, mais aussi des députés LREM, poussent notamment pour une prime transport, sous des formes diverses. La fronde des « gilets jaunes » a également relancé le débat autour d'une possible négociation sur les salaires, un coup de pouce au Smic ou une mise à contribution du patronat.

Selon un ministre, les employeurs doivent « assumer leur part ». Le Medef, lui, plaide en particulier pour de nouvelles indemnités kilométriques et une hausse du Smic conditionnée à une baisse des cotisations.

Après son intervention télévisée, Édouard Philippe doit s'exprimer lors de la séance de questions au gouvernement, avant un débat mercredi après-midi à l'Assemblée, suivi d'un vote des députés qui n'engagera pas la responsabilité du gouvernement, et jeudi au Sénat.

Matignon a annulé sans surprise la réunion avec des « gilets jaunes » prévue mardi après-midi.

- « La baguette au complet » -

Mais en attendant l'annonce des autres mesures, l'opposition et des représentants des "gilets jaunes" ont jugé ce moratoire insuffisant et trop tardif.

Benjamin Cauchy, une des figures du mouvement, a salué une « première étape ». Mais « les Français ne veulent pas des miettes, ils veulent la baguette au complet », a-t-il déclaré à l'AFP en réclamant des « états généraux de la fiscalité » et l'instauration de « référendums réguliers sur les grands enjeux sociétaux ».

Le moratoire est « une cacahuète », a estimé pour sa part Christophe Chalençon (BIEN : Christophe Claneçon), figure du mouvement dans le Vaucluse.

« Les Français demandent une annulation », a jugé le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau. « Si ça se limite à cela, (c'est) trop tard, trop peu », a déclaré la présidente du RN Marine Le Pen à l'AFP.

« Mieux vaut tard que jamais » mais il faut aussi un coup de pouce au Smic, a réagi Ségolène Royal, ancienne ministre socialiste de l'Écologie.

Face à l'urgence de la situation, Emmanuel Macron a reporté sa visite officielle en Serbie prévue mercredi, et le Premier ministre avait reçu lundi les chefs des formations politiques représentées au Parlement. À l'exception d'Europe Écologie-Les Verts et de Génération Écologie, toute l'opposition avait plaidé pour un « moratoire » dans la hausse prévue le 1er janvier des taxes sur le carburant, mot d'ordre initial du mouvement des « gilets jaunes » dont la dernière manifestation samedi a donné lieu à de nombreuses scènes de guérilla urbaine.

- Impact « sévère » -

Parmi les membres historiques les plus connus des « gilets jaunes », Éric Drouet a appelé à l'intensification du mouvement de contestation lors de nouvelles manifestations samedi prochain.

La gestion de l'ordre public est également au centre du débat politique. Déjà entendus lundi soir à l'Assemblée, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'État Laurent Nuñez s'en expliqueront mardi après-midi devant le Sénat.

Sur le terrain, les dépôts pétroliers de Brest et Lorient restent paralysés mardi matin, provoquant des ruptures de carburants dans certaines stations-service du Finistère et du Morbihan.

Dans le sillage de la contestation des « gilets jaunes », plusieurs dizaines de lycées sont également toujours perturbés mardi, dans la poursuite d'un mouvement commencé la veille dans 188 établissements.

Des incidents ont à nouveau éclaté devant des lycées de la région parisienne, et Marseille reste particulièrement touchée : sur 21 établissements perturbés, dix étaient en blocage total, selon le ministère de l'Éducation.

Cinq personnes ont été interpellées mardi, en lien avec le saccage il y a deux semaines d'un péage sur l'A10 à Virsac (Gironde).

Enfin, selon Bercy, les deux premières semaines d'actions des "gilets jaunes" ont déjà un impact « sévère et continu » sur l'économie.

Sur le plan judiciaire, au moins 57 personnes ont comparu lundi à Paris. Ils font partie des 139 suspects majeurs qui ont déjà été déférés au parquet de Paris, après les violences et les dégradations de samedi. Au total, ce week-end, les violences ont donné lieu au chiffre record de 363 gardes à vue, dont 32 pour des mineurs, selon un nouveau bilan du parquet de Paris.

 

Dans la même thématique

Blois: Olivier Faure arrives at PS summer universities
7min

Politique

Après la nomination de Michel Barnier, les secousses continuent au PS

Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.

Le

Paris : Michel Barnier a l hopital Necker
12min

Politique

Quels ministres au gouvernement ? Michel Barnier face au « casse-tête » des nominations

Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.

Le

14th day of action against pension reform
5min

Politique

Réforme des retraites : face aux demandes d’abrogation, Michel Barnier joue la carte de l’« amélioration »

Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.

Le

Paris: Passation Gabriel Attal et nouveau Premier Ministre Michel Barnier
4min

Politique

Après une journée de flottement, Michel Barnier finalement présent aux journées parlementaires d’Horizons et d’Ensemble pour la République

Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.

Le