Glyphosate : « erreur » ou « propos mal compris », les propos de Pierre Médevielle font réagir au Sénat

Glyphosate : « erreur » ou « propos mal compris », les propos de Pierre Médevielle font réagir au Sénat

Timing malheureux, erreur sur le fond ou mauvais procès ? Les avis divergent au Sénat après l’interview polémique du sénateur centriste Pierre Médevielle sur le glyphosate et sa classification par les agences sanitaires.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Adrien Develay)

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On n’a pas le souvenir qu’un rapport de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) ait autant fait couler d’encre, avant sa publication. Sur un sujet qui n’était d’ailleurs pas la raison d’être de cette publication. L’interview qu’a donnée ce week-end le sénateur (union centriste) Pierre Médevielle au quotidien La Dépêche du Midi n’est pas passée inaperçue dans les médias. Au Sénat, non plus.

Dans ses réponses, le parlementaire de Haute-Garonne s’est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet sensible du glyphosate, cette substance chimique servant d’herbicide. « À la question : Le glyphosate est-il cancérogène, la réponse est non ! Il est moins cancérogène que la charcuterie ou la viande rouge qui ne sont pas interdites. » L’impact médiatique (relire notre article) était suffisamment palpable pour que l’OPECST sorte du bois, en indiquant que le rapport (dévoilé le 16 mai) ne se prononce pas sur la toxicité. Et surtout, qu’il se focalise sur le travail des agences sanitaires chargées d’évaluer la dangerosité des substances mises sur le marché. Le glyphosate n’était qu’un point d’accroche parmi d’autre.

« Une erreur »

« On me fait un faux procès », s’est défendu ce lundi sur Public Sénat, Pierre Médevielle, accusant La Dépêche du Midi de « malhonnêteté ». Sur la base de son enregistrement, le journaliste en question a témoigné de sa bonne foi, en précisant que le sénateur s’était engagé « spontanément » sur le terrain du glyphosate.

Au Sénat, les réactions des collègues de Pierre Médevielle oscillent entre l’incompréhension, des marques de soutien ou encore la gêne. Lorsqu’ils ont un avis, beaucoup relèvent une forme de maladresse. « C’est une erreur », lâche un président LR de commission. « C’est un ami, mais là, ce n’est pas possible », reconnaît un peu gêné, l’un de ses collègues du groupe Union centriste que nous avons rencontré.

« Je pense qu’il a été mal compris »

Suivant les couleurs politiques, les avis sont mitigés chez les sénateurs qui siègent, comme Pierre Médevielle, au sein de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques. « Cela décrédibilise l’OPECST », soupire l’écologiste Bernard Jomier, apparenté au groupe socialiste. Deux collègues de son groupe ont d’ailleurs dénoncé les propos de Pierre Médevielle dans des communiqués. « C’est un ancien pharmacien, je pense qu’il n’a pas tort d’annoncer les choses qui sont vraiment étudiées », soutient en revanche Jean-Marie Janssens, un autre centriste, qui a décidé de lui apporter sa « confiance ». « C’est un mec qui travaille beaucoup, dans le vrai sens, pour la santé des hommes et des femmes de notre France », témoigne-t-il. La seule chose qui constitue un « trouble » vis-à-vis du public sur la question du glyphosate, selon lui, ce sont déclarations qui ne « vont pas dans le même sens ».

Glyphosate : Pierre Médevielle "travaille beaucoup pour la santé" des Français, selon Jean-Marie Janssens
01:07

Michel Raison (LR), vient aussi au secours de Pierre Médevielle, sur ce sujet devenu « hypersensible ». « Je pense qu’il a été mal compris, ou une interprétation a été faite. Moi, je prends sa défense sans aucun état d’âme. C’est un sénateur de qualité et très équilibré », appuie l’élu de Haute-Saône. « Il s’est sûrement exprimé un peu maladroitement. » Cet agriculteur de profession, rappelant que « les scientifiques ne sont pas tous d’accord entre eux », affirme que « souvent » la « matière active » que représente le glyphosate est « confondue » avec les adjuvants présents dans la composition, qui peuvent être « plus ou moins perturbateurs ».

Glyphosate : Pierre Médevielle « a été mal compris », selon Michel Raison
02:31

Quand les sénateurs évoquent la condamnation record de Monsanto

« Je ne sais pas bien pourquoi il a pris cette position personnelle, à quelques jours de la remise d’un rapport, qui ne porte pas sur la dangerosité du glyphosate. Et généralement, on ne s’exprime pas individuellement avant qu’un rapport soit remis collectivement », désapprouve le communiste Fabien Gay. « La remise du rapport, jeudi, est un peu bouleversée, ça certainement. »

Glyphosate : Fabien Gay ne "comprend pas" les propos de Pierre Médieville
01:25

Comme le sénateur PCF de Seine-Saint-Denis, l’écologiste Ronan Dantec (qui siège avec les radicaux du RDSE) s’interroge sur le fond des déclarations, alors que la justice américaine vient de condamner Monsanto à verser deux milliards de dollars à un couple californien, atteint d’un cancer après avoir utilisé le désherbant Roundup. « Je ne vois pas la justice américaine condamner sans aucune preuve », fait valoir le sénateur de Loire-Atlantique, après « l’échange malheureux » de Pierre Médevielle. Et d’appeler à ne « pas mélanger » les choses sur ce rapport, qui porte sur le fonctionnement des agences sanitaires. « Je pense qu’il va y avoir une explication entre les membres de l’OPECST », s’avance-t-il.

Glyphosate : « Je ne vois pas la justice américaine condamner sans aucune preuve », déclare Ronan Dantec
02:06

Le verdict américain revient aussi dans la bouche de François Grosdidier, sénateur de la majorité du Sénat. « Les décisions tombent pour indemniser très fortement les agriculteurs qui souffrent du cancer, du fait de l’utilisation du glyphosate ». Déplorant des « mauvais arguments », avec la référence à la charcuterie, voire des « jugements à l’emporte-pièce », le sénateur LR de Moselle, appelle à aborder le débat de façon « dépassionnée », à droite comme à gauche. « Il faut qu’on le prenne de façon objective, avec le sens des nuances et de la relativité qu’exige ce type de dossier ? Ce n’est pas ce que j’ai retrouvé dans les déclarations de notre collègue », regrette-t-il.

Glyphosate : "On a permanence des arguments d'assez mauvaise foi", regrette François Grosdidier
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Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.

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