Grand débat national : « La ruée vers l’ouest » de Simon Barbarit

Grand débat national : « La ruée vers l’ouest » de Simon Barbarit

Pendant plusieurs jours, notre reporter, Simon Barbarit a parcouru le département du Maine-et-Loire et des Deux-Sèvres. Muni d’un smartphone, il a recueilli le sentiment des habitants de ces deux départements ruraux au sujet du grand débat national, du lien avec les élus, des gilets jaunes, de la transition écologique… Reportage. 
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Grand débat national à Vivy : « On a l’impression que les élus sont impuissants »

#granddebatnational à Vivy
02:57

Lundi 11 février, première étape à Vivy, dans cette commune de 2 500 habitants à 8 km de Saumur, le débat est organisé par le député LR du Maine-et-Loire, Jean-Charles Taugourdeau.

Pour ce grand débat national qui arrivera à son terme le 15 mars, l’exécutif a invité les Français à échanger sur quatre thèmes : la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté, et l’organisation de l’État et des services publics.

À peine quelques minutes après le début des discussions et premier constat : le plan de travail du gouvernement n’est pas suivi. « C’est parole libre » confirme Jean-Charles Taugourdeau.

« On ne se rend pas toujours compte des conséquences de son vote »

Ce qui semble le plus intéresser les participants concerne le fonctionnement des institutions et le travail parlementaire en particulier. « Pourquoi on ne fait pas en sorte que le vote blanc soit reconnu ? » « Pourquoi on ne met pas en place la proportionnelle ? » « Pourquoi on ne fait pas le bilan d’une loi une fois qu’elle est votée » ? « Pourquoi vous votez comme un mouton ? » Le député reconnaît lui-même : « On ne se rend pas toujours compte des conséquences de son vote »

Un mea culpa qui « choque » Valérie, responsable d’une agence de portage de repas à domicile. « On a l’impression que les élus sont impuissants ».

La crise des gilets jaunes a évidemment été partie prenante des débats. Beaucoup les soutiennent dans la salle. Mais certains s’interrogent aussi sur l’attitude des forces de l’ordre lors des manifestations. « Pourquoi la BAC n’intervient pas quand les casseurs sont là ? (…) Tout ça n’est pas très clair (…) la thèse du complot, c’est sur Internet mais peut-être que ce n’est pas complètement faux tout ça » s’interroge Samuel, un fonctionnaire d’une trentaine d’années.

Parthenay dans les Deux-Sèvres : les éleveurs se sentent « montrés du doigt »

Grand débat : les éleveurs ont l’impression « d’être montrés du doigt »
02:39

Mardi 12 février, deuxième étape à Parthenay dans les Deux-Sèvres où se tient chaque semaine un marché aux bestiaux.

Pas de débat organisé ce jour-là, mais une vente à la criée de bovins sur le marché aux bestiaux, longtemps l’un des plus importants de France. 12 000 animaux y ont été commercialisés l’année dernière, une vache se vend entre 600 et 2 000 euros.

En cette journée d’hiver ensoleillé, l’ambiance est quelque peu morose. À peine 200 bovins dans les enclos et le sentiment que le travail ne paie plus. « Les cours de viande sont les mêmes qu’il y a 25 ans. Ça devient de plus en plus difficile pour les éleveurs (…) À mon avis les cours sont à 15 à 20% trop bas » estime Denis Coudreau, éleveur et président du marché de Parthenay.

« Les gens nous regardent d’un drôle d’air. Comme si on maltraitait les bêtes »

Mais ce qui inquiète principalement les éleveurs, ce sont les récentes polémiques autour de la maltraitance animale ou encore les récentes actions d’extrémistes vegan. « On est montré du doigt. Les gens nous regardent d’un drôle d’air. Comme si on maltraitait les bêtes » se désole Guillaume, un jeune commerçant en bestiaux. 

Grand débat national à Niort : entre « mascarade » et « excellent débat démocratique »

Grand débat national à Niort : entre « mascarade » et « excellent débat démocratique »
02:56

Mercredi 13 février, pour la troisième étape de ce reportage, direction le « grand » débat organisé par le département, à Niort, le chef-lieu des Deux-Sèvres où 400 personnes sont présentes.

Procédure d’inscription sur Internet, contrôle de sécurité à l’entrée d’un vaste hall, où les participants peuvent prendre place sur les trois tribunes qui encadrent les animateurs de la soirée, le président LR du conseil départemental, pensait avoir bien fait les choses.

Le premier thème sur « l’organisation administrative » peine à susciter l’intérêt. « Je pense que la priorité, ce n’est pas l’organisation de l’État, c’est de répondre à la souffrance des gens (…) c’est bien qu’on essaye de discuter sur les strates, sur les échelons… Moi, ce n’est pas ce qui m’intéresse » clame un retraité sous les applaudissements d’une partie de la salle.

« Le RIC va remettre en cause la démocratie »

Le thème de la « dématérialisation des services publics ne récolte pas un franc succès non plus. Une dame en profite pour critiquer l’organisation de la soirée. « S’inscrire sur Internet, c’est trop lourd. Mon ami n’a pas pu venir car il n’a pas d’ordinateur ». « La dématérialisation, c’est le sens de l’Histoire » lui répond un homme d’une trentaine d’années. « Il faut aussi que tout le monde se prenne en main » embraye une participante. Difficile pour les participants de suivre le fil des thèmes imposés.

Christian poursuit sur les bienfaits du RIC « parce que les députés français ne vont pas voter les lois. Le président de l’Assemblée nationale organise les votes en fonction des députés présents ». Pour Raymond, le « RIC va remettre en cause la démocratie en revenant sur certains acquis comme le mariage pour tous ou l’interdiction de la peine de mort ».

« Si vous ne respectez pas de débat démocratique. C’est un vrai problème »

La salle est divisée sur la légitimité et l’intérêt du débat. « Une mascarade » pour les uns, un « excellent exercice démocratique » pour les autres. La question des gilets jaunes aura également ponctué les discussions, jusqu’à l’énervement. « Il faut arrêter les violences ça suffit ! » demande un retraité. « Je vote et je suis contre la violence » lui répond (sans être autorisé à prendre la parole) Phil avant de se faire vertement rappeler à l’ordre par l’animateur de la soirée Marc Lomazzi. « Si vous ne respectez pas de débat démocratique. C’est un vrai problème. Vous avez énormément parlé » lui rappelle-t-il (voir la vidéo). « Et bien, c’était le moment le plus animé de la soirée » conclut le politologue Rémi Lefebvre.

Grand débat national à Airvault : entre fracture territoriale et fracture générationnelle

Grand débat national à Airvault : entre fracture territoriale et fracture générationnelle
02:14

Dernière étape à Airvault dans le nord des Deux-Sèvres, où le député LREM Jean-Marie Fiévet a choisi d’appliquer à la lettre les consignes du gouvernement.

« La règle est claire. Nous ne parlerons pas de problèmes locaux. Ce n’est pas le but du grand débat ». Les participants devront débattre tour à tour de l’organisation de l’État, de la transition écologique ou encore de fiscalité. De quoi échauder d’emblée certaines personnes comme Jean-Philippe, retraité, qui décide de quitter la petite salle du centre communal d’action sociale au bout d’une heure. « On en revient toujours à des sujets trop personnels (…) Autour d’ici, on a des usines très dangereuses. Et on ne sait pas. On n’y connaît absolument rien en écologie ».

Dans un département très rural comme les Deux-Sèvres, la fracture territoriale prend de nombreuses formes (numérique, transports, santé). « Si on veut se déplacer. Si on veut prendre un train. Si on veut prendre un avion, c’est infernal. Il faut prendre sa voiture. J’arrive de Paris aujourd’hui. C’est 4 heures » se désole un retraité.

Échanges tendus au sujet des gilets jaunes

Comme à chaque débat, les retraités sont surreprésentés. Ce jeudi soir, à Airvault, trois personnes avaient moins de 30 ans. Une fracture générationnelle qui s’est ressentie au moment d’aborder les manifestations des gilets jaunes. « À partir du moment, où il y en a qui sont là pour casser, les flics, ils se défendent, c’est tout » résume un retraité qui a manifesté à Paris il y a quelques semaines aux côtés des foulards rouges. Une jeune journaliste, Éliane, « ne comprend pas qu’on minimise les violences policières ». Pour la première fois de la soirée, le député est obligé d’élever la voix pour ramener le calme. « Franchement, je ne reviendrai plus dans un débat. Je me suis sentie très seule » confie Éliane.

 

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