Alors que le gouvernement s’apprête à tomber, chacun réfléchit à la suite. A droite, « le nom de François Baroin recircule », glisse le sénateur LR Roger Karoutchi. Au PS, on tend la main. « Nous sommes à la disposition du président de la République », avance Patrick Kanner, à la tête du groupe PS du Sénat. Pour le centriste Hervé Marseille, il faut « trouver une plateforme d’action, comme disent les socialistes, de non censurabilité, pour essayer de trouver un accord ». Les grandes manœuvres ont commencé.
Guerre de haute-intensité : la France a-t-elle suffisamment de munitions ?
Par Louis Dubar
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Lors du débat du 2 mars organisé sur l’Ukraine au Sénat, Christian Cambon, le président LR de la commission des Affaires étrangères et de la Défense s’est inquiété des faibles stocks de l’armée française en cas de conflit de haute-intensité et demande au gouvernement « d’aller plus loin » en plaidant en faveur d’efforts budgétaires importants pour « augmenter les stocks de munitions. « Tout dépendrait en fait de la durée d’un conflit. Au bout de 15 jours, on commencerait à avoir de vraies difficultés, peut-être avant sur certains équipements », alerte Christian Cambon. Plusieurs parlementaires ont adressé le 19 mars un courrier commun à la ministre des Armées, Florence Parly, assurant que l’armée manquerait de munitions après quatre jours de conflit de haute-intensité.
Le porte-parole du ministère des Armées, Hervé Grandjean, a répondu dans un Thread Twitter aux préoccupations sur l’état des stocks de munitions françaises et assure que les soldats français sont en capacité d’accomplir leur mission. Selon lui, des « efforts massifs » en termes d’investissements ont été réalisés sous le quinquennat Macron pour permettre aux forces militaires françaises « de défendre les intérêts nationaux, quel que soit le type de conflit, de basse ou de haute intensité. » La Loi Programmation Militaire porte à 7 milliards d’euros les dépenses allouées aux munitions sur la période 2019-2025.
Pour le député, Jean-Louis Thiériot, auteur d’un rapport d’information sur la préparation à la haute intensité, la situation « est effectivement critique mais pas à ce point. » Selon le membre de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, « il existe une vraie tension sur les munitions, les 7 milliards alloués sont clairement insuffisants.
Stocker pour se préparer à la haute-intensité
Pour Raphaël Briant, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, il est difficile d’estimer le nombre de jours avant que l’armée française soit à court de missiles, d’obus et de cartouches. « C’est l’intensité des combats entre les deux belligérants qui dicte la consommation en munitions des unités militaires engagées dans le conflit. Dans une guerre, il y a des moments avec une forte intensité lors des phases d’offensive, mais il existe également des moments de pause opérationnelle », souligne l’ancien pilote de chasse. Selon lui, la France doit être en mesure « de répondre à l’intensité des premiers jours du conflit, moment où les combats sont particulièrement intenses. Cette période verrait une consommation importante de missiles et des munitions dites ‘complexes’. » Ces munitions correspondent à des « armes technologiques de ‘haut du spectre’ permettant de frapper en profondeur l’ennemi et d’assurer une supériorité opérationnelle. » Il s’agit de torpilles, de missiles de croisière, de missiles air-air et sol-air. Ces munitions sont onéreuses et nécessitent un entretien régulier limitant ainsi les stocks.
Dans le contexte d’un conflit de ‘haute-intensité’, tout l’enjeu est de disposer de stocks de munitions suffisants pour affronter « l’intensité des premiers jours de combat et assoir son ascendant opérationnel sur l’adversaire. » La France devra également satisfaire les besoins de son armée sur le long terme en transformant un appareil productif « structuré autour d’une logique de flux » aux exigences de la guerre. « L’idée est de raccourcir les chaînes de valeur, en ouvrant de nouvelles lignes de montage dans les usines mais tout cela prend du temps. » En cas d’engagement, les contrats opérationnels de l’armée tablent sur une montée en puissance de six mois. « Ces six mois sont-ils véritablement crédibles ? Pas sûr, quand on voit l’intensité des combats en Ukraine. » L’Etat pourrait en plus des stocks de munitions créer en amont des lieux de stockage pour des explosifs facilitant la production des munitions, « mais tout cela coûte très cher. »
L’intervention en Libye, révélateur des faiblesses françaises
La campagne aérienne menée par l’armée française en Libye en 2011 a été « une réelle prise de conscience » pour les états-majors quant aux capacités munitionnaires de l’armée. En 30 jours de campagne, les Rafale et les Mirage de l’armée de l’air ont largué plus de 6 000 bombes sur les troupes de Mouammar Kadhafi. « L’opération Harmattan en Libye en 2011 a mis sous tension les chaînes logistiques des forces armées. La France a fait appel au cours du conflit à la solidarité interalliée. Les Américains ont abondé en munitions les armées européennes engagées. On s’est aperçu à la suite de cet engagement qu’on devait renforcer notre autonomie », souligne le chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, Raphaël Briant. Une réflexion s’est engagée autour « de la rationalisation dans l’utilisation des munitions et de l’optimisation des chaînes de valeur. » Créé en mars 2011, le service interarmées des munitions (SIMU) répond à cette logique, « de mettre à disposition des forces, en tous lieux, et en tout temps, des munitions de toutes natures, et en quantité et en qualité requises. »
Un appareil industriel national, complet et souverain
La France dispose d’une « filière munitions complète » qui permet au pays d’assurer une souveraineté stratégique et une autonomie opérationnelle. « Les industriels ont maintenu un savoir-faire dans de nombreux domaines. » Les sous-marins et les bâtiments de la Marine Nationale sont équipés de torpilles produites le groupe l’industriel français Naval Group. Les obus utilisés par l’armée de Terre proviennent de l’entreprise Nexter, les roquettes du groupe Thalès et les bombes du groupe et MBDA. « Toutefois, la France ne dispose plus d’une industrie de munitions de petits calibres. Nous avons diversifié nos approvisionnements auprès de cinq fournisseurs étrangers nous assurant une continuité des chaînes d’approvisionnement en cas de conflit », détaille Raphaël Briant.
Toujours en cas de conflit militaire avec un autre Etat, la France pourra également compter sur les dispositifs mis en place au niveau de l’OTAN. L’Agence de Soutien et d’Acquisition (NSPA) offre des solutions de mutualisation. Les pays membres peuvent également « réaliser des achats en commun permettant de réaliser des économies d’échelle tout en faisant baisser le prix à l’unité de certaines munitions. »