Habitat indigne : « La copropriété dégradée, c’est le dernier accueil avant la rue »

Habitat indigne : « La copropriété dégradée, c’est le dernier accueil avant la rue »

Ce mardi, la mission d’information sénatoriale pour la lutte contre la précarisation et la paupérisation auditionnait plusieurs représentants de l’habitat. L’occasion de rappeler la situation du logement en France, notamment celle de l’habitat privé, particulièrement dégradé.
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Par Laurelène Vion

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Les chiffres sont éloquents et les idées reçues nombreuses. Non, les plus précaires n’habitent pas en majorité dans les logements sociaux. Pour cause, près de 65 % des ménages qui sont sous le seuil de pauvreté (soit 3 millions de personnes) sont des locataires à 56 % du parc privé. Non, la précarité ne touche pas seulement les locataires même s’ils sont qualifiés de « pauvres parmi les pauvres » : 80 % des ménages en situation de précarité énergétique sont pour deux tiers des propriétaires et pour un tiers des locataires du parc privé. L’habitat dégradé n’est pas non plus une situation unique et isolée : 400 000 à 600 000 logements sont considérés comme étant indignes en France et 1,2 million de logements se trouvent dans une copropriété fragile. Ce sont les constats déplorés par Valérie Mancret Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Une course contre la montre pour éviter de plonger dans la précarité

Des situations comme celle de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne dans le quartier de Noailles à Marseille pourraient ainsi se reproduire en d’autres places et lieux si l’Etat n’intervient pas rapidement. Nicolas Binet, ancien directeur de Marseille rénovation urbaine, parle même d’une « course de vitesse engagée entre les dérives et dégradations financières et sociales des ensembles » et la « capacité un peu laborieuse à mettre en place les dispositifs ». Le temps est donc compté face à une précarisation de plus en plus prégnante, qui devient « un parc refuge pour des gens qui n’arrivent pas à se loger ailleurs », selon Joëlle Boneu, directrice générale adjointe de l’Établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF). Elle ajoute qu’« il ne faut absolument pas perdre de temps » car « dès que vous avez deux mois d’impayés de charges, c’est presque trop tard », le « cycle d’endettement » n’étant plus très loin.

Triste réalité, qui amène Nicolas Binet à parler de « pelleteuse » pour pouvoir remédier à la situation. On pourrait même parler de fatalité lorsque l’on écoute Valérie Mancret-Taylor, qui se résigne à affirmer qu’« on aura toujours de l’habitat indigne » et que « la copropriété dégradée, c’est le dernier accueil avant la rue ».

Un « rôle de la puissance publique » car les « copropriétés n’ont pas été traitées »

Peut-on désigner des responsables ? Pas si facile au regard de la multiplicité des intervenants. Les représentants de l’habitat auditionnés pointent du doigt les syndics, qui manquent de transparence et de réactivité lorsqu’il s’agit d’impayés de charges, mais aussi celle de l’Etat, qui impose des procédures « extrêmement longues, incertaines, parfois surprenantes » qui « désespèrent les collectivités ». Pour exemple, une procédure de surendettement efface certaines dettes pour les débiteurs, qui restent néanmoins à payer par les autres propriétaires car, malheureusement, « les impayés de charge ne s’effacent pas », comme le rappelle Joëlle Boneu, directrice générale adjointe de l’EPFIF.

Pas de « formule magique », mais certaines solutions

« Réintégrer ces locataires dans un parcours résidentiel sain, c’est un des gros enjeux que nous avons devant nous » affirme Joëlle Boneu. La solution semble donc se trouver non pas dans « une formule magique », mais dans le transfert des habitats dégradés aux bailleurs sociaux pour leur redressement, ou, en dernier recours, dans la démolition. Nicolas Binet précise que l’on résoudra ce problème par « un projet urbain », qui ciblerait « l’habitat, l’espace public, l’accompagnement social et la gestion urbaine de proximité ».

Aussi, les syndics doivent impliquer les « bailleurs sociaux, qui auraient plus de réflexes que des syndics classiques en termes de gestion de propriété ». Nicolas Binet signale qu’« avec des syndics compétents, motivés, disponibles et payés », tout est possible.

Un des points essentiels soulevé par les intervenants est celui du financement. Les engagements financiers de l’Etat doivent se faire « à long terme » pour une « mise en sécurité » des bâtiments, selon Valérie Mancret Taylor, directrice générale de l’ANAH. Si l’Etat n’apporte pas son soutien financier d’urgence, le risque est celui « de ne pas pouvoir reloger les familles ». Ainsi, c’est l’Etat qui doit permettre aux collectivités d’agir à travers l’octroi d’aides financières, sans quoi « il ne peut rien se passer dans ces copropriétés ». La question du relogement est donc le point majeur.

 

 

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