Hauts fonctionnaires : que les (très) gros salaires lèvent le doigt
Invités de l’émission « On va plus loin », le grand reporter Vincent Jauvert et la directrice générale de l’association des anciens élèves de Sciences Po, Anne-Sophie Beauvais, débattent du pouvoir de certains hauts fonctionnaires français.

Hauts fonctionnaires : que les (très) gros salaires lèvent le doigt

Invités de l’émission « On va plus loin », le grand reporter Vincent Jauvert et la directrice générale de l’association des anciens élèves de Sciences Po, Anne-Sophie Beauvais, débattent du pouvoir de certains hauts fonctionnaires français.
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Avec son livre « Les intouchables de l’État. Bienvenue en Macronie » (éditions Robert Laffont), Vincent Jauvert, grand reporter à l’Obs, met le doigt là où ça fait mal : « Je me suis intéressé à la rémunération des hauts fonctionnaires parce qu’elle est secrète, à la différence d’autres pays » explique-t-il sur le plateau d’ « On va plus loin ». « Plusieurs personnes, qui étaient désespérées de ce fait-là, m’ont donné des notes secrètes, comme un peu le code nucléaire, sur (…) les hautes rémunérations à Bercy, qui sont au-delà de 150 000 euros par an. C'est-à-dire le salaire du chef de l’État. Il y en a 150. Mais aussi une note encore plus secrète, [destinée] à François hollande, sur ceux qui gagnent encore plus que lui, dans l’ensemble de la fonction publique, qui recense à peu près 600 [fonctionnaires] (…) Ce qui me semble aberrant, et je ne suis pas le seul à le penser, c’est que ce soit secret » dit-il.

Face à lui, Anne-Sophie Beauvais, directrice générale de l’association des anciens élèves de Sciences Po et rédactrice en chef du magazine Émile, estime que son livre est « très à charge » : » On n’a qu’un prisme pour regarder la haute fonction publique (…) Vous énumérez des cas de personnes, les uns derrière les autres. Donc quand on referme ce livre, il y a peu de nuances. Des nuances, moi, je peux en apporter quelques-unes. D’abord, ces rémunérations touchent peu de monde. On a cinq millions de fonctionnaires. Dans ces fonctionnaires, on doit avoir 15 000, 20 000 hauts fonctionnaires. Et on parle de 600 personnes. Donc il faut relativiser un petit peu. »

En novembre 2016, dans son livre « Révolution », le candidat Macron fustigeait « ces hauts fonctionnaires qui se sont constitués en caste » et ajoutait : « Il faut en finir avec leur protection hors du temps ».

« On commence à voir une concrétisation de ce qu’il pensait » assure Anne-Sophie Beauvais : « Sa philosophie est assez simple. Il veut casser les rentes et il l’a dit de manière extrêmement claire pendant sa campagne. Moi, je l’ai entendu même s’exprimer devant les étudiants de Sciences Po alors qu’il n’était encore que ministre de l’économie, de cette façon-là : « Il faut briser les rentes, ne pas laisser les gens s’installer dans des castes » ».

Et s’adressant à Vincent Jauvert : « Votre livre (…) pose ces vraies bonnes questions : la transparence des salaires (…), le fait d’avoir un statut à vie, c'est-à-dire (…) d’avoir quoiqu’il arrive, même si on part dans le privé, la garantie de revenir (…), renforcer tous les garde-fous déontologiques, éthiques, pour éviter les conflits d’intérêts (…) Simplement il faut aller les chercher dans une énumération très à charge. »

 

Face aux déclarations d’Emmanuel Macron, Vincent Jauvert est, lui, beaucoup plus réservé : « Effectivement, Monsieur Macron dit que les hauts fonctionnaires constituent une caste bénéficiant de privilèges hors du temps.  Mais dans la pratique, pour l’instant (…), il a sélectionné des gens autour de lui, qui en font partie totalement. Que ce soit son secrétaire général de l’Elysée, son Premier ministre, sa ministre des armées etc. tous sont issus des grands corps, tous on fait des allers-retours dans le privé. »

Dans son ouvrage, le grand reporter à l’Obs évoque également les risques de conflits d’intérêts. Notamment lorsque de « hauts fonctionnaires de Bercy deviennent des conseillers fiscaux pour de grands groupes privés parce qu’ils connaissent les faiblesses des lois fiscales » : « Vous vous souvenez de cette affaire de la taxe des 3% sur les dividendes, qui a été retoquée au Conseil constitutionnel. Qui a déposé le recours au Conseil constitutionnel ? » questionne-t-il. « C’est un avocat fiscaliste qui vient de Bercy. Donc il connaissait cette faiblesse-là. Effectivement, là, il y a conflit d’intérêts, c’est clair (…) Pourquoi n’y a-t-il pas une commission de déontologie qui fait son travail correctement ? Parce que les grands corps dont je parle, se sont opposés à la transformation de cette commission de déontologie, en une institution forte. Et donc là, on trouve bien ces intouchables qui s’organisent entre eux pour que cela n’ait pas lieu. » Et d’ajouter : « Le problème est qu’on décide qui seront les princes à vie de la République, à 22 ou 23 ans. Et ils le restent - les 15 ou disons les 20 premiers - jusqu’à la fin des temps. »

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