« House of Sarthe »: les scénaristes captivés par l’affaire Fillon
Des trahisons et des rebondissements quotidiens dignes d'un drame shakespearien... Pour les auteurs de séries "politiques" comme "Borgen", "Les...

« House of Sarthe »: les scénaristes captivés par l’affaire Fillon

Des trahisons et des rebondissements quotidiens dignes d'un drame shakespearien... Pour les auteurs de séries "politiques" comme "Borgen", "Les...
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Par Laurence BENHAMOU

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4 min

Publié le

Des trahisons et des rebondissements quotidiens dignes d'un drame shakespearien... Pour les auteurs de séries "politiques" comme "Borgen", "Les hommes de l'ombre" ou "L'Emprise", la campagne présidentielle française est si incroyable qu'ils n'auraient jamais osé proposer un tel scénario.

"On a enfin une formidable série politique française, et qui s'exporte puisque toute la presse étrangère en parle !", s'exclame, fasciné, l'écrivain et scénariste Dan Franck, auteur des "Hommes de l'ombre", série sur la communication en politique, et de "Marseille".

"Je regarde tout ça comme une série, il y a des +cliffs+ (des rebondissements, NDLR) tous les jours, je me délecte !", assure-t-il à l'AFP. "Et comme dans une série, le plus intéressant est de voir ce qui se passe au sein d'un même camp, avec des histoires de trahison, de famille...".

Les internautes sont sur la même longueur d'ondes, pour preuve la floraison du hashtag #HouseOfSarthe sur les réseaux sociaux.

"On est presque dans une pièce de Shakespeare: tout y est, l'enjeu familial, la femme trempée dans le scandale, le monde du personnage qui s'écroule sous ses pieds", remarque l'écrivain Marc Dugain, auteur de "L’Emprise", une trilogie mêlant politique et espionnage, qui sera adaptée en série sur Arte.

"Ce qui se passe actuellement est extraordinaire, nous, les auteurs de fictions, sommes sans cesse battus par la réalité. On peut toujours inventer des histoires, la réalité est toujours plus tordue", ajoute-t-il.

Pour le philosophe Philippe Nassif, spécialiste de la pop culture, "on a un rapport thérapeutique aux séries, comme si on se soignait de cette anxiété généralisée, de cette instabilité contemporaine".

- Trop invraisemblable -

Jeppe Gram, co-scénariste de la série danoise "Borgen", un incontournable des séries politiques, s'est lui-même largement inspiré de témoignages de responsables politiques pour camper sa très réaliste Première ministre Birgitte Nyborg, mais s'avoue cette fois battu : la situation française "est vraiment une bonne série ! A côté, Borgen a presque l’air innocent ou désuet...", admet-il.

Dan Franck, auteur des séries
Dan Franck, auteur des séries " Les Hommes de l'ombre" et "Marseille", à Marseille le 20 mars 2015
AFP/Archives

La réalité dépasse tant la fiction, jugent en choeur ces auteurs, qu'un tel scénario aurait été refusé par les télévisions.

"On nous aurait dit que c’était divertissant, mais trop tiré par les cheveux", tranche Jeppe Gram.

"Ce ne serait pas crédible", renchérit Dan Franck, "d'autant que pour les séries politiques, on n'est pas très courageux en France".

"Le jeu constant des apparences a un côté House of Cards. Et on a une mise en scène de l’effondrement d’un monde ancien avec des effets de chaos et d’inattendu, à la Downton Abbey", selon Philippe Nassif, qui voit aussi des liens avec "Game of Thrones".

En pleine écriture de la saison 2 de "Baron Noir", son créateur Eric Benzekri refuse pour sa part de commenter l'affaire Fillon, pour ne pas être soupçonné de s'inspirer du réel.

Et s'ils devaient écrire la suite de la campagne française?

Les deux
Les deux "Une" du Canard enchaîné, le 1er février 2017 à Paris
AFP

Le scénariste danois imagine le retour de François Hollande, ou encore un second tour Macron-Le Pen, où Emmanuel Macron serait touché par un scandale et Marine Le Pen gagnerait. "Ce serait un scénario effrayant mais intéressant ! Surtout si la personne qui révèle le scandale veut aider Le Pen ! Mais j’espère que ce ne sera pas aussi divertissant que ça...", conclut Jeppe Gram.

Pour Dan Franck aussi, le scénario actuel est trop noir: "Dans la manière dont on se déchire à droite, ce qui me fait peur est que nous sommes dans le +tous pourris+, alors que dans mes scénarios je m'efforce toujours d'avoir un personnage positif..."

"Ici seule Penelope apparaît comme une vraie victime, l'incarnation des femmes emprisonnées dans le rôle de femme au foyer... On a envie qu'elle se révolte ! Ce serait une fiction formidable", ajoute-t-il. "Et si je devais la faire, je m'intéresserais aussi à celui qui a envoyé les documents au Canard... Est-il de son clan ? Est-ce une vengeance ?"

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