“Il faut de l’audace pour défier Briois”: à Hénin-Beaumont, l’équation compliquée des opposants au RN

“Il faut de l’audace pour défier Briois”: à Hénin-Beaumont, l’équation compliquée des opposants au RN

"Il faut de l'audace pour défier Steeve Briois. Mais on décrochera un second tour", veut croire Marine Tondelier, candidate de la gauche aux...
Public Sénat

Par Elia VAISSIERE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

"Il faut de l'audace pour défier Steeve Briois. Mais on décrochera un second tour", veut croire Marine Tondelier, candidate de la gauche aux municipales à Hénin-Beaumont. Lancée dans une houleuse campagne face au populaire maire RN, l'opposition espère convaincre "indécis et déçus" qui, selon elle, "se multiplient".

Accoudé à sa fenêtre dans un lotissement de briques, un sexagénaire affable examine le tract qu'on lui tend. "Oh moi, les politiques... Mais faut reconnaître qu'Hénin-Beaumont va mieux depuis que Briois est maire", lâche Bernard. "Parce qu'on partait de loin", réplique en souriant Marine Tondelier.

Parmi les 27.000 habitants de cette ville du Pas-de-Calais, beaucoup le constatent: "les rues sont propres". "On se gare mieux". "Des routes ont été réfaites", arguent tour à tour Marie, 60 ans, Kimberley, 18 ans, et Francis, 50 ans, louant aussi les festivités qui "ont égayé la ville". Et, sous les tourelles éclairées de bleu de l'hôtel de ville rénové, la plupart entendent "réélire Steeve".

"Nous avons assaini les finances, sorti la ville des emprunts toxiques, baissé les taux des taxes d'habitation et foncière (de 3,1 et 3,6 points), investi 50 millions d'euros dans les infrastructures", se réjouit Christopher Szczurek, adjoint chargé de la communication.

"Rénover, nettoyer, c'est le travail normal d'un maire !" plaide Mme Tondelier. "Mais c'est ce qu'on n'avait jamais eu..." soupire Bernard.

Dans l'ex-bastion socialiste du bassin minier frappé par la désindustrialisation et le chômage et où un quart des habitants vit sous le seuil de pauvreté, la gestion calamiteuse et frauduleuse Gérard Dalongeville -maire PS de 2001 à 2009- a laissé des traces: une dette colossale, imposant une explosion des impôts et des années de rigueur aux édiles suivants, Daniel Duquenne puis Eugène Binaisse (divers gauche).

Elu dès le premier tour en 2014 (50,25%), "Briois a récupéré une ville au bout du rouleau, où le travail le plus ingrat du redressement était fait... Un tapis rouge pour lui", regrette Mme Tondelier.

- "Climat de tension" -

Marine Tondelier, à la tête d'un collectif d'opposition au maire RN, le 18 janvier 2020 à Hénin-Beaumont
Marine Tondelier, à la tête d'un collectif d'opposition au maire RN, le 18 janvier 2020 à Hénin-Beaumont
AFP/Archives

Face au RN aujourd'hui, des opposants "sans étiquette". Mené par l'écologiste Marine Tondelier et ses "coordinateurs" Inès Taourit (ex-PS) et Aurélien Gack (LFI), le collectif "Osons pour Hénin-Beaumont" réunit une centaine de membres, dont des militants PCF "autour des valeurs humanisme, écologie, solidarité".

La liste "Hénin-Beaumont Action" conduite par l'ex-MoDem Patrick Piret fait également "fi des appartenances" alors que Vincent Caflers, "gilet jaune", veut lui aussi faire campagne. Face au risque RN, LREM a renoncé à présenter une liste.

Outre les "taches" au bilan municipal -équipements "promis mais non réalisés", "quartiers excentrés oubliés", "précarité accrue"... - Mme Tondelier et M. Piret dénoncent surtout "un climat de tension" et "d'autoritarisme".

"Ici, les opposants, journalistes, citoyens supposés hostiles" subissent "des intimidations, pressions, attaques personnelles" dès qu'ils s'expriment, affirme Marine Tondelier, qui pointait en 2017 humiliations et brimades envers des employés municipaux.

"N'écrivez pas mon nom, ma femme est fonctionnaire", "je veux pas de problèmes", lâchent à l'AFP quelques habitants critiques. "Briois, c'est beaucoup de poudre aux yeux pour faire oublier l'idéologie d'extrême droite", tance un employé municipal, confirmant "le mal-être" de certains collègues qui "se taisent par peur de représailles".

La mairie nie "rumeurs infondées et mensonges de l'opposition", assurant que "la grande majorité des contentieux" datent d'avant 2014.

"Il est difficile d'affirmer des choses sans risquer d'être traîné au tribunal", regrette M. Piret, estimant à 600.000 euros les frais de justice déjà engagés par la commune. Marine Tondelier parle même de "harcèlement judiciaire": "multiples droits de réponse" pour ses publications, assignations en diffamation et "trois recommandés pour retirer l'enseigne" placardée mi-janvier à l'entrée de son local.

Mais elle veut croire que "la lune de miel commence à prendre fin et que de plus en plus de gens" perçoivent "derrière la vitrine lustrée du RN les ravages en arrière-boutique".

"Ca se fissure... peut-être pas suffisamment mais en 2026 au plus tard, c'est terminé", prédit M. Piret, pour qui "ce n'est pas vraiment Briois qui joue son avenir à Hénin-Beaumont, mais Marine Le Pen".

Dans la même thématique

“Il faut de l’audace pour défier Briois”: à Hénin-Beaumont, l’équation compliquée des opposants au RN
5min

Politique

Budget : « C’est un semblant de justice fiscale, mais en réalité, ce sont les plus pauvres qui vont trinquer », selon le député PS Arthur Delaporte

Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».

Le

“Il faut de l’audace pour défier Briois”: à Hénin-Beaumont, l’équation compliquée des opposants au RN
8min

Politique

Budget : « 2024 est une année noire pour les finances publiques », alerte Pierre Moscovici

Auditionné par le Sénat, le président du Haut conseil des finances publiques affirme que les hausses d’impôts prévues dans le budget 2025 ne sont pas de 20 milliards d’euros, comme le dit gouvernement, mais « de 30 milliards d’euros ». Un effort indispensable, insiste Pierre Moscovici : « Le poids de la dette permet-il encore d’agir ? Non. Quand vous avez ce niveau de dette, walou ! »

Le

“Il faut de l’audace pour défier Briois”: à Hénin-Beaumont, l’équation compliquée des opposants au RN
4min

Politique

Propos de Gabriel Attal et de Gérald Darmanin sur le budget : « Certains auraient avantage à se taire ! », tacle Claude Raynal

Ce vendredi, Claude Raynal, sénateur socialiste de la Haute-Garonne et président de la commission des finances du Sénat, était l’invité de la matinale de Public Sénat. Hier soir, le budget pour l’année 2025 a été présenté par le gouvernement. Le sénateur est revenu sur les mesures du projet de loi de finances destinées à faire des économies et a assuré que Gabriel Attal et Gérald Darmanin « auraient avantage à se taire », en évoquant leur opposition à l’augmentation des impôts.

Le