Inflation, retraites, prix de l’énergie : vers un « effet boule de neige », selon le politologue Bruno Cautrès

Inflation, retraites, prix de l’énergie : vers un « effet boule de neige », selon le politologue Bruno Cautrès

Face à la situation sociale très difficile, entre inflation, crise de l’énergie et réforme des retraites qui suscite déjà l’opposition générale des syndicats, les sujets de tensions ne manquent pas pour le gouvernement. Le président de la République appelle à « l’audace et à l’écoute ». Il faudra au moins cela pour faire face aux prochains mois qui s’annoncent explosifs.
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Par Tam Tran Huy

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Un début d’année sous tension

La rentrée politique de l’exécutif est celle de tous les dangers. Olivier Véran lors du compte rendu du Conseil des ministres, a évoqué le « stress lié à la hausse des prix », la « reprise épidémique en Chine, source d’inquiétude légitime en Europe », il s’est voulu rassurant sur ces délestages possibles et tant commentés tout au long du mois de décembre dernier : « Le risque de coupure semble s’écarter » a-t-il lancé dès le début de son intervention. Mais il a été largement questionné sur la rentrée sociale potentiellement explosive qui arrive, entre les boulangers en colère, la réforme des retraites qui suscite l’opposition de tous les syndicats, y compris les plus réformistes comme la CFDT, ou encore une possible reprise du mouvement des gilets jaunes samedi prochain. Cette accumulation de sujets de tension peut donner un « effet boule de neige » explique le politologue Bruno Cautrès.

Mais le premier risque auquel le gouvernement fait aujourd’hui face est celui « de l’expérience collective de tous les Français d’une inflation très importante », l’impression « dans l’opinion que malgré les efforts louables du gouvernement, la situation n’est pas sous contrôle ». A cet égard, l’accent aujourd’hui mis sur la situation des boulangers est particulièrement révélateur : « Cela donne l’impression que l’économie est devenue folle. Qu’un acteur économique puisse multiplier par 5 ou 6 les prix [de l’énergie que doivent payer les boulangers] donne le sentiment d’un pouvoir démuni face à une réalité économique qui lui échappe » insiste le chercheur.

De l’audace…

Alors que penser du discours volontariste du gouvernement en cette rentrée ? Lors du premier compte rendu du Conseil des ministres, Olivier Véran a d’abord présenté ses collègues comme « mobilisés ». Des ministres à pied d’œuvre qui ont laissé leur voiture pour parcourir les 150 mètres qui séparent le ministère de l’Intérieur, place à Beauvau et l’Elysée ce matin. L’image est devenue traditionnelle dans ces moments de rentrée, elle illustre, cette fois encore, l’union du gouvernement et son effort pour concrétiser l’ambition réformatrice d’Emmanuel Macron.

Comme Emmanuel Macron lors de ses vœux, le porte-parole a d’ailleurs vanté le bilan de ce début de quinquennat : malgré la majorité relative, le gouvernement a réussi à réformer le marché du travail comme jamais, a-t-il expliqué à propos de la réforme de l’assurance-chômage et de la future réforme du lycée professionnel. Un « exercice de communication rhétorique » estime Bruno Cautrès. Et de rappeler : la vraie réforme du travail n’était pas celle de l’automne, mais « celle du Code du travail, et c’était le début du premier mandat. »

….mais aussi de l’écoute

Dans cette séquence, le sujet des retraites, la réforme principale de 2023 concentre bien sûr les attentions. Alors que la Première ministre poursuit les concertations, Olivier Véran a affiché volontarisme et pédagogie en délivrant une nouvelle fois le calendrier de la réforme, qui doit être appliquée dès la fin de l’été. Mais il a aussi répété à l’envi que le gouvernement était « à l’écoute ». Il ne serait pas illogique qu’une partie de l’opposition, notamment à droite de l’échiquier, vote cette réforme a expliqué le ministre en un appel du pied aux LR et notamment à la droite sénatoriale qui vote, depuis plusieurs années, pour un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. « Nous vous écoutons et nous vous entendons » a-t-il d’ailleurs lancé aux oppositions, aux syndicats et aux corps constitués.

« Faisons le pari de la sincérité de tous les acteurs, les leaders syndicaux ne disent pas qu’ils sont écoutés lorsqu’ils sortent du bureau de la Première ministre » analyse Bruno Cautrès pour qui la réforme des retraites symbolise « le pilotage à vue sans cohérence du gouvernement ». « Il y a trois ans, on nous dit que si on ne fait pas la réforme systémique des retraites, tout s’effondre. Ensuite, on nous dit qu’il faut toucher au paramètre de l’âge et puis on nous explique que si on ne reporte pas l’âge légal à 65 ans, tout s’effondre. Puis on nous dit que ce n’est pas un totem. » Le politologue différencie bien la bataille parlementaire, qui pourrait être gagnée grâce au 49.3 ou grâce au soutien des LR, de la bataille de l’opinion. « Réunir aussi peu d’adhésion sur une réforme aussi essentielle est problématique. » résume-t-il, décidément bien peu convaincu par la stratégie du gouvernement en ce début d’année.

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