Inondations : l’Aude déjà durement touchée, il y a à peine 20 ans

Inondations : l’Aude déjà durement touchée, il y a à peine 20 ans

Un épisode méditerranéen meurtrier avait déjà endeuillé les départements de l'Occitanie en novembre 1999. Retour sur ces événements tragiques et sur ce qui a changé depuis.
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La catastrophe météorologique qui a frappé l’Aude et l’Hérault ces dernières heures – causant la mort de 13 personnes, selon un bilan encore provisoire – en rappelle une autre. Celle des 12 et 13 novembre 1999. Ces jours-là, un « épisode méditerranéen » d’une intense gravité noie sous les eaux une grande partie du Midi, l’ouest du Languedoc et le Roussillon.

Le bilan humain est dramatique : les services de l’État recensent 35 morts, dont 26 pour le seul département de l’Aude. « Près de la moitié des victimes ont trouvé la mort dans leur véhicule ou à proximité », raconte en octobre 2000 l’Inspection générale de l’environnement, qui ajoute que « sans l’intervention des secours par bateaux et hélicoptères, ce bilan aurait pu être encore plus catastrophique ».

 

Le Journal de 20 Heures de France 2, le 14 novembre 1999, en intégralité

Un évènement « fréquent » mais dont l’ampleur était « exceptionnelle »

Le même rapport qualifiait à l’époque ces pluies diluviennes d’ « événement météorologique d'un type fréquent en automne », mais notait que « l’ampleur » était « assez exceptionnelle par les intensités de pluie ». « On en recense trois ou quatre chaque siècle. Son ampleur géographique est cependant exceptionnelle », pouvait-on également lire.

L’Aude avait subi le plus lourd bilan humain et les dégâts matériels les plus importants, mais d’autres départements avaient été touchés : les Pyrénées orientales, l’Hérault, le Tarn mais aussi l’Aveyron. Ce lundi 15 octobre 2018, six départements étaient placés en vigilance orange pluie inondation, et un, l’Aude, en vigilance rouge, le plus niveau de l’échelle.

Des communes coupées du monde

Il y a 19 ans, de nombreux cours d’eau avaient déjà connu des crues d’ampleur centennale. Avec l’Aude, l’Orbieu avait généré les inondations les plus importantes de l’épisode. Certains villages des Corbières, du Minervois, ou encore de la basse plaine de l'Aude sont restés coupés du monde pendant plusieurs jours. Plusieurs localités, comme Lézignan-Corbières ou Cascastel-des-Corbières ont été dévastées. Cuxac-d'Aude, petite ville au nord de Narbonne, compte 5 décès, après la rupture d’une digue.

Reportage à Lézignan-Corbières, une des zones les plus sinistrées en novembre 1999

À l’époque, la vigilance météorologique, telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’existe pas. Il faut attendre octobre 2001, pour que Météo France mette en place ses bulletins avec un niveau de couleurs, selon la gradation du danger, conçu pour alter les populations et les autorités. Le paramètre « fortes précipitations » évolue en « pluie-inondation », et intègre les informations du réseau Vigicrues, le service de la Direction générale de la prévention des risques.

Dans la foulée des inondations meurtrières de novembre 1999, plusieurs plans de prévention des risques (PPR) avaient été modifiés dans plusieurs communes, comme à Limoux, la sous-préfecture.

Une recommandation dès l’an 2000 pour faire évoluer la loi

Dans son rapport de synthèse publié en 2000, l’Inspection générale de l’environnement recommandait plusieurs choses. Elle préconisait ainsi de rendre obligatoire la matérialisation du niveau des crues importantes sur les bâtiments. Pointant des problèmes « liés au transfert de responsabilités », elle conseillait également d’examiner les « possibilités de modification de la loi » pour « permettre d'imposer le regroupement de communes au sein de structures de maîtrise d’ouvrage adaptées d’aménagement et d’entretien des cours d’eau ».

Depuis 1999, beaucoup de choses ont changé dans la gestion. En 2003, le ministère du Développement durable s’engage dans une nouvelle étape dans la politique de prévention du risque inondation par la mise en œuvre de programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI).

Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la transposition d’une directive européenne donne naissance en France à une carte recensant des territoires à risque important d'inondation, des parcelles du territoire, où comme leur nom l’indique, les dangers sont les plus élevés. Dans l’Aude, une vingtaine de communes sont intégrées au dispositif, autour de Carcassonne et de Narbonne.

Une gestion des risques qui dépasse désormais l’échelon communal

Un an après Xynthia (le 27 février 2010), la tempête qui avait balayé les côtes de Vendée et de Charente, un plan tirant les leçons de cette catastrophe avait été adopté. Les préfectures avaient été chargées de recenser les communes qui ne disposaient pas d’un plan de prévention des risques d'inondation, et de remédier à cette absence. L’objectif était de limiter la construction dans les zones inondables. Pour celles qui en étaient déjà doté, le document a été renforcé.

Pour faire face au risque de submersion marine, les préfectures ont aussi mené un vaste travail de recensement des digues, pour les renforcer. Quant à Météo France, l’organisme a mis en place dès la fin 2011 un système de « vigilance submersion marine », et a entrepris de moderniser son réseau radar.

La politique préventive connaît quelques évolutions avec les réformes territoriales sous François Hollande. En 2016, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) bloc communal une compétence exclusive et obligatoire relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, souvent appelée par son acronyme « Gemapi ».

Au 1er janvier 2018, cette compétence Gemapi évolue à nouveau. Elle est désormais confiée exclusivement aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre : métropoles, communautés de communes ou d’agglomération. Toujours avec une même logique : l’eau ne s’arrête pas aux frontières administratives.

En matière de risque d’inondation, le cas de l’Aude et des départements limitrophes n’est pas isolé. Les crues majeures dans le Centre-Val de Loire et d’Île-de-France en mai-juin 2016 restent dans les mémoires. Il y a 10 ans, la part de la population française exposée à ce risque était estimée à 10%.

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