Interdiction du voile pour les sorties scolaires : retour sur l’émergence du texte

Interdiction du voile pour les sorties scolaires : retour sur l’émergence du texte

Le texte de Jacqueline Eustache-Brinio visant à interdire le port du voile pour les sorties scolaires est issu d’une autre proposition de loi déposée en mars 2018 par le sénateur LR Jérôme Bascher. Les sénateurs LR en avaient déjà adopté le principe lors du projet de loi sur l’école, mais la mesure avait été retirée dans le texte final. Retour sur un sujet qui turlupine les sénateurs LR depuis un moment.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

C’est une marotte de la droite depuis longtemps. Les sénateurs examinent ce mardi la proposition de loi (PPL) de la sénatrice LR du Val-d’Oise, Jacqueline Eustache-Brinio, visant à interdire le port du voile pour les mères accompagnatrices, lors des sorties scolaires. Le sujet n’est en réalité pas nouveau au Parlement.

On rembobine. En mars 2018, le sénateur LR de l’Oise Jérôme Bascher dépose au Sénat une proposition de loi « tendant à renforcer l'effectivité du principe de laïcité et à lutter contre le prosélytisme dans le cadre de l'enseignement public ». Autrement dit, à interdire le port du voile pour les mères accompagnatrices. Ce premier texte en reste là et n’est pas examiné. La terre d’élection du sénateur de l’Oise n’est pas pour rien dans le dépôt de cette PPL. « Je suis très sensibilisé à ça car je suis le sénateur de Creil, où a eu lieu la première histoire du foulard à l’école, en 1989 » explique aujourd’hui Jérôme Bascher.

Blanquer dans un premier temps favorable

Février 2019. Lors de l’examen du projet de loi sur l’école de la confiance du ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, le député LR Eric Ciotti dépose un amendement pour interdire le port du voile pour les accompagnatrices des sorties scolaires. L’amendement est rejeté. Mais en réalité, il faut se souvenir que le ministre y était dans un premier temps favorable, avant de se raviser face à la fronde d’une partie des députés LREM.

Quand arrive au Sénat, en mai 2019, le texte Blanquer, les sénateurs LR en profitent pour marquer leur volonté sur le sujet. Un amendement similaire est déposé. L’auteur en est logiquement Jérôme Bascher. Amendement cosigné par Jacqueline Eustache-Brinio, seconde signataire, et Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR. En séance, l’amendement, défendu par Jacqueline Eustache-Brinio, est adopté grâce à la majorité LR-UDI du Sénat (voir notre article). Jean-Michel Blanquer s’y oppose, même s’il explique être sensible à la question. Un autre amendement de Jérôme Bascher est aussi adopté au passage. Il vise à interdire le prosélytisme religieux aux abords des établissements scolaires. Il est issu, là aussi, de sa PPL.

« Deal » en commission mixte paritaire

Vient la commission mixte paritaire (CMP). Lorsque députés et sénateurs divergent sur un texte, ils se réunissent en petit groupe, composé de 7 députés et 7 sénateurs, pour tenter de trouver une version commune. L’interdiction du port de voile passe alors à la trappe.

« Lors des discussions avec les rapporteurs de l’Assemblée, ils ont fortement demandé que le premier amendement soit rejeté du texte » explique le sénateur LR Max Brisson, alors rapporteur du texte école au Sénat et aujourd’hui encore rapporteur de la PPL sur le voile. Il continue : « Les députés ont accepté celui sur le prosélytisme, et nous avons accepté de retirer celui sur les signes ostensibles. Nous voulions un texte commun, car il était important que le texte soit adopté pour la rentrée scolaire. La CMP, c’est un compromis ». Jérôme Bascher confirme :

« Si on voulait une CMP conclusive, c’était le deal : on garde le prosélytisme et on enlève le voile. C’était le point d’achoppement. Jacqueline Eustache Brinio a dit "d’accord, si on le retire, je le redépose en PPL". Ce qu’elle a fait ».

Dès le 9 juillet 2019, la proposition de loi « tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation » – le mot de « voile » n’y apparaît pas – est en effet enregistrée à la présidence du Sénat.

Pain béni pour les sénateurs LR

L’été se passe. A la rentrée, Emmanuel Macron décide, devant les parlementaires LREM, de mettre l’accent sur la question de l’immigration et d’exprimer sa fermeté. C’est dans ce contexte et cette séquence qu’on apprend, en septembre, que le groupe LR va profiter de sa « niche parlementaire » pour examiner en séance la PPL Jacqueline Eustache Brinio.

Près d’un mois après, un élu Rassemblement national du conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté interpelle une femme voilée, qui accompagne des élèves assistant à la séance de la collectivité. Du pain béni pour les sénateurs LR, à commencer par Bruno Retailleau, qui saute sur l’occasion pour rappeler que le voile n’est pas interdit pour les accompagnatrices des sorties scolaires, mais que son groupe va s’en charger grâce à la PPL.

Une autre proposition de loi pour interdire le voile à l’université

Le texte a depuis été adopté la semaine dernière en commission, non sans diviser au sein même des LR, avant d’être examiné en séance publique ce mardi. La proposition de loi « devrait passer » selon Max Brisson, « les abstentions au groupe LR devraient être extrêmement minoritaires ». Si le gouvernement s’en tient à sa position, le texte ne devrait cependant pas aller plus loin.

Mais les sénateurs n’ont peut-être pas dit leur dernier mot sur le voile. Car Jérôme Bascher a dans sa besace un autre texte. Le sénateur LR de l’Oise avait aussi déposé, en juillet 2018, une proposition de loi « relative à l'interdiction des signes prosélytes ou contraires à l'égale dignité entre les hommes et les femmes à l'Université ». Il s’agit cette fois d’interdire le voile à l’université.

 

Dans la même thématique

Photo illustration police nationale en service
5min

Politique

Les Jeux olympiques ont entraîné un « surcoût » d’un milliard d’euros pour la police et la gendarmerie

Le rapport du sénateur LR Bruno Belin, en vue de l’examen de la mission sécurité du budget 2025, pointe l’impact financier des JO de Paris 2024 et de la crise en Nouvelle-Calédonie sur les finances de la gendarmerie et de la police. Conséquence : la police a renoncé à remplacer plus de 2.000 voitures et la gendarmerie n’a pas payé ses loyers à de nombreuses communes. Les budgets de la police et de la gendarmerie sont en revanche en hausse en 2025.

Le

Paris: Seance questions au gouvernement Assemblee nationale
6min

Politique

Lutte contre le narcotrafic : quelles sont les annonces du gouvernement ?

C’était attendu. A Marseille, le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux ont annoncé reprendre la proposition de loi du Sénat visant à lutter contre le narcotrafic. Inscrit en procédure d’urgence, le texte démarrera son examen en janvier à la Haute assemblée. Il prévoit la création d’un parquet national, de nouvelles incriminations, de nouvelles techniques d’enquête ou encore la refonte du statut du repenti.

Le

Interdiction du voile pour les sorties scolaires : retour sur l’émergence du texte
6min

Politique

« Si tout le monde en France était animé par l’esprit de l’Assemblée Consultative provisoire, il serait plus facile de gouverner la France », lance Michel Barnier 

Ce 7 novembre, le Sénat s’est réuni, en présence du Premier ministre, pour commémorer les 80 ans de l’installation de l’Assemblée Commémorative provisoire du 9 novembre 1944. Sans pouvoir législatif ni majorité, les travaux de l’Assemblée ont permis de poser les bases de la reconstruction de la France après la libération. Un exemple dont le Premier ministre voudrait s’inspirer.

Le

Interdiction du voile pour les sorties scolaires : retour sur l’émergence du texte
3min

Politique

« On ne laisse pas filer un budget sur la base de choses totalement fausses », réagit Claude Raynal après l’audition de Bruno Le Maire

Pour le président (PS) de la commission des finances, en faisant preuve de solidarité avec l’exécutif, l’ancien ministre de l’Économie et des Finances endosse sa responsabilité sur la dégradation des finances publiques. Le sénateur considère également qu’il est « extrêmement grave » d’avoir repoussé les décisions dures, « pour des raisons de nature purement politicienne », dues aux élections européennes.

Le