Isolement contraignant : les sénateurs n’y sont pas favorables
Mardi soir, Emmanuel Macron a souhaité que « le gouvernement et le Parlement prévoient les conditions pour s’assurer de l’isolement des personnes contaminées, y compris de manière plus contraignante ». Au Sénat, on préfère un isolement mieux contrôlé, à un isolement « contraint ».

Isolement contraignant : les sénateurs n’y sont pas favorables

Mardi soir, Emmanuel Macron a souhaité que « le gouvernement et le Parlement prévoient les conditions pour s’assurer de l’isolement des personnes contaminées, y compris de manière plus contraignante ». Au Sénat, on préfère un isolement mieux contrôlé, à un isolement « contraint ».
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« Être plus contraignants à l’égard de celles et ceux qui ont le virus ». C’est le souhait émis par Emmanuel Macron, mardi soir, lors de son allocution télévisée. Pour ce faire, le chef de l’Etat entend se tourner vers le Parlement où un « vrai débat démocratique doit se tenir » autour des conditions d’un isolement plus contraignant des personnes contaminées.

« On est plutôt dans l’incantatoire que dans le détail » relève Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. En effet, le président de la République n’a pas évoqué d’éventuelles sanctions ou amendes, ni parler d’« isolement obligatoire ». « Ces personnes seront accompagnées sur le plan matériel, sanitaire, psychologique » a-t-il simplement assuré.

« On est encore très loin de l’objectif affiché »

« Il va falloir aller très vite et on n’a pas le début d’un commencement d’un texte pour une mesure qui va nécessiter une logistique importante, une offre d’hébergement de grande qualité. On est encore très loin de l’objectif affiché. Je ne m’oppose pas au principe d’un isolement plus contraignant, même s’il vaut mieux convaincre que contraindre, le tout est de savoir comment on va le faire » ajoute Patrick Kanner.

A l’Assemblée nationale, le groupe Agir vient de déposer une proposition de loi pour rendre « obligatoire l’isolement des personnes positives à la Covid-19 ou […] cas contact » et sanctionner son non-respect par une amende de 1500€ (doublée en cas de récidive). « Le gouvernement refile la patate chaude au Parlement. Il y a une articulation à trouver entre responsabilité et liberté. Moi, j’avais proposé le confinement pour les personnes vulnérables et on m’a répondu que ce n’était pas constitutionnel. Il faut offrir des possibilités à des personnes qui ont des difficultés de pouvoir s’isoler mais pas de les contraindre » considère le sénateur centriste, Loïc Hervé.

Pour mémoire, début février, avant même le développement de l’épidémie en France, le Sénat avait adopté une proposition de loi du sénateur LREM, Michel Amiel visant à renforcer la sécurité sanitaire. Le texte instaurait un dispositif d’ « isolement contraint », « proportionné et gradué ». Un patient atteint d’une maladie « hautement contagieuse », qui refuserait de respecter des consignes de prévention ou d’isolement, était alors pris en charge dans un établissement de santé, sur décision préfectorale.

L’isolement obligatoire écarté par l’exécutif ?

D’autant que la perspective de rendre l’isolement obligatoire divise au sein même de l’exécutif. Si le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, y voit « une piste intéressante », jeudi dernier, le ministre de la Santé a rappelé que « les pays qui ont mis en place l’isolement obligatoire font face à une deuxième vague épidémique de la même manière que ceux qui ne l’ont pas mis en place » (comme la Corée du Sud). Début septembre, auditionné au Sénat, l’ambassadeur de la République de Corée en France, Jong Moon Choi expliquait : « Nous avons d’abord facilité l’accès aux tests de dépistage, en mobilisant 600 centres privés pour permettre la tenue de 40 000 tests par jour. Les cas confirmés étaient ensuite étroitement suivis par le centre coréen de contrôle, qui avait accès à leurs déplacements, au moyen d’outils numériques variés, avec notamment un traçage GPS par les téléphones et cartes bancaires. »

Le lendemain, Jean Castex émettait lui aussi de lourdes réserves à ce sujet. « Je suis persuadé que vous avez des gens, si vous leur dites : vous avez une obligation de vous isoler, ils ne se feront pas tester » a-t-il déclaré lors d’une visite à l’hôpital de Brest. Des doutes réitérés quelques heures après lors d’une visioconférence avec les chefs de partis. « Oui, on en a parlé avec le Premier ministre. Maintenant il faut attendre de voir le texte. Parce que là on est quand même sur une contrainte très forte. Il faut être très prudent quand on touche à ce point aux libertés individuelles » prévient le président du groupe centriste Hervé Marseille.

Invité de France Inter, le patron du groupe LR du Sénat a indiqué qu’il n’était pas favorable à un isolement obligatoire, lui préférant « un isolement contrôlé un peu comme les arrêts maladie ». « Mais avant de le rendre obligatoire, faut-il le rendre possible » souligne-t-il rappelant que lors du premier confinement le groupe hôtelier Accor avait mis à disposition des chambres sans le succès escompté.

« On veut nous faire avaliser une mesure dictatoriale »

« On ne traçait pas, on ne testait pas, donc forcement ça n’a pas marché, complète le sénateur LR de l’Oise, Jérôme Bascher. « Le gouvernement est toujours en retard d’une ou deux guerres contre le covid ». Le sénateur se dit par ailleurs totalement opposé à une nouvelle mesure de restriction des libertés publiques. « On veut nous faire avaliser une mesure dictatoriale » lâche-t-il.

« Je ne vois pas comment on pourrait rendre l’isolement obligatoire alors que dans la même phrase, le chef de l’Etat dit que la vaccination ne le sera pas. La parole publique doit garder du sens. C’est très facile d’avoir un discours martial, de dire qu’on veut renforcer ce qui existe, sauf que ce qui existe n’est déjà pas appliqué » note la sénatrice communiste, Cécile Cukierman. Dans le viseur de l’élue, l’isolement des cas contacts. « Les protocoles sanitaires varient en fonction de l’employeur. Des salariés se retrouvent obligés de retourner au travail bien avant la période de 7 jours de mise à l’écart » note-t-elle.

 

 

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