Isolement contraint : les sénateurs dénoncent « l’incohérence » de l’exécutif
Le Premier ministre a annoncé jeudi un projet de loi pour le renforcement de l’isolement des malades du Covid 19 sans toutefois « faire peser une contrainte ». Les sénateurs, défavorables à des mesures coercitives, dénoncent l’incohérence de l’exécutif qui semble faire machine arrière sur ce dossier.

Isolement contraint : les sénateurs dénoncent « l’incohérence » de l’exécutif

Le Premier ministre a annoncé jeudi un projet de loi pour le renforcement de l’isolement des malades du Covid 19 sans toutefois « faire peser une contrainte ». Les sénateurs, défavorables à des mesures coercitives, dénoncent l’incohérence de l’exécutif qui semble faire machine arrière sur ce dossier.
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Par Héléna Berkaoui

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En des termes beaucoup moins catégoriques que ceux du président de la République mardi, Jean Castex a annoncé l’arrivée d’un projet de loi pour renforcer l’isolement « effectif et accepté » des malades du coronavirus. Alors qu’Emmanuel Macron souhaitait que l’isolement soit renforcé « y compris de manière plus contraignante » par des mesures débattues par le gouvernement et le Parlement, le Premier ministre a insisté sur la nécessité « d’un accompagnement médical et humain renforcé », ce jeudi.

Entre ces deux allocutions, le groupe Agir à l’Assemblée nationale a déposé, mercredi, une proposition de loi visant à rendre « obligatoire l’isolement des personnes positives à la Covid-19 ou […] cas contact » et à sanctionner son non-respect par une amende de 1 500 € (doublée en cas de récidive). Une vision de la contrainte qui a fait s’étrangler les membres de la Haute assemblée de toute façon hostiles à des mesures coercitives.

En février dernier, le Sénat avait, lui, adopté une proposition de loi du sénateur LREM, Michel Amiel visant à instaurer un dispositif d’ « isolement contraint », « proportionné et gradué ». Un patient atteint d’une maladie « hautement contagieuse », qui refuserait de respecter des consignes de prévention ou d’isolement, était alors pris en charge dans un établissement de santé, sur décision préfectorale.

« Une démarche verticale, infantilisante et accusatoire »

« On devrait commencer par proposer aux personnes qui n’ont pas la possibilité de s’isoler des dispositifs, on ne commence pas par une mesure qui va vers la contrainte, c’est prendre le problème à l’envers », pose le sénateur socialiste et médecin de formation, Bernard Jomier concernant le projet de loi du gouvernement. Et de tacler « une démarche verticale, infantilisante et accusatoire » quand « l’usage de la contrainte en santé publique ne marche pas ». Argument supplémentaire : les limites constitutionnelles.

Le sénateur rappelle à cet endroit que, contraint par le Conseil constitutionnel, le gouvernement vient de réformer le texte encadrant l’isolement- contention (moyen d’immobilisation) en psychiatrie instaurant la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention (JLD) dès lors que l’isolement d’un patient ou sa mise sous contention dépasse certaines durées. Une modification prévue à l’article 42 du projet de loi finances de la sécurité sociale, un texte d’ailleurs rejeté en nouvelle lecture au Sénat, jeudi (lire notre article).

Si le flou règne encore sur les conditions du renforcement de l’isolement des malades du Covid 19, la méthode agace. « On arrive dans une période où ça s’améliore et ils parlent d’enfermer des gens, c’est comme pour l’application Stop Covid elle est arrivée trop tard », souffle le sénateur centriste, Loïc Hervé, qui avait, lui, proposé l’isolement des personnes vulnérables. Lors de sa conférence de presse, Jean Castex a annoncé que nous étions désormais « à 17 000 cas par jour » contre 45 000 en novembre, avec un taux de reproduction du virus « aujourd’hui estimé à 0,65, soit le niveau atteint lors du premier confinement, et un des niveaux les plus bas d’Europe ».

Lui aussi médecin de formation, le sénateur René-Paul Savary (LR) pointe un problème de « cohérence ». « On voit bien que c’est improvisé », lâche-t-il vis-à-vis de l’annonce d’Emmanuel Macron, mardi. Même incompréhension chez la sénatrice communiste, Laurence Cohen : « L’allocution du président de la République était en un point positif : il fait appel à la responsabilité des citoyens. Il a pris un autre ton, moins infantilisant, et pouf il chute en voulant contraindre l’isolement ».

Isolement : un besoin d’encadrement et d’accompagnement

Comme le reste de ses collègues, Laurence Cohen plaide pour un accompagnement des malades : « Apprendre qu’on a la Covid est extrêmement anxiogène, c’est le moment où il y aurait besoin d’un encadrement ». De l’avis général, des moyens doivent également être mis en sur la table pour assister ceux pour qui l’isolement est une gageure. « Il faut prendre en compte l’environnement des malades, ce n’est pas la même chose d’être confiné dans un grand appartement que dans un logement en suroccupation », souligne la sénatrice communiste.

« Le Conseil scientifique, lui-même, ne pense pas à ce genre de mesures mais propose un accompagnement des personnes à domicile pour la nourriture, les soins, appuie Laurence Cohen. Il y a également un travail à faire sur la persuasion, l’éducation et la prévention. »

« Ce débat est une manière de masquer l’échec de la stratégie du gouvernement »

Outre l’aspect tardif d’un tel dispositif et la question de sa « faisabilité », la sénatrice LR Catherine Procaccia soulève, elle, un problème « d’acceptabilité ». Après des mois de sacrifices, de restrictions des libertés publiques et une crise économique et sociale qui va en s’aggravant, les Français ne supporteraient pas une telle mesure, selon elle. Pour le sénateur LR, René-Paul Savary, l’écueil serait également que les gens n’aillent plus se faire tester. Un avis partagé par le Premier ministre, lui-même, lors d’une visite à l’hôpital de Brest. « Ce débat est une manière de masquer l’échec de la stratégie du gouvernement », interprète finalement Bernard Jomier (PS) là aussi rejoint par ses collègues dans cette analyse.

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