Jean Garrigues : « Édouard Philippe est la personnalité qui a émergé durant cette crise »

Jean Garrigues : « Édouard Philippe est la personnalité qui a émergé durant cette crise »

Pour Public Sénat, une personnalité politique ou intellectuelle s’interroge sur le « monde d’après ». L’historien Jean Garrigues analyse une crise « plutôt bien gérée par le gouvernement », et appelle à une refonte de l’État-providence.
Public Sénat

Par Steve Jourdin

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Publié le

Pourquoi avons-nous eu tant de difficultés à gérer la crise sanitaire ?

Je ne considère pas que nous avons été dans l’impossibilité de gérer cette crise. Je pense, au contraire, que cette crise a été plutôt bien gérée, avec certes beaucoup d’erreurs. Mais globalement, il y a eu une réaction positive de la communauté nationale qui a fait que le confinement a été relativement bien appliqué. Les chiffres montrent que la pandémie est en voie d’être jugulée. Il y a eu énormément de critiques, mais on est en train malgré tout de s’acheminer vers une victoire contre le virus. Cela montre notre capacité à la mobilisation collective.

Les critiques à l’encontre du gouvernement ne sont donc pas justifiées selon vous, notamment en ce qui concerne l’affaire des masques ?

Les critiques sont par principe justifiées, en premier lieu car la démocratie est un espace de critiques et de sollicitations permanentes du pouvoir. On a pointé avec raison l’impréparation de l’exécutif face à la crise, impréparation qui remontait d’ailleurs aux quinquennats précédents. Le manque de masques, de tests, de lits de réanimation, a révélé les failles du système de santé français. On a aussi critiqué les erreurs et les incohérences de communication du gouvernement, et les dissimulations qui ont peut-être été volontaires. Mais il faut reconnaître que par rapport aux craintes initiales, nous nous en sommes plutôt bien sortis.

Sur le plan politique, qu’est-ce qui vous a le plus marqué à l’occasion de cette crise ?

Cette crise a révélé qu’à côté du discours présidentiel de mobilisation et de rassemblement, voire de dramatisation des événements, un autre discours était possible. Je fais référence aux interventions du Premier ministre, qui a adopté un discours plus pragmatique et plus proche des préoccupations des citoyens. Ce discours primo ministériel a conquis toute sa place. Les sondages montrent d’ailleurs quÉdouard Philippe est la personnalité qui a émergé de cette crise. Un peu à la manière dont, en mai 1968, Georges Pompidou s’était révélé comme celui qui avait le mieux, et presque entièrement, géré la crise. Il est intéressant de voir aujourd’hui resurgir le couple exécutif, et le rôle central du Premier ministre.

Cette crise marque-t-elle une rupture sur le plan historique ?

Tout semble indiquer qu’il y aura un avant et un après. C’est une crise exceptionnelle et universelle. En France, elle a mobilisé l’ensemble de la population. C’est un fait inédit.

Par ailleurs, cette crise catalyse des phénomènes qui lui sont antérieurs. Elle fonctionne comme un révélateur de tous les dysfonctionnements de notre société. Tous les domaines sont touchés : la vie quotidienne, les pratiques, les cultures, l’organisation de la famille, notre démocratie. Rien n’est épargné.

Comment expliquez-vous le fait que les formations les plus radicales, comme le Rassemblement national (RN), peinent actuellement à se faire entendre ?

La nature d’un courant comme celui du Rassemblement national est de protester. L’extrême-droite a pour vocation de porter les colères et les insatisfactions d’une partie de la population. Le problème, c’est qu’elle a toujours un déficit de crédibilité. On le voit bien dans les sondages, Marine Le Pen a une vraie difficulté à persuader les Français qu’elle est capable d’apporter autre chose et que ses solutions sont en mesure de résoudre les problèmes. Elle semble dans l’impossibilité de proposer une alternative.

Existe-t-il des enseignements politiques à tirer de la crise ?

Cette crise nous indique une direction vers la refondation de l’État-providence, la reconstruction dune souveraineté industrielle, la solidarité et plus d’égalité. Si j’avais des mesures à conseiller, je dirais qu’il faut revaloriser les métiers de la santé et de l’éducation, tout en réorganisant ces métiers. Il faut aussi aller vers une véritable déconcentration des pouvoirs afin de donner plus de moyens et de responsabilités aux collectivités territoriales. Enfin, je pense qu’un Plan Marshall européen est nécessaire. L’Europe doit initier un grand plan d’investissement en matière de transports, de logements sociaux et de transition écologique. Il faut rompre avec les politiques publiques telles qu’elles existent aujourd’hui.

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