Joey Starr, orateur d’un soir sous les ors de l’Assemblée

Joey Starr, orateur d’un soir sous les ors de l’Assemblée

"Dit par moi, ça le fait!": Joey Starr, rappeur et comédien à la voix de stentor, a joué les invités inédits sous les ors de l'hôtel de Lassay,...
Public Sénat

Par Charlotte HILL

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

"Dit par moi, ça le fait!": Joey Starr, rappeur et comédien à la voix de stentor, a joué les invités inédits sous les ors de l'hôtel de Lassay, pour déclamer devant députés et jeunes orateurs les grands discours de la pièce "Éloquence à l'Assemblée".

Lunettes et vêtements noirs, le chanteur de "NTM" entre en scène mardi soir au son d'un battement de coeur, sous les lustres de la salle des fêtes de la résidence du président de l'Assemblée, François de Rugy (LREM).

D'emblée, Robespierre est convoqué pour ces extraits de plus de deux siècles de discours parlementaires, de Hugo à Malraux en passant par Jaurès ou Lamartine.

Dans l'assistance, plus de 300 personnes, dont des députés, surtout LREM, (80 étaient inscrits) et quelques "people" comme les animateurs Karine Lemarchand ou Stéphane Plaza.

C'est une "séance parlementaire peu banale" avec "les grandes voix de notre Histoire réssucités par la magie du théâtre", a prévenu en préambule François de Rugy.

Se disant conscient des critiques sur cette invitation iconoclaste de celui qui a connu quelques démêlés avec la justice, il plaide notamment qu'"on ne devrait jamais sous-estimer la force des mots", rappelant l'hommage rendu l'après-midi même dans l'hémicycle "par la force du verbe" aux victimes de l'attentat de Trèbes, auxquelles JoeyStarr a dédié une minute de silence.

Avec une mise en scène sobre, les mots du rappeur issu du "9-3" claquent dans ce décor pas très "Seine Saint Denis Style".

Et surtout, les discours résonnent avec l'actualité. C'est le cas du plaidoyer pour "détruire la misère", "maladie du corps social comme la lèpre", de Victor Hugo en 1849, ou des propos d'Aimé Césaire en 1949 sur le sentiment d'"injustice" en outre-mer.

A l'heure de #metoo, la parole est aussi donnée à Olympe de Gouges, le rappeur - Didier Morville à l'état civil - disant au passage sa fierté d'être là et assurant bravache: "dit par moi, ça le fait!".

"Homme, es-tu capable d'être juste? (...) Dis moi, qui t'a donné le souverain empire d'opprimer mon sexe? Ta force? Tes talents?", tonne la féministe par son intermédiaire.

- Hugo et le Jaguar -

Joey Starr à l'hôtel de Lassay déclame devant les députés les grands discours de la pièce
Joey Starr à l'hôtel de Lassay déclame devant les députés les grands discours de la pièce "Eloquence à l'Assemblée", à Paris le 27 mars 2018
AFP

Pour permettre un peu de respiration face à la densité des textes, il fait de petits apartés: "toujours Hugo. Ca va?", "Monsieur, j'ai vu que vous dormiez tout à l'heure", ou encore, "c'est le moment Wikipédia là".

Parmi la centaine d'étudiants venus voir de près le "Jaguar", certains viennent d'Eloquentia, concours d'éloquence en Seine-Saint-Denis.

C'est le cas de Tasnim Azariz, 25 ans, qui juge "beau" de voir un artiste "différent de nous aujourd'hui, mais qui finalement part du même chemin". "Ca rend aussi l'Assemblée plus accessible", se réjouit aussi Yara Hamade, 21 ans.

Non loin de là, Alexandra Algibaia, 16 ans, venue d'un lycée professionnel parisien, "ne connaît pas spécialement" le quinquagénaire et juge le spectacle "instructif", sans être dithyrambique.

Mickaël Narbonnais, 23 ans, de l'Ecole nationale de la citoyenneté, espérait, lui, "du trash" et des "messages qui ont du sens", et puis "des barres de rire". Mais à l'issue, il juge le spectacle "surprenant", assimilant l'acteur à "un père qui engueule ses enfants".

Côté députés, venu comme d'autres LREM, tels Guillaume Chiche ou Olivier Véran, le président de la commission des Affaires culturelles Bruno Studer, observe que même si le côté "bad-boy" de JoeyStarr "tranche un peu quand même" avec le passé de l'institution, "tout ce qui va dans le sens de rapprocher l'Assemblée notamment des jeunes est le bienvenu".

Joey Starr à l'hôtel de Lassay déclame devant les députés les grands discours de la pièce
Joey Starr à l'hôtel de Lassay déclame devant les députés les grands discours de la pièce "Eloquence à l'Assemblée", à Paris le 27 mars 2018
AFP

Et non loin de là, Virginie Duby-Muller (LR), passée avec quelques collègues LR, salue un acteur "duquel émane beaucoup de sensibilité".

Le spectacle s'achève avec un plaidoyer pour la culture d'André Malraux: "Chaque enfant de France a droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma comme a l'alphabet" et des applaudissements nourris.

Après ce qu'il revendique comme "un petit acte citoyen" à l'Assemblée, la prochaine étape pour le comédien et la pièce de Pierre Grillet et Jérémie Lippman, déjà jouée dans un théâtre parisien et une gare, sera une représentation... en prison.

Dans la même thématique

Joey Starr, orateur d’un soir sous les ors de l’Assemblée
6min

Politique

Agences de l’état : Laurent Marcangeli ne veut pas fixer d’objectif chiffré pour éviter la « formation d’anticorps »

Auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur les agences de l’Etat, Laurent Marcangeli est revenu sur la méthode du gouvernement pour « simplifier » l’écosystème des agences et opérateurs de l’Etat. Les plans ministériels devraient être finalisés à la mi-juin et ce travail pourrait donner lieu à un projet de loi, voire une proposition de loi, a annoncé le ministre de la Fonction publique.

Le

Joey Starr, orateur d’un soir sous les ors de l’Assemblée
7min

Politique

Présidence des LR : Laurent Wauquiez cible le « en même temps » de Bruno Retailleau

A 10 jours de l’élection du président des Républicains, Laurent Wauquiez laboure les terres de la droite pour aller chercher une victoire face au favori, Bruno Retailleau. Ce mercredi, dans un restaurant du XVe arrondissement de Paris, le chef de file des députés de droite a présenté sa candidature « de rupture » avec le pouvoir en place. Membre du gouvernement, l’élection de Bruno Retailleau à la tête des LR ferait prendre le risque, selon lui, d’une dilution de la droite dans le macronisme.

Le