Justice : Le Sénat augmente les fonds pour les bracelets anti-rapprochement
Le Sénat a adopté le budget du ministère de la Justice pour 2021, un budget « de rattrapage » qui connaît une hausse de 8 %. Les fonds alloués au bracelet anti-rapprochement ont été augmentés par la Haute assemblée pour la lutte contre les violences faites aux femmes.
Par Héléna Berkaoui
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Pas de hourras mais un satisfecit pour le budget de la justice 2021. Vendredi soir, les sénateurs ont adopté les crédits de la mission du ministère dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Un budget en hausse de 8 %, soit 1,7 milliard d’euros, pour un total de 8,19 milliards d’euros. « Ce budget historique », selon les mots du ministre de la Justice, ne saurait toutefois échapper aux réserves des sénateurs.
En effet, la Haute assemblée n’a pas manqué d’épingler « un budget de rattrapage » par rapport à 2020, année où les sénateurs avaient rejeté un budget qui ne respectait pas la trajectoire de la loi de programmation de la justice 2018-2022. L’embellie budgétaire ne parviendra pas à résoudre le problème de la surpopulation carcérale ni à ramener la France au rang de ces voisins européens, pointent les sénateurs. La France consacre 69,50 euros par habitant à la justice, quand l’Allemagne investit en moyenne 131,20 euros et l’Autriche 107 euros. La crise sanitaire a par ailleurs mis en lumière les failles d’une justice à la peine sur la transition numérique. Aussi, l’épidémie rallonge encore des délais de procédure qui ont explosé malgré la mise en place de prorogation desdits délais.
« La lutte contre les violences conjugales ne peut pas être un affichage politique »
Par un amendement de la sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, l’enveloppe allouée aux bracelets anti-rapprochement pour tenir à distance les conjoints violents augmente de 2,7 millions d’euros. « La lutte contre les violences conjugales ne peut pas être un affichage politique et nous devons cesser de voter des mesures qui seront demain inapplicables faute de moyens. Le PLF prévoit que 4,7 millions d’euros seront consacrés aux bracelets anti-rapprochement, des sommes qui sont très loin des 6 millions nécessaires », a plaidé Valérie Boyer face au garde des Sceaux.
« Ce dispositif sera complété par une contribution de 2,7 millions d’euros du fonds de transformation de l’action publique […] Votre demande est déjà satisfaite », a rétorqué Éric Dupond-Moretti, demandant le retrait de cet amendement. Le Sénat préfère, lui, une enveloppe fixe et non une contribution.
Toujours pour améliorer la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales, un autre amendement attribue 10 millions d’euros pour garantir au moins une antenne d’unité médico-judiciaire (UMJ) par département, conformément à une recommandation du Haut conseil à l’égalité femmes hommes. Il s’agit là de « permettre la conservation d’éléments de preuve même si la victime ne souhaite pas porter plainte ». Ce dernier amendement a été adopté malgré un avis défavorable de la commission des finances et du gouvernement.
« Le garde des Sceaux a dérapé », tance Marie-Pierre de La Gontrie
En marge de la discussion de cet amendement, un accrochage a eu lieu entre le garde des Sceaux et la sénatrice PS de Paris, Marie-Pierre de La Gontrie. Cette dernière a reproché à l’avocat de formation d’avoir fait référence à l’affaire Georges Tron, poursuivi pour viols et agressions sexuelles et acquitté en première instance. Le ministre était l’avocat de Georges Tron.
Dans une digression, le ministre de la Justice a, en effet, cité cette affaire en accusant l’ancienne secrétaire d’Etat, Juliette Méadel d’avoir « voulu inverser la charge de la preuve » suite à l’annonce de l’acquittement de Georges Tron. Juliette Méadel s’était alors émue de ce verdict affirmant que « le doute ne devait pas bénéficier aux accusés ». « Ce serait une hérésie juridique et, sans doute, une décision qui sur le terrain constitutionnel pourrait être âprement discutée », a conclu Éric Dupond-Moretti.
« Je souhaiterais dire de façon assez solennelle au garde des Sceaux qu’il a dérapé […] dans cette affaire vous étiez l’avocat de Georges Tron. Il me semble que le Premier ministre a dû vous rappeler qu’il ne fallait pas mélanger votre passé d’avocat et votre présent de ministre de la Justice. Vous avez tenu des propos lors de ce procès qui éclaire peut-être votre position d’aujourd’hui […] où vous traitiez les parties civiles de manipulatrices », a reproché Marie-Pierre de La Gontrie.
« Les propos que j’ai entendus sont déplacés », a répondu Éric Dupond-Moretti, fortement agacé et ne souhaitant pas répondre à une polémique qu’il « ne trouve pas d’une grande hauteur de vue ».
Aide juridictionnelle : un « peu mieux faire » notent les sénateurs
« La profession des avocats est en grande difficulté », admet Éric Dupond-Moretti. Très attendue, la revalorisation de l’aide juridictionnelle n’a pas pleinement satisfait le Sénat. La hausse de 50 millions d’euros des crédits reste « inférieure à celle préconisée par Dominique Perben dans son rapport pour l’avenir de la profession d’avocat », a noté le rapporteur de la commission des finances, Antoine Lefèvre (LR). En effet, ce rapport préconise une hausse « qui ne saurait être inférieure à 100 millions d’euros ».
De son côté le ministre de la Justice a souligné une augmentation de 10 % des crédits portant la rétribution versée aux avocats de 32 à 34 euros par unité de valeur. « Je voudrais vous dire que si on a évoqué les 100 millions d’euros du rapport Perben, le rapport n’indique pas qu’il s’agit de 100 millions en une fois et nous avons prévu que les 50 millions étaient une première marche », s’est défendu Éric Dupond-Moretti.
Lors de ces discussions, les sénateurs se sont également émus de l’état « indigne » des prisons en France, avec parfois « trois détenus pour une cellule de 9 mètres carrés », dénonce Alain Marc, rapporteur de la commission des lois. Promesse de campagne : la construction de 15 000 places de prison d’ici à 2027 prend du retard. « Il y a 2 000 places construites et pour obtenir les 7 000 places il faudra attendre 2023 », a déploré Valérie Boyer en réclamant un calendrier précis des constructions.
Justice pénale des mineurs : « Le jeune doit d’abord être éduqué »
Un autre objet de préoccupation a été pointé : la réforme de la justice pénale des mineurs. Cette réforme, adoptée mardi par la commission des lois de l’Assemblée nationale, reste très décriée. Dans Le Monde, 120 associations et personnalités ont dénoncé cette semaine un projet « aussi inutile que dangereux » qui constitue « un pas de plus vers une justice des mineurs toujours plus semblable à celle des majeurs ».
« Nous resterons totalement fidèles à l’esprit de l’ordonnance de 1945 : le jeune doit d’abord être éduqué et il faut s’en donner les moyens parce que c’est un être en devenir et qu’on ne doit jamais désespérer même si la délinquance des mineurs est devenue plus violente », a prévenu le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur. Le texte devrait arriver sur le bureau de la commission des lois sénatoriale en janvier prochain.
Invitée de la matinale de Public Sénat, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, est revenue sur les difficultés rencontrées par le socle commun dans les débats sur l’adoption de la première partie du projet de loi de finances. Pour l’instant le recours au 49.3 reste exclu mais pourrait être dégainé par la suite.
Alors que le premier ministre avait simplement évoqué la reprise du « dialogue » avec les élus corses, la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation va plus loin. Le processus qui doit mener à l’autonomie de la Corse dans la République va reprendre. « Au deuxième semestre 2025, il pourrait y avoir l’examen de ce texte » constitutionnel, affirme sur Public Sénat Catherine Vautrin.
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, verrait d’un bon œil l’examen de deux textes sur l’immigration, l’un sur la transposition du pacte asile et immigration et l’autre qui serait la reprise de la proposition de loi Buffet-Retailleau. Mais rien n’est arrêté. « Pour le moment », seule la transposition de la directive européenne est prévue de façon certaine dans les cartons du gouvernement.
Invité de la matinale de Public Sénat, Antoine Basbous revient sur la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc. Un déplacement qui acte le réchauffement des relations entre les deux pays, notamment permis par la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.